Où en est la RSE en entreprise en 2024 ?

La RSE en entreprise : un must have en 2024 - © Unsplash

La sustainability, c’est une question de survie ! Il n’y a pas d’entreprise qui gagne dans un monde qui perd. Alors que l’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée sur la planète et que la diversité et l’inclusion sont plus que jamais au cœur des débats, la prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux par les entreprises n’est plus une question d’image ou de nobles intentions, mais bien une question de survie. Et elles en ont bien conscience. Selon le baromètre IFA / Ethics & Boards 2023, 90 % des conseils des sociétés du CAC40 se sont dotés d’un comité RSE dédié ou combiné, faisant ainsi de la RSE une préoccupation éminemment stratégique. Preuve en est, la rémunération des dirigeants est de plus en plus matérialisée par les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Le poids moyen de ces critères dans la rémunération variable annuelle des dirigeants avoisine ainsi les 25 % aujourd’hui. Des signaux forts qui sont devenus absolument incontournables pour attirer les jeunes talents dont elles ont besoin. Des jeunes qui, lorsqu’ils cherchent un emploi, regardent toujours en priorité les promesses sociales et sociétales de leurs employeurs potentiels. L’Index RSE Universum 2023 montre d’ailleurs qu’ils portent cette année bien plus attention aux engagements économiques des entreprises qu’à leurs actions en faveur de l’environnement. Alors que deux des cinq critères économiques font leur entrée dans le Top 5 des engagements prioritaires aux yeux des candidats – l’engagement des entreprises en faveur de pratiques économiques éthiques et la sécurité de leurs produits et services – quatre des cinq critères environnementaux perdent des places. Preuve que leurs exigences en matière de RSE poussent les entreprises à s’engager et à agir, la crédibilité des entreprises en matière de RSE progresse : 41 % des répondants de l’Index pensent que les employeurs sont réellement engagés (vs 28 % en 2021). Un sentiment également ressenti chez les salariés en poste. Le baromètre Cegos 2023 sur la RSE constate en effet que 77 % des salariés reconnaissent l’engagement de leur entreprise en matière de RSE. Mais seuls 33 % d’entre eux estiment que l’engagement de leur organisation en matière de RSE est à la hauteur des grands défis mondiaux actuels. Alors où en est-on réellement de l’intégration des critères RSE dans les entreprises en 2024 et comment aller plus loin ? Enquête.

SOMMAIRE

Les entreprises ouvrent leurs portes à la RSE
La recette d’une politique soutenable à succès
La sustainability fait-elle vraiment le tour du monde ? 
Rencontre avec Coline Briquet, responsable Diversité, Egalité et Inclusion de l’IESEG
Se décarboner c’est aussi une question de souveraineté !
Portait – Camille Chaudron, le militantisme joyeux

La RSE en entreprise : un must have absolu

Aujourd’hui, plus question de parler uniquement de développement durable quand on pense avenir de la planète et de nos sociétés. D’ailleurs, c’est bien le terme de RSE qui est privilégié en entreprise. Une notion qui renvoie aux enjeux environnementaux bien sûr, mais aussi aux enjeux sociaux et sociétaux, de plus en plus prégnants en entreprise. Et ce alors même qu’une majorité de salariés estime que les entreprises ont un impact positif sur la société. Un impact qu’ils voient en trois dimensions selon le Baromètre 2023 du Medef sur la perception de la RSE : une dimension sociale (90 %), une dimension environnementale (84 %) et une dimension gouvernance (80 %). Mais concrètement comment les entreprises l’intègrent-elles réellement dans leur stratégie de développement ?

L’importance croissante des défis sociaux et environnementaux impacte les activités des entreprises qui doivent intégrer la transition juste et durable au cœur de leurs préoccupations. Elle révolutionne même la façon de penser le travail. Tous les métiers et fonctions hiérarchiques sont impactés et sont donc appelés à se transformer. Ce sont les conclusions tirées par le cabinet de conseil Bartle, le cabinet de recrutement Birdeo et ESSEC Business School qui ont mené une étude conjointe sur l’évolution des compétences métiers pour répondre aux problématiques sociales et environnementales et sur la manière dont les directeurs et directrices métiers prennent en compte les enjeux de la durabilité dans leurs activités.

