Management, entreprise, Covid : c’est en temps de crise qu’on reconnait les meilleurs leaders !

Management, entreprise, Covid ; c'est en temps de crise qu'on reconnait les meilleurs leaders !
Management, entreprise, Covid ; c'est en temps de crise qu'on reconnait les meilleurs leaders !

Alors que les cartes du monde se sont autant rebattues ces derniers mois que pendant ces 20 dernières années, comment les dirigeants d’entreprise ont-ils plongé dans le grand bain du monde d’après ? Entre questionnement, prise de décision et prise de pouvoir, l’agilité, la détermination, l’audace et le collectif sont plus que jamais les piliers des arbitrages gagnants. Top managers, même pas peur. Management, entreprise, Covid : qui sont ces leaders qui ont passé le test avec succès ? 

 

De l’incertitude à l’inconnu, comment garder le cap ?

Raz de marée au pays de la stratégie ! Plus question d’arbitrer entre plusieurs options, l’heure est à la conception d’alternatives. Face à une situation économique et sanitaire totalement inédite, comment les leaders peuvent-ils continuer à construire et à partager une vision…alors même qu’ils ne savent pas vraiment où va le monde ?

Pourquoi les périodes de crise sont-elles à même de révéler les meilleurs leaders ? Tout simplement parce qu’elles nous font revenir à la définition primaire du leadership.  « Une relation d’influence dont le but est l’atteinte d’un objectif commun et dont l’intention réside donc dans l’impact. Les québécois parlent même « d’habiletés de direction ». Car il n’y a pas besoin d’exercer de hautes responsabilités pour exercer son leadership » introduit Sylvie Deffayet, professeur de management et directrice de la Chaire Leadership Development de l’EDHEC. « Mettre du sens là où il en manque, voilà la fonction première du leader » ajoute Arnaud Lacan, professeur en management, responsable de la majeure Management responsable et Directeur adjoint du PGE de KEDGE BS.

>>>> La crise est aussi une occasion de redéfinir le positionnement de l’entreprise, voire de la réinventer ! La preuve avec Marc-Antoine Cabrelli, Président Associé du cabinet de conseil June Partners

D’un monde à l’autre

Et s’il y a bien une période où nous avons besoin de sens, c’est celle que nous traversons actuellement. Même si le monde n’a pas attendu la Covid-19 pour jouer la carte de la complexité et de l’incertitude. « Avant la crise, on demandait déjà aux managers  d’aller chercher cette posture de leader capable de gérer la complexité et l’incertitude, de donner du sens et d’embarquer les gens. Une figure qui devient encore plus indispensable dans cette crise qui s’inscrit sur un temps long, dans un changement de monde… alors même que personne ne sait quel monde s’ouvre. La fonction première du leader c’est d’accompagner les gens d’un monde à un autre, de proposer un monde à venir en contextualisant le présent. Il est capable d’incarner le monde voulu et d’accompagner ses collaborateur d’un monde qui s’efface au monde qui se construit » ajoute-t-il.

>>>> « Se préparer au monde de l’après-crise demande d’abord de ne pas avoir peur » : le regard d’Alain Minc sur le leader contemporain face à la crise Covid 

>>>> Pour aller plus loin : manager la transition, telle est votre mission

Ego et leadership : antinomiques ?

Pour guider ses collaborateurs d’une rive à l’autre, le leader devra équilibrer bienveillance et exigence. « Quand tout va bien, être bienveillant, c’est facile. Mais en temps de crise, le challenge n’est plus le même : pas question de s’illustrer comme une machine à exporter du stress et à importer de l’énergie. Il faut continuer à développer les gens tout en étant très exigeant en termes de résultat » indique Bernard Coulaty, ex-DRH international, professeur et expert en gestion des ressources humaines et leadership à l’IÉSEG School of Management.

>>>> Pour Philippe Girault, Président d’Alternet, « le leadership s’acquière à l’école de la vie » !

La résilience et la confiance sont aussi centrales. « Les managers qui avaient déjà laissé tomber le 100 % contrôle ne vont pas être disruptés par la crise. En revanche, ceux qui étaient dans le contrôle a priori et dans le suivi des process ont été obligés de faire confiance ce qui, pour certains, est totalement contre-nature. Les grands gagnants de la crise seront finalement ceux qui arriveront à passer le cap tout en renforçant l’engagement de leurs équipes, qui auront réussi à voir l’après et à préparer les esprits au travail de demain » explique l’expert de l’IESEG.

