Pascal Huguet, docteur en Psychologie et directeur de Recherche au CNRS : « En mathématiques, il n’y a strictement aucune différence entre les hommes et les femmes. »

Pascal-Huguet

[Qu’en dit la science ?]

Pascal Huguet, docteur en Psychologie, Directeur de Recherche au CNRS et directeur de la Fédération de Recherche 3C – Comportement, Cerveau, Cognition – a mené une expérience à Marseille sur des collégiens. Résultat : il n’existe pas de différence fondamentale entre les filles et les garçons autre que celles instaurées par les stéréotypes.

Le premier point à avoir à l’esprit concerne la sous-représentation des femmes dans les filières scientifiques et techniques – 20 % en moyenne –, en France mais aussi en Europe et aux États-Unis. Certes beaucoup d’efforts ont été faits mais il y a peu d’évolution ces dernières années. Cela fait parfaitement écho aux postes décisionnels au sein des conseils d’administration des grandes entreprises.

Pourtant, lorsque l’on regarde au niveau du baccalauréat, les filles sont meilleures que les garçons dans les filières scientifiques. Le vivier est donc bel et bien présent mais ensuite, on assiste à une réelle sous-représentation. Cette discontinuité peut s’expliquer par l’autocensure que les femmes s’imposent à elles-mêmes  à cause des pesanteurs sociologiques qui ciblent négativement les femmes avec l’idée d’une infériorité intrinsèque.

Y-a-t-il des différences entre les hommes et les femmes en maths ?

À partir des tests standardisés en mathématiques, la réponse apportée est claire : il n’y a strictement aucune différence entre les hommes et les femmes. En fait, oui, il existe quelques différences, en faveur des hommes, dès qu’on approche les très hauts scores. Le fameux SAT aux États-Unis montre ainsi une « supériorité » des hommes sur les femmes dès lors que l’on dépasse les 700 points. Toutefois, cette différence varie avec le temps : il y a 20 ans, on trouvait 13 fois plus d’hommes que de femmes au-delà de 700 points. Aujourd’hui, on trouve seulement deux fois plus d’hommes que de femmes.

Quoi qu’il en soit, on trouve plus d’hommes très forts en maths que de femmes. Peut-on l’expliquer ? Il y a un effet interférent au moment du test du stéréotype qui cible négativement les femmes : la simple connaissance du stéréotype, même sans y croire, peut influencer et endommager la performance le temps d’un test.

Comment ? Sur les tests plus difficiles, il est possible de commencer à douter : c’est là que le stéréotype peut alors commencer à agir. Il ne s’agit pas forcément de processus conscients ou verbalisés mais lorsqu’il y a un enjeu pour ces femmes de montrer leurs compétences, alors là, le risque est grand qu’elles calent et « confirment » alors le stéréotype. Voilà donc pourquoi la différence se fait dans les hauts scores car c’est là que réside l’enjeu et par conséquent, c’est là qu’intervient la menace du stéréotype.

La preuve par l’exemple : l’expérience géométrie – dessin

Il apparaît que lorsque l’on a activé l’idée d’une différence entre les hommes et les femmes, cette différence se produit à la faveur des hommes. En revanche, lorsque l’on induit l’idée d’une similitude entre les deux sexes, aucune différence ne ressort. Les tests de psychométrie montrent qu’il n’existe pas de différence. Aujourd’hui, on arrive très bien à expliquer la discontinuité via les interférences liées aux stéréotypes sociaux. Connaître ce point peut amener à reproduire ces stéréotypes et donner l’illusion qu’ils sont donc vrais.

Expliquer la discontinuité via les interférences liées aux stéréotypes sociaux

D’un point de vue discursif, on peut toujours tout dire. C’est pourquoi, il est essentiel de le démontrer expérimentalement pour l’expliquer. Or, cette preuve expérimentale de l’influence d’un certain nombre de stéréotypes a été amenée par une expérience menée à Marseille auprès de collégiens : il a été proposé  à deux groupes distincts de mémoriser une forme géométrique quelconque puis de la reproduire en un temps donné. Au 1er groupe, nous leur avons présenté l’expérience comme un test de dessin et au second comme un test de géométrie. Il n’a été observé aucune différence entre garçons et filles au sein du premier groupe. En revanche, les garçons ont mieux réussi dans le 2e.

Conclusion : les stéréotypes sont installés très tôt dans les esprits, ce qui entraîne une désaffection des jeunes filles pour les sciences. C’est bien la manière dont les enfants se représentent le test qui explique les résultats.

Des études américaines indiquent que les stéréotypes s’installent dès le niveau primaire. Donc il n’est pas surprenant que les jeunes filles s’autocensurent après le bac dans le choix de leurs études supérieures même si elles sont meilleures en filière scientifique au niveau du bac. Avec notre expérience géométrie – dessin, même les filles qui sont meilleures que les garçons à l’école ont été piégées ! Pourtant, elles ne sont pas impliquées causalement dans les différences. La réalité « biologique » côtoie ainsi la réalité psychologique liée à l’environnement.

Violaine Cherrier

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