De nouvelles compétences pour des enjeux plus durables

Aujourd’hui, les sujets de RSE ne sont plus la chasse gardée des directeurs RSE ou d’un métier en soi mais une composante essentielle de chacune des activités de l’entreprise. Pourquoi ? Parce que les questions de responsabilité sociétale des entreprises ne sont plus ni une option, ni le monopole d’une seule personne dans les entreprises. C’est le constat que fait notamment Caroline Renoux, fondatrice de Birdeo, pionnier sur les sujets de RSE et d’impact. « Il y a 15 ans, les gens qui faisaient de la RSE étaient des pionniers qui se formaient seuls et étaient prêts à faire des concessions en termes de carrière et de salaire. La première évolution a eu lieu en 2016 après les Accords de Paris (2015) mais ce sujet restait toujours beaucoup cantonné à la direction RSE, contextualise-t-elle. En 2019, le sujet a explosé et ne fait que se renforcer depuis : les directions RSE se sont étoffées et les responsables RSE sont de plus en plus recrutés pour des postes à double casquette (supply chain + RSE, direction financière + RSE…) Encore plus récemment, ces derniers sont sollicités par les DRH pour se pencher sur la transformation des métiers afin d’y inclure les sujets de RSE ». Ce que confirme Louis Raynaud de Lage, manager sur les sujets durabilité chez Bartle. « Aujourd’hui tous les métiers sont concernés et doivent intégrer les questions de durabilité. Depuis trois quatre ans, nous sommes davantage sollicités par les directions métier (finance, marketing, supply chain) qui intègrent les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance auxquels ils doivent répondre. Nous entrons dans une phase où, désormais, les métiers sont à l’œuvre pour mettre en place la durabilité dans les entreprises. » Certaines entreprises vont encore plus loin et intègrent la RSE au niveau de la gouvernance. « Le code Afep-MEDEF ou Middlenext incitent très fortement les entreprises à intégrer une personne qui représente les enjeux RSE au sein même des conseils d’administration, ajoute Caroline Renoux. Les effets sont extrêmement positifs quand ces questions sont traitées au sein des comités de direction et conseils d’administration. »

La RSE en entreprise devrait générer un million d’emplois supplémentaires d’ici 2050…

Une tendance d’avenir qui se confirme par un chiffre de l’ADEME : près d’un million d’emplois supplémentaires pourraient être créés d’ici 2050 en France pour mettre en œuvre la stratégie bas carbone. « A l’image du numérique qui a infusé dans tous les métiers, la durabilité va devenir une dimension à part entière des activités de l’entreprise » confirme l’étude. Parmi les grands défis à relever par les entreprises pour faire face à ces bouleversement sociaux et environnementaux : le respect du vivant, la justice sociale, la prise en compte des parties prenantes ou encore les évolutions réglementaires. Une nécessité bien intégrée par les professionnels, puisque 96 % des répondants à l’étude considèrent que leur métier est totalement ou en grande partie concerné par les enjeux de durabilité. Parmi eux, 47 % travaillent dans une grande entreprise, 78 % sont managers, responsables ou directeurs, 53 % occupent un poste à la direction RSE ou la direction générale et 82 % participent à une instance de gouvernance.

La RSE, quésaco ?

La responsabilité sociétale des entreprises est définie par la Commission européenne comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. » La norme ISO 26000, standard international, définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales : la gouvernance de l’organisation, les droits de l’Homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs et les communautés et le développement local.