>>>> Pour garder le cap face aux crises, suivez le conseil de Philippe Mocaer, Président des Panneaux de Corrèze : « Restez zen, fidèle à vos convictions et ne remettez pas tout en question »

Ses meilleurs atouts pour y parvenir ? « L’humilité, l’humanité et pourquoi pas, l’humour ! Car le leader ne sait pas mieux que les autres, il est à leur disposition pour leur donner l’envie. On confond trop souvent le pouvoir et l’autorité : alors que le pouvoir renvoit à la maîtrise de la hiérarchie, l’autorité permet, elle, de faire grandir. C’est finalement la définition même du servant leadership : on est un bon leader quand on accepte d’être un bon serviteur de l’équipe. »

>>>> « En temps de crise, il faut garder le cap ! » affirme Pascal Michard, président d’Aéma Groupe (regroupement d’Aésio et de la MACIF)

Management, entreprise, Covid : misez sur votre boussole intérieure !

Servir l’équipe en l’accompagnant vers une vision commune : vaste programme au planning du leader du « monde d’après ». Et pour garder le cap face à la pression, il est indispensable de « se connecter au cap qu’il a à l’intérieur de lui. Plus l’inconnu est énorme, plus le répertoire d’expériences extérieures est maigre et plus il doit chercher ses convictions et habiletés les plus profondes… et souvent encore inexploitées. Pour savoir à quelles expertises et ressources de son écosystème il peut faire confiance pour tracer sa route dans le brouillard, son meilleur allié reste sa boussole intérieure. Les vrais leaders ce sont pas dans la toute-puissance mais dans l’identification des chemins leur permettant de créer et d’innover » constate Sylvie Deffayet.

>>>> Essilor, une certaine vision de l’avenir ! Découvrez le témoignage de Chrystel Barranger, Présidente Europe Essilor international & Présidente Essilor Global Photochromics et Transitions Optical.

La méditation et les neurosciences à la rescousse

Leadership / médiation / neurosciences : le tiercé gagnant du leader de demain ? « Depuis 30 ans, les neurosciences ont objectivé les effets de la méditation sur notre lucidité, notre capacité au discernement, notre gestion émotionnelle, notre intuition… et ont permis de mettre en évidence des changements sur le fonctionnement du cerveau. Parmi les plus notables : une plus grande vigilance, à moindre effort. Et dans des situations d’incertitude et de pression forte, il est fondamental de pouvoir réfléchir, décider et agir avec une capacité préservée » analyse Jean-Gérard Bloch, responsable du DU Leadership, méditation et neurosciences de l’EM Strasbourg. Une démarche d’autant plus cruciale dans cette crise qui invite à l’introspection et à la mise en perspective. Ce DU mis en place par l’EM Strasbourg s’adresse d’ailleurs à des leaders en responsabilité et en expérience, à qui il propose une pédagogie expérientielle dans un format favorisant la prise de recul et l’approfondissement : 30 participants pour 4 sessions de 4 jours en plein cœur du Mont St Odile. « Un moyen de prendre la hauteur et la profondeur nécessaires sur ses choix fondamentaux, sur la façon d’être aligné sur ses valeurs dans sa posture de leader » estime Jean-Gérard Bloch.

Management, entreprise, Covid : la boite à outils du leader du monde VUCA ?

Pandémie, catastrophes naturelles ou cyber attaques : pour mieux préparer les futurs leaders à répondre aux crises, avec de bonnes décisions aux bons moments, IMT Atlantique et ses sept partenaires issus de 5 pays européens ont lancé le projet d’innovation DAhoy. L’objectif ? Faire évoluer les formations pour préparer les salariés à mieux gérer les crises et donc, à « manager la complexité dans l’incertitude ». Un projet lancé dès 2017, et des outils pédagogiques plus que jamais d’actualité. A travers de multiples sessions pédagogiques ponctuées, entre autres, de serious games avec des étudiants ingénieurs, l’école et ses partenaires ont pu « formaliser, tester et éprouver une échelle de VUCAlité des situations vécues et à vivre, afin de renforcer nos VUCAptitudes et celles des étudiants ».