… d’où la nécessité d’accélérer la formation

Si les entreprises ont de plus en plus la volonté de contribuer à la durabilité, la formation devient aujourd’hui un axe de développement incontournable pour aller plus loin. En effet, 75 % des répondants à l’étude disent chercher à se former par eux-mêmes, via des conférences pour la grande majorité (77 %), des MOOC (56 %) ou encore LinkedIn (52 %). A côté de cela, 62 % affirment souhaiter suivre des formations supplémentaires spécifiques aux enjeux de durabilité de leur métier. Mais dans les faits, seule la moitié a suivi une formation de ce type dans le cadre de leur entreprise. Dans ce contexte, le peer learning ou apprentissage entre pairs tient une place très importante dans la montée en compétences. « Aujourd’hui, il y a un manque d’offres de formation et on se retrouve face à des sujets dont les connaissances augmentent sans cesse et où les acteurs en première ligne ne sont pas forcément des experts mais des personnes qui ont les mains dans le cambouis au sein même des entreprises » expose Louis Raynaud de Lage. Les leviers à mettre en place ? Création d’hybridations et de synergies avec les différents métiers, partage de connaissances, méthodologies, bonnes pratiques avec les entreprises de la chaîne de valeurs ou encore création de communautés, groupes de travail et de cercles avec des pairs d‘autres entreprises. « Pour monter en compétence dans ces métiers il faut tester des choses, il n’y pas de méthode toute faite. »  Et la formation initiale dans tout ça ? 29 % de la totalité des répondants au questionnaire ont été formés à la durabilité dans le cadre de leurs études mais le chiffre passe à 65 % pour ceux ayant une expérience professionnelle inférieure à cinq ans, alors qu’ils ne représentent que 14 % des répondants. « Il y a un fort besoin de faire évoluer les formations initiales pour que les futurs salariés aient les compétences adéquates. Or, les formations RSE dans l’enseignement supérieur sont relativement récentes et sont encore trop peu enseignées », analyse Emmanuelle Le Nagard, professeure de marketing à l’ESSEC et directrice académique du PGE. Une carence pointée du doigt par le rapport du Shift Project en 2022. « Mais cela bouge assez rapidement avec une vraie prise de conscience des organisations d’enseignement supérieur ». Les établissements n’auront de toute manière bientôt plus d’autre choix puisqu’à partir de 2025, ils devront intégrer une formation à ces enjeux aux niveaux licence et bachelor.

RSE en entreprise : la recette d’une politique soutenable à succès

Communication responsable (#NoGreenwashing), sobriété énergétique, protection de la biodiversité, formation des salariés (à travers les désormais incontournables Fresque du Climat et Fresque de la Diversité), parité, égalité des genres, inclusion du handicap : autant d’ingrédients d’une politique soutenable réussie en 2024. Mais pourquoi la RSE en entreprise est-elle devenue incontournable ? Comment reconnaitre une entreprise vraiment engagée dans une dynamique de transformation durable ? Les réponses de Guillaume Gozé, cofondateur et directeur stratégique de Hyssop, cabinet de conseil en RSE

RSE en entreprise - La recette d'une politique soutenable à succès
RSE en entreprise – La recette d’une politique soutenable à succès – © Unsplash

Que signifie pour une entreprise de mettre en œuvre une transformation durable ?

La RSE est un sujet très large. Chez Hyssop, nous sommes très tournés vers l’action car nous sommes persuadés qu’une marque ou entreprise qui se lance sur les sujets de RSE doit d’abord identifier ses impacts principaux. Cela passe en premier lieu par une phase de diagnostic car il est primordial de ne pas se tromper d’enjeux. Pour un fabricant par exemple, il est nécessaire de voir à quel stade du cycle de vie le produit fabriqué a un impact néfaste sur l’environnement. Cela va permettre ensuite d’écrire les plans d’action pour s’assurer de traiter ces enjeux clés en priorité sans oublier les points bloquants pour le grand public et le consommateur. Dans le cas d’une marque de parfum par exemple, si vous ne traitez pas la partie visible par le consommateur, à savoir le packaging, il va avoir l’impression que vous faites du greenwashing, même si vous agissez sur d’autres enjeux.

Aujourd’hui, la RSE ne serait plus cantonnée à un poste ou à un métier mais s’imposerait dans de nombreuses activités de l’entreprise. Est-ce un constat que vous faites également ?

La RSE n’est pas encore infusée dans toutes les directions. Certes, il existe quelques entreprises RSE natives, qui l’ont intégrée dans toutes leurs fonctions, mais ce n’est pas la majorité. C’est aujourd’hui encore l’apanage de la direction RSE, de la direction générale ou des RH. Pour fonctionner, il faut que ce poste soit confié à quelqu’un qui a un rôle de visionnaire, ce qui demande de maîtriser pas mal d’outils de trajectoire RSE.

Les ingrédients indispensables pour réussir sa transformation durable ?