Le Wartime CEO sur tous les fronts

 « Nous sommes en guerre » avait déclaré Emmanuel Macron dès le 16 mars 2020 pour évoquer la crise Covid. Une rhétorique guerrière qui semble aussi toucher le monde du management et du leadership avec la résurgence du Wartime CEO. Mais qui est-il vraiment et comment adapte-t-il son style pour faire face à la crise ?

Non, les CEO ne se sont pas mués en guerriers sanguinaires face à cette bataille inédite à laquelle la Covid-19 les confronte ! « La différence entre le Wartime CEO et le Peacetime CEO réside avant tout dans le temps. Il doit prendre vite des décisions, parfois risquées, dans un univers incertain et complexe. C’est un mercenaire capable de tirer le meilleur sur le temps court, de maximiser l’instant, sans être forcément capable de donner une vision. Or, être un bon leader en temps de crise, c’est être métamorphosant, gérer le quotidien tout en construisant la vision du temps d’après. Le leader idéal ? Le fils du Wartime CEO et du Peacetime CEO ! » introduit Arnaud Lacan, professeur en management, responsable de la majeure Management responsable et Directeur adjoint du PGE de KEDGE BS.

Une machine de guerre ?

Se mettre en mode guerrier peut parfois même s’avérer contre-productif, comme le note Jean-François Fiorina, DGA et directeur des programmes de Grenoble Ecole de Management. « On n’a pas besoin d’un guerrier, car un guerrier, ça panique. Au contraire, en temps de crise il faut un leader qui s’appuie sur son management pour, ensuite, mettre en œuvre l’action de réponse nécessaire. Il faut entrainer plutôt que tétaniser. »

Car si la crise appelle certains à rechercher la figure de proue qui incarne le renouveau, c’est sans doute celui qui saura jouer collectif qui pourra sauver la situation. « Si toutes les décisions remontent à un seul homme providentiel, en cas d’urgence, on a toutes les chances d’arriver à la catastrophe. Face au gigantisme des enjeux actuels, seule la mutualisation, la prise de décisions collective pourra pallier à la situation. Si tout ne doit pas être fait ensemble, des caps stratégiques doivent être dépassés de façon collective » analyse Jean-Michel Moutot, professeur de management à Audencia.

>>>> Pour aller plus loin : faites la paix économique, pas la guerre !

Rassurer les troupes

Mais prendre des décisions ensemble, c’est pas si simple. « Ce n’est pas parce qu’on donne le droit aux gens de décider ensemble qu’ils le font ! Ce n’est pas inné, certains peuvent se sentir déstabilisés ou démunis et il faut les accompagner par des méthodes agiles, des ateliers participatifs… Il est aussi impératif de travailler sur les marges de manœuvres, sur les choses que le leader est prêt ou non à déléguer et s’assurer que le schéma fonctionne », ajoute le professeur d’Audencia.

Le Wartime CEO c’est pas Rambo !

Alors adieu le grand homme qui mène ses troupes sur le champ de bataille et bonjour celui (ou celle !) qui sait jouer collectif… et introspectif. « Il s’agit d’abord de mener une guerre contre soi, contre ce qui pourrait nous empêcher d’être innovant, agile, adaptable, une guerre contre nos croyances négatives. Cette crise nous ramène tous au leadership, à notre propre responsabilité. Et ce n’est qu’une fois qu’on a trouvé de quoi nous sommes responsables que nous pouvons retrouver du pouvoir d’agir et non pas uniquement réagir face à des urgences » constate Sylvie Deffayet professeur de management et directrice de la chaire Leadership Development de l’EDHEC. Un prérequis s’avère alors incontournable : accepter ses vulnérabilités. « La meilleure façon de diriger et de réussir c’est d’être épanoui… et non le contraire. Il ne suffit pas pas d’être dans l’attente de réussir pour réussir. Pour cela, il faut être là où on pense avoir une valeur ajoutée et délaisser le reste » ajoute-t-elle.

Management et leadership en plein Covid ? L’intelligence collective à la rescousse !

L’esprit d’équipe : le meilleur rempart à l’incertitude générée par la crise ! Comment l’intelligence collective s’est-elle imposée comme un levier pour réinventer les liens dans l’entreprise ?

Quand la crise incite au partage pour mieux performer, ensemble.  Si les confinements ont éloigné les collaborateurs de leurs lieux et de leurs collègues de travail, ils ont aussi été un terreau de créativité et d’innovation. « Depuis 20 ans la chaire Leadership Development de l’EDHEC utilise l’intelligence collective pour transformer les pairs en sources d’apprentissage. De fait, je suis convaincue que l’intelligence collective est un des meilleurs leviers pour développer son leadership. Car apprendre, ce n’est pas voir passer des théories, c’est échanger pour changer. C’est pour cela qu’il est essentiel, en sortie de crise, d’opérer un retour d’expérience avec ses équipes pour voir ce qui a été appris, tous ensemble » indique Sylvie Deffayet.

>>>> Leadership, la victoire de l’intelligence collective ! Le regard de François Schmitt, Président de Groupama Grand Est 

>>>> Intelligence collective et bien-être, le bon combo de Sylvie Mouchon, CEO de Gutenberg Agency

A l’horizontal

Mais à l’intelligence collective, devenue véritable mot-valise, Bernard Coulaty, ex-DRH international, professeur et expert en gestion des ressources humaines et leadership à l’IÉSEG School of Management, préfère les notions d’agilité et de coopération. « Il s’agit de savoir comment mieux collaborer en vertical et en horizontal, comment aligner sa vision et le terrain, analyser comment le ComEx cascade intelligemment cette vision ou comment créer des passerelles entre les départements et services. Il ne s’agit donc de redonner du goût au leadership et au management. C’est ce dont ont besoin les jeunes : un leader tantôt coach, confident ou facilitateur. »

>>> «  Le doute et l’humilité sont deux qualités majeures chez un manager. Même si, au final, il doit trancher et prendre seul la décision qui lui parait la plus efficace, il est souhaitable de toujours s’ouvrir à une large concertation » : le management collaboratif selon Yves Lederer Président de Coriance 

Shadow Board : les Millennials sortent de l’ombre

Et quoi de mieux pour booster le collectif que d’inclure les Millennials dans la prise de décisions ? Composé de jeunes collaborateurs, le Shadow Board ou « comité fantôme » serait-il devenu LA bonne option pour anticiper les opportunités tout en boostant l’engagement des jeunes talents ? 

Le boom des « shadow boards » correspond en tout cas à la revendication croissante des jeunes générations de leur droit à l’immédiateté. « Si le reverse mentoring, ou le fait d’aller chercher chez les jeunes une compréhension qui échappe aux anciens, existe depuis le début des années 2000, leur volonté de ne pas attendre pour donner leur avis n’a fait que croître depuis. Ils ont envie de feedback permanent, ils osent avoir des points de vue et ne sont pas confits dans la position verticale qu’impose la hiérarchie. De fait les Y et les Z ne sont plus du tout d’accord pour être traités de manière inférieure hiérarchiquement » indique Arnaud Lacan professeur en management, responsable de la majeure Management responsable et Directeur adjoint du PGE de KEDGE BS.

>>>> « Nous cultivons l’esprit d’équipe pour avancer ensemble de manière agile, chaque collaborateur y contribue et la solidarité se manifeste à tous les étages », la vision du management collaboratif selon Vincent Boyer, Président de la Mutuelle Fraternelle d’Assurances (MFA)

Ces « comités inversés » nés pour prendre en compte cette spontanéité et ce besoin l’immédiateté des Millennials, sont aussi un lieu privilégié pour nourrir et se nourrir de l’intelligence collective. Qu’on se le dise, ce n’est pas parce qu’on est junior qu’on a moins d’intelligence à donner au collectif !

>>>> « À ceux qui veulent prendre des responsabilités, je dis banco.  Le pouvoir ça ne se donne pas, ça se prend ! » Le leadership selon Dominique Chaignon, Directeur de l’audit du Groupe Aésio MACIF

Management et leadership à l’ère Covid : changement de logiciel requis

Une révision conceptuelle totale des modes de pensée. « On explique aujourd’hui à des leaders qui ont dû batailler et attendre leur place, qu’il faut tout changer pour des jeunes réclamant une relation d’égal à égal » ajoute-t-il. C’est d’ailleurs là que réside toute la force du leader qui sait se positionner dans cette horizontalité, dans un sentiment communautaire qui fait presque de lui un « chef de bande ».