Il faut bien sûr des personnes convaincues sur le terrain mais il ne peut pas y avoir de changement sans une forte conviction et une impulsion de la direction. Il faut vraiment avoir en tête que la RSE est un formidable levier de business et un sujet de transformation du business model, une manière de concevoir les produits et la culture d’entreprise et donc, un véritable levier pour embarquer les équipes. L’entrepreneur ne doit surtout pas voir la RSE comme une contrainte mais un levier d’engagement qui va structurer l’entreprise. Evidemment cela demande du temps et de l’investissement.

Les formations ont-elles aussi un rôle à jouer pour introduire plus de RSE en entreprise ?

Bien sûr et elles se spécialisent. Il y a deux types de formations : les écoles de commerce dans lesquelles on va demander aux diplômés d’avoir une vue à 360° de la RSE sur les aspects environnementaux (climat, sols, biodiversité), sociaux (bien-être au travail, intégration, diversité) et sociétaux (comment mettre à profit son activité pour avoir un impact positif en externe mais aussi en interne au sein de ma chaîne de valeur ?). Quand on sort d’une école de commerce, on doit au moins connaitre les référentiels RSE (ISO 26000, loi PACTE, Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), les lois sociales sur la diversité, l’inclusion, etc). En école d’ingénieurs, on est sur des formations plus verticales, d’ingénieurs climat ou biodiversité. Il est clair qu’aujourd’hui, personne ne devrait sortir de l’école sans avoir au moins eu une initiation à la RSE.

Autre difficulté : faire la différence entre les entreprises qui s’engagent réellement en faveur de la RSE et celles qui pratiquent le green washing.

Aujourd’hui la RSE est devenue un sujet plus démocratisé et tout le monde en parle, ce qui est une bonne chose et montre que l’on va dans le bon sens. Cependant, les citoyens lambda ont du mal à voir la part de green washing au milieu des engagements sérieux. Il y a une réelle saturation des messages green, tout le monde communique sur ses engagements, des labels naissent dans tous les sens et les citoyens ne savent pas faire la part des choses. On en revient à la formation : il faut être expert aujourd’hui pour s’y retrouver.

Et cela pénalise aussi les entreprises qui s’engagent honnêtement.

Celles qui mettent en place de vraies actions ont en effet du mal à communiquer sur leurs engagements, à être audibles et crédibles. Pour y arriver, il est indispensable d’avoir un discours compréhensible, sans jargon RSE, et savoir parler aux consommateurs avec des mots simples mais pas simplistes.

Outre le monde de l’entreprise, la RSE est-elle un terme connu par tous ?

Non. On parle beaucoup de sustainability en ne faisant référence qu’à l’environnement et en oubliant tout le volet social et sociétal. Comprendre la RSE demande de suivre des cours d’introduction aux grands enjeux mondiaux. Concernant le réchauffement climatique, beaucoup de personnes ont conscience des enjeux à la marge mais ne changent pas pour autant leurs habitudes.

Selon une enquête Universum Global (cf. encadré), les jeunes générations citaient en 2023 la RSE comme une priorité dans leur choix d’entreprise, mais davantage sur les questions de bien-être au travail que d’environnement. Comment l’expliquer ?

En effet, au sein des entreprises, la génération des Boomers est plus attentive aux questions environnementales alors que les jeunes portent plus d’attention aux questions sociales, de diversité, d’inclusion, d’égalité des chances ou de racisme. Selon moi, cela peut soit s’expliquer par le fait que les jeunes sont désabusés et ne croient plus dans le rôle et la volonté des entreprises de participer activement aux problématiques environnementales et sociétales de notre monde, soit parce qu’ils sont très pessimistes sur les questions d’environnement et préfèrent se recentrer sur leur bulle, et donc, le bien-être au travail. Attention, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas mobilisés mais ils le font en dehors de l’activité de l’entreprise, en rejoignant des associations ou en manifestant par exemple. Cela demande une montée en compétences des étudiants des grandes écoles et des citoyens. L’Education nationale a aussi un rôle à jouer dès l’école primaire.

Un constat plutôt alarmant donc…

Tout à fait car il faut impérativement rester mobilisé. Nous avons besoin des jeunes pour changer le monde et certains ont l’impression qu’on ne peut rien faire, que tout est dans les mains des gouvernants et des entreprises.

Le respect au travail : la priorité des jeunes en recherche d’emploi

Engagements sociaux ou environnementaux ? Dans le cadre de leur vie professionnelle, les jeunes ont choisi. Bien-être au travail, diversité, inclusion… Ce sont les sujets sur lesquels ils sont le plus regardant pour choisir leur futur employeur, au détriment des questions climatiques. C’est la conclusion tirée par le cabinet Universum dans le cadre de la 3e édition de son index RSE datant de 2023. Sur 1 215 répondants, étudiants ou jeunes actifs de niveau bac +5 ayant jusqu’à cinq ans d’expérience professionnelle en France, 56 % considèrent les engagements sociaux comme le critère le plus important dans le cadre d’une recherche d’emploi, suivis des engagements économiques (45 %). Les engagements environnementaux n’arrivent qu’en dernier choix (28 %). Parmi le Top 5 des engagements prioritaires cités : le respect au travail, le respect des personnes, l’égalité femme-homme, les pratiques économiques éthiques et enfin, la qualité des produits/services.

Si les questions de RSE  en entreprise ont de l’importance pour les jeunes, 55 % déclarent tout de même que si un employeur ne s’engageait pas sur ces aspects, ils accepteraient le poste à condition que la rémunération et le poste proposés soient intéressants. A contrario, 39 % refuseraient de travailler pour une entreprise qui ne s’engage pas. En outre, la confiance des jeunes envers la crédibilité RSE des entreprises a augmenté ces trois dernières années mais reste encore mesurée : 41 % accordent de la crédibilité aux actions de communication menées par les employeurs sur les sujets de RSE (contre 28 % en 2021 et 38 % en 2022). 54 % déclarent ne pas vraiment y croire mais leur accorder le bénéfice du doute (ils étaient 67 % en 2021 et 28 % en 2022).

Rencontre avec Coline Briquet, responsable Diversité, Egalité et Inclusion de l’IESEG

Dans le cadre de son plan stratégique 2022-27 et de sa stratégie RSE, l’IESEG a créé en septembre 2023 le poste de Responsable Diversité, Egalité et Inclusion, confié à Coline Briquet. Cette dernière nous en dit plus sur ses missions et l’importance d’un tel poste au sein d’une école de commerce.

Parlez-nous de votre parcours.

©IÉSEG/V.Clero

Cela fait bientôt 15 ans que je travaille dans l’enseignement supérieur. J’ai un double diplôme de Sciences Po Bordeaux/Université de Cardiff. C’est en école d’ingénieurs que j’ai été sensibilisée aux questions de violences sexuelles et sexistes même si je voyais déjà ces sujets émerger lorsque j’étais moi-même étudiante. Quand j’ai quitté Polytechnique en 2016 pour déménager à Lille, un professeur de l’école m’a conseillé de rejoindre l’IESEG. A cette époque, Caroline Roussel (actuelle directrice générale de l’IESEG) était directrice académique et cherchait une adjointe pour la gestion du corps professoral. Je suis ensuite devenue Référente Prévention des violences, harcèlement et des discriminations en plus de ma casquette de responsable du service gestion des enseignants.

Comment et pourquoi votre poste actuel a-t-il été créé ?

Progressivement, il est apparu d’autres besoins en interne notamment sur les questions de diversité, d’égalité et d’inclusion. Jusqu’à septembre 2023, différentes personnes consacraient une petite partie de leur temps à ces sujets. Puis un constat s’est imposé : ces sujets demandent de la formation, du temps, de la disponibilité, des ressources humaines afin d’aller vers des actions plus pérennes, avec une véritable politique, des objectifs et une stratégie encadrée par des personnes dédiées à 100%. Un constat aligné à la stratégie RSE de l’école.

Concrètement, quelles sont vos missions ?

J’ai trois volets : une mission recherche, enseignement et projets transverses. Dans ce cadre, je donne plusieurs cours sur l’égalité, la diversité et l’inclusion en entreprise, je réalise un doctorat financé par l’école en sciences de l’éducation et enfin je pilote les orientations stratégiques de l’école en mettant en place des actions et en soutenant les équipes qui veulent mettre en place leurs propres actions sur des questions d’identité, de handicap, d’inclusion sociale, de diversité culturelle et de prévention de harcèlement et des discriminations. Je supervise également la cellule d’écoute de l’école. Aujourd’hui, la priorité réside dans les questions d’inclusion sociale et d’égalité des chances, ainsi que dans la question du handicap.