>>>> Le secret de leader de Stéphane Eimer, PDG de Biogroup ? « Il faut faire adhérer les gens à un projet et que l’impulsion vienne d’eux-mêmes car il n’est jamais bon d’imposer les choses. Dès qu’ils comprennent le sens où vous allez et l’importance de dépasser les intérêts personnels, ça fonctionne. La communication avec les personnes clés de l’entreprise est essentielle. »

Mais les jeunes, aussi convaincus soient-ils de la vertu du modèle, sont-ils pour autant prêts à donner leur avis ? « Les enseignements de la Covid montre de fantastiques possibilités de transformer l’entreprise, de se questionner sur la place de chacun, sur les types de management, de suivi, de contrôle, sur la dimension écologique ou économique de l’entreprise… Mais aussi de réformer le management avec des jeunes habitués à travailler en mode transverse, en projets et en réseaux » ajoute Jean-François Fiorina, DGA et directeur des programmes de Grenoble Ecole de Management.

>>>> « Pour être dirigeant d’une PME, je pense qu’il est essentiel de connaître tous les postes d’une entreprise et d’être passé par plusieurs d’entre eux. Chez nous, on donne la parole à celui qui sait faire, qui a l’expertise, pas forcément à celui qui a le titre le plus ronflant ». Tout savoir sur le parcours d’Hervé Dohollou, Président d’I.P.C.

>>>> Derrière l’adresse info@clairefontaine.com ? Guillaume Nusse, le PDG de Clairefontaine Rhodia, un manager à la page !

Le Command & Control c’est fini, place au Trust & Track leadership

 

Comment faire confiance à des Millennials avides d’autonomie tout en assurant un suivi optimisé  en mode win win ? Mode d’emploi.

Si les jours du Command & Control étaient déjà comptés, la crise Covid l’a-t-elle définitivement achevé ? « Aujourd’hui, on ne peut plus manager sur des rapports hiérarchiques ou une autorité de fait. Nous sommes en pleine crise des porteurs de crédibilité, due, entre autres, à la révolution numérique qui remet en cause l’autorité des anciens et de toutes les institutions solides. Dans une société fluide où on apprend de partout, le porteur d’autorité ne peut être crédible que s’il est légitime. L’âge et le charisme ne suffisent plus, place au leadership de proximité, à l’autorité relationnelle et à l’empathie » analyse Elodie Gentina, professeur en marketing et experte de la Génération Z à l’IESEG School of Management. C’est ainsi que de nombreuses entreprises ont abandonné l’entretien annuel pour des feedbacks réguliers, ou remplacé les échanges par mails et leurs sempiternels « répondre à tous » par des messageries instantanées.

>>>> « De l’accueil jusqu’au bureau du président, nos collaborateurs sont toujours disponibles, souriants et ouverts » : la devise de Didier Delfino Président de Brother France qui pratique la politique de la « porte ouverte »

Rassurant le contrôle ?

Et pourtant, le respect de bons vieux process ne serait-il pas une façon de barrer la route à l’incertitude ? Fausse bonne idée selon Bernard Coulaty ex-DRH international, professeur et expert en gestion des ressources humaines et leadership à l’IÉSEG School of Management. « Le process ça tue l’initiative et donc l’engagement. L’heure est à la simplification, surtout en temps de crise : quand on crée un process il faudrait en supprimer deux ou trois en même temps ! »

Management et leadership sous Covid : l’heure de la liberté a sonné ?

Abandonner le contrôle, c’est aussi donner plus de liberté à ses collaborateurs… qui, contrairement aux idées reçues, ne veulent pas en abuser. « La GenZ a besoin de liberté mais aussi d’une équipe et de relations humaines. Les jeunes sont fidèles à leurs collaborateurs et troquent la fidélité d’entreprise pour une fidélité sociale et collaborative. Pour preuve, un de leurs premiers critères de fidélisation c’est l’esprit d’équipe. Ainsi, seuls 30 % d’entre eux sont intéressés pour travailler dans un espace de coworking » précise la professeur de l’IESEG.