Est-ce novateur au sein des grandes écoles de consacrer un poste entier à ces questions ?

J’observe très majoritairement deux cas de figure dans les écoles : soit une personne ou une équipe qui travaille à temps complet sur les questions de RSE et qui consacre un peu de temps aux questions de diversité et d’inclusion soit des profils d’enseignants-chercheurs qui ont une petite casquette égalité femmes/hommes, diversité culturelle, ou handicap. Donc en soi ce ne sont pas du tout de nouveaux sujets mais la nouveauté réside dans le fait qu’une personne ait la possibilité de se consacrer à 100 % au sujet. De même, avoir un poste initialement administratif qui allie enseignement, recherche et projets transversaux est encore assez rare.

Selon vous, pourquoi est-ce indispensable d’avoir une personne dédiée à 100% à ces sujets ?

Il est nécessaire d’avoir des experts sur le sujet et pour cela il faut avoir du temps pour se former, faire de la veille, apprendre d’autres établissements… Je suis particulièrement convaincue par la logique d’apprendre en faisant. Et puis l’école a défini des plans d’action et des indicateurs et a besoin d’avoir quelqu’un qui s’assure que les choses avancent, et va pouvoir répondre plus rapidement aux attentes et objectifs fixés. La questions des violences sexistes et sexuelles par exemple est un sujet sensible qui demande une vraie expertise sur laquelle les écoles doivent être très actives et donc avoir une équipe solide sur le sujet.

La sustainability fait-elle vraiment le tour du monde ? 

Alors qu’en France, la RSE en entreprise est encadrée par un certain nombre de règlementations, normes et labels, qu’en est-il à l’étranger ? On fait un tour des continents.

La RSE en entreprise fait-elle le tour du monde ?
La RSE en entreprise fait-elle le tour du monde ? © Unsplash

Aux USA, capitalisme et culture d’entreprise sont les maitre-mots dans le monde du travail. Un état d’esprit qui prend son origine dans la culture anglo-saxonne et l’admiration des Américains pour la figure du self-made man. Et cela passe par une remise en question permanente, une démarche volontaire et individuelle, définie dans chaque entreprise, et une RSE moins basée sur des réglementations et obligations qu’en France. Cela explique notamment le fort développement du mécénat et de la philanthropie. Microsoft a par exemple décidé, de manière très concrète, de s’approvisionner 100 % en énergies renouvelables dès 2025 et d’instaurer une taxe carbone interne. Concrètement, elle applique au sein de sa structure le principe du pollueur-payeur : si les émissions de CO2 sont jugées trop importantes, les divisions responsables doivent s’acquitter d’une amende. Ces sommes sont ensuite utilisées pour développer des projets allant dans le sens du développement durable. Autre exemple, la marque de vêtements Patagonia et son fondateur Yvon Chouinard, qui a offert en 2022 100 % du capital de l’entreprise à des structures en charge de la protection de la planète.

En Asie, la prise de conscience est plus récente. S’il y a dix ans, de nombreuses entreprises considéraient que leur seule responsabilité envers le pays était économique, cette réalité se transforme progressivement. En effet, pour rester compétitifs, les exécutifs chinois se penchent sur les nouvelles tendances et sont de plus en plus conscients de la nécessité de développer des normes de production saines socialement, écologiquement et en alignement avec les standards internationaux de la RSE. Les entreprises commencent à mettre en œuvre une démarche RSE à des fins sociales (meilleure rémunération des salariés) et environnementales (diminution de la pollution de l’air et de l’eau notamment). Entre 1999 et 2005, seuls 22 rapports RSE ont été publiés par des entreprises chinoises. Elles étaient 1 600 en 2009. Parmi les entreprises qui s’engagent, on peut citer Broad Air Conditioning qui s’est fixée comme ligne de conduite la protection de l’environnement, le respect de la propriété intellectuelle, le refus de la compétition sauvage, de l’évasion fiscale, de tout trafic d’influence etc. Bonne nouvelle, la marge d’amélioration des normes RSE dans le pays est encore très importante.