>>>> Laurent Kleitman PDG de Parfums Christian Dior est « convaincu qu’accueillir, responsabiliser rapidement et faire confiance aux jeunes diplômés est une richesse immense pour une Maison qui, plus que des diplômes, cherche des personnalités, des jeunes talents qui font preuve d’audace, portent un point de vue différent sur le monde et osent l’exprimer. »

Place aux savoirs penser

Si nous avons déjà traversé le siècle des savoirs et le siècle des savoir-être, l’heure est aujourd’hui au siècle des savoir-penser, indispensables pour répondre aux défis posés par un monde toujours plus complexe. Pour que les Millennials puissent exercer ces savoir penser, il faut les doter « de compétences qui ne peuvent être remplacées par l’intelligence artificielle : la créativité, la résolution de problèmes complexes, la perception sensorielle, la sociabilité… Si pour cela l’agilité s’avère essentielle, elle ne suffit plus. Il faut désormais faire un pas de côté pour penser différemment, changer de monde et donc, changer de paradigme. Et ce pas de côté, ce sont les nouvelles générations qui vont nous l’enseigner car elles se sont déjà octroyées le droit d’entreprendre, de dire de ce qu’elles pensent, de signer des manifestes… pour rendre l’entreprise redevable au monde dans lequel elle s’inscrit » indique Manuelle Malot, directrice du NewGen Talent de l’EDHEC.

#LeaderIdéal

 Jeunes diplômés cherchent leaders pour changer le monde ! Quels sont les traits du leader idéal selon les jeunes générations ? Portrait par Manuelle Malot, directrice du NewGen talent de l’EDHEC.

Il est redevable des enjeux du monde et pas seulement du business. Il doit avoir et incarner l’impact environnemental, social et sociétal de son entreprise. Il a envie de changer le monde d’hier, en mieux !

On lui fait confiance. Les jeunes font plus confiance aux leaders d’entreprise qu’au pouvoir politique. Ils attendent de l’entreprise qu’elle change le monde, ce qui confère une responsabilité pharamineuse au leader. La question de l’engagement devenant le nerf de la guerre, cette crise va les pousser à expérimenter de nouvelles raisons d’être et va sans doute leur permettre de gagner 10 ans sur ce sujet.

Il donne confiance. « Faites-moi confiance » disent les jeunes à leurs leaders, mais aussi « donnez-moi confiance et accompagnez-moi dans ce mouvement vers la prise de responsabilités ». Le premier critère de choix pour s’engager dans une entreprise est en effet l’assurance d’être utile, d’avoir de l’influence et de participer aux décisions.

C’est Didier Deschamps ! Aujourd’hui, les jeunes voient l’entreprise comme une aventure collective. Comme au foot, on se serre les coudes et on se dépasse pour relever un gros challenge, accompagné par un entraineur – le leader – qui arrive à faire travailler ensemble des personnes, des égos et des valeurs différents. Mais si les jeunes ont cette confiance dans l’entreprise, ils la jugent malgré tout toujours comme le reflet d’un monde ancien, complexe et vertical. Il est donc temps de taper dans la fourmilière… sans abimer les fourmis !

Il est à l’écoute. Les jeunes ont confiance dans l’entreprise mais veulent aussi challenger les leaders pour transformer l’entreprise de demain.  Ou comment redonner ses lettres de noblesse à l’essence même du leadership : donner et expliquer le cap.

Il est compétent. Si auparavant le leader était respecté pour son autorité, aujourd’hui, un leader dont l’autorité ne serait que statutaire n’a aucune chance de réussir. Etre uniquement dans le contrôle, ça n’engage pas. On respecte un leader pour sa compétence et sa capacité à développer les compétences des autres. On passe ainsi d’une autorité de statut à une autorité de compétence et de l’inspiration.

 

Utilité sociale et entreprise à mission : le nouveau graal du leader ?

 

En devenant une société à mission, une entreprise fait publiquement état de sa raison d’être en la liant à plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elle va poursuivre dans son activité. De quoi séduire des jeunes collaborateurs en quête de sens. Pourquoi et comment impulser cette dynamique quand on est un leader ?

Alors qu’une majorité de Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, les notions d’entreprise à mission et d’utilité sociale ont été introduites par la Loi PACTE en 2019. Une entreprise à mission peut donc désormais afficher sa raison d’être. « Une notion qui émerge d’un raisonnement plus large réalisé par les entreprises sur leur place dans la société leur permettant d’intégrer des réflexions sur des éléments hors business, qui ne sont pas rentables immédiatement mais qui constituent des investissements cruciaux pour maintenir son équilibre et nourrir l’engagement et l’implication des collaborateurs » indique Jean-François Fiorina, DGA et directeur de programmes de Grenoble Ecole de Management.

>>>> NOS EXPERTS EN EXCLU – Leadership responsable, quête de sens et performance sont-elles vraiment compatibles ?  – L’analyse de Taran Patel, PhD, professeur associée à Grenoble Ecole de Management

Pourquoi devient-on une entreprise à mission ?

Mais qui motivent vraiment une entreprise à devenir une entreprise à mission ? Les consommateurs ? Pas si sûr. La gestion des risques ? Sans doute ! Limiter l’impact du risque environnemental implique d’anticiper ce risques et ça, c’est du bon business. Les collaborateurs et futurs collaborateurs s’imposent aussi comme des sources d’inspiration centrales en la matière. « Aujourd’hui, ils représentent la partie prenante qui drive le plus l’engagement des entreprise dans ces démarches stratégiques intégrées à même de les attirer et de les fidéliser  » note François Maon.

Utilité sociale et RSE, même combat ?

Un mouvement qui fait écho au virage RSE déjà pris par de nombreuses entreprises.  « Depuis plusieurs décennies nous observons un mouvement croissant vers la RSE avec l’objectif de créer de la valeur plus durable, de dépasser la primauté de l’actionnaire en intégrant des considérations sociales et environnementales dans la façon dont les entreprises développent leur activité pour générer un impact positif. Mais la question de l’utilité sociale ne doit pas être liée à la façon dont l’entreprise dépense l’argent qu’elle gagne mais au comment elle gagne l’argent qu’elle dépense » prévient François Maon, professeur et responsable du département Management & Society de l’IESEG School of Management.

>>>> NOS EXPERTS EN EXCLU – Quelle est la définition idéale du leadership responsable ? Christian Voegtlin, professeur de RSE à Audencia, vous répond 

>>>>  Le saviez-vous ? VELUX est une entreprise à mission ! Découvrez sous un nouveau jour cette entreprise spécialiste des fenêtres avec le témoignage d’André Dot Président de VELUX France et VP Région Europe du Sud

Le comeback de l’éthique

Un mouvement qui marquerait le grand retour de l’éthique. « On ne peut plus séparer économie et éthique. Si l’action économique est centrale, on ne peut la réaliser que dans la perspective d’une orientation éthique. Je me méfie de l’idée de vouloir justifier à tout prix les entreprises à mission par des arguments économiques. Il se peut que les choix éthiques ne soient pas financièrement intéressants, du moins à court terme. L’éthique n’en reste pas moins centrale. Car une entreprise qui ne répondrait pas à des besoins sociétaux et ne produirait que des biens et services néfastes pour la santé ou l’environnement pose problème. On ne peut plus faire l’impasse du critère d’utilité sociale. » analyse Sandrine Frémeaux, professeure à Audencia.

>>>> NOS EXPERTS EN EXCLU – Leadership responsable, quête de sens et performance : la quadrature du cercle ? L’analyse de Laure Bertrand, enseignant-chercheur en RH et RSE, Directrice Soft skills, Développement durable et Carrières au Pôle Léonard de Vinci 

Quelle place pour le leader ?

 « J’ai du mal à imaginer qu’une entreprise puisse être une entreprise à mission dotée d’une raison d’être avec un impact stratégique réel, si son leader n’est pas visionnaire et n’est pas capable d’agir conformément à ses valeurs. A ce titre, le leader humaniste qui transcende les faux débats et fausses questions de société en se focalisant sur une finalité supérieure comme le bien commun est une figure intéressante. Il permet aux salariés et à l’ensemble des membres de l’organisation de s’épanouir en pouvant participer aux besoins réels de la société » ajoute l’experte d’Audencia. Au risque sinon de tomber dans l’écueil du « mission washing ». « On ne peut pas se construire sur un désert de valeurs ! » insiste François Maon.

>>>> Vous êtes en quête de sens ? C’est à La Coopération agricole que ça se passe ! Rencontre avec son président Dominique Chargé

 

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