Sur le continent africain, si de plus en plus d’acteurs sont convaincus de l’importance de la RSE, son implantation est encore balbutiante, notamment en Afrique subsaharienne, où celle-ci ne fait pas ou peu l’objet de règlementations. A l’échelle du continent, on note quelques initiatives supranationales (le Forum international des pionniers de la responsabilité social des entreprises en Afrique organisé depuis 2011, le Sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg, la Charte RSE et Développement durable au Sénégal ou la création d’un Institut Afrique RSE). Parmi les entreprises qui s’engagent, on peut citer Epsilon, une usine de textile engagée sur les questions sociales et environnementales et qui souhaite inspirer les concurrents en leur montrant les bénéfices d’une politique RSE.

RSE en entreprise – Les hubs européens d’une carrière verte

The Social Hub a récemment publié une étude sur les meilleures villes européennes pour mener une carrière verte. Le Top 5 ?  Londres, Paris, Lyon, Zurich et Munich, parmi 40 villes en Europe.  Si Londres a fait la différence grâce au nombre élevé d’emplois dans le secteur du développement durable (plus de 10 000 postes à pourvoir), c’est Zurich qui remporte la médaille d’or du salaire mensuel moyen le plus élevé avec ses 6 410 euros par mois en moyenne. La France tire aussi son épingle du jeu avec trois villes dans le Top 10 (Paris, Lyon et Toulouse) grâce à un nombre conséquent d’emplois durables (12 015 pour Paris).

Se décarboner c’est aussi une question de souveraineté !

20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises sont générées par l’industrie. 12 % des émissions nationales totales de GES sont issues des 50 sites industriels les plus émetteurs et 55 % des émissions industrielles sont produites par 50 sites industriels. Face à ce constat, la France s’est fixée des objectifs clairs pour décarboner l’industrie. On fait le point. 

L’objectif de neutralité carbone pour le secteur industriel est un défi de taille du fait de l’histoire de la France. En effet, les technologies et énergies fossiles ont structuré son histoire depuis la première révolution industrielle. Atteindre cet objectif nécessite donc de modifier en trois décennies des modes de production et des procédés datant parfois de plus de 200 ans. Face à cela, la France s’est fixée cinq objectifs : contribuer à la neutralité carbone d’ici 2050 et à la baisse de 55 % des GES d’ici 2030, préparer les technologies de rupture de décarbonation de demain, assurer l’émergence d’une offre française compétitive de solutions de décarbonation de l’industrie provenant de startups, PME, ETI ou grands groupes pour faire de la France un leader en ce domaine, développer des actions d’envergure pour démontrer la faisabilité de la décarbonation des zones industrielles et enfin, créer et renforcer l’offre de formation répondant aux enjeux de la décarbonation et créer de nouveaux emplois.

Pour ce faire, la France investit ! Pour rappel, avec France 2030, l’Etat mobilise 54 milliards d’euros pour transformer durablement les secteurs clés de l’économie française (énergie, hydrogène, auto, aéronautique, espace, etc.) par l’innovation technologique et l’industrialisation. La France prévoit plus spécifiquement d’investir 5,6 milliards d’euros en faveur de la décarbonation de l’industrie, 5 milliards pour des aides directes au déploiement de solutions de décarbonation de sites industriels et 610 millions d’euros devraient être consacrés à l’innovation et au développement technologique pour une économie bas carbone. Notre pays mise sur quatre grandes technologies de rupture pour décarboner l’industrie : l’hydrogène bas carbone, la biomasse, l’électrification des procédés et enfin, la capture, le stockage et l’utilisation de carbone. Dans cette dynamique, la Loi Industrie verte a été promulguée le 23 octobre 2023 pour accélérer la réindustrialisation du pays et faire de la France le leader de l’industrie verte en Europe. Elle entend répondre à un double objectif. Environnemental, avec une baisse de 41 millions de tonnes équivalent CO2 attendue d’ici 2030 (soit près de 5 % de réduction de l’empreinte des importations et 1 % de l’empreinte totale de la France). Et un objectif économique. En visant la réindustrialisation et la création d’emplois, cette loi est également une réponse à l’Inflation Reduction Act américain et veut positionner la France en tant que leader sur les technologies vertes.

L’hydrogène décarbonée en question

Dans le cadre de France 2030, le Gouvernement lance une stratégie d’accélération Hydrogène. En effet, l’hydrogène décarbonée est une des solutions ambitionnées pour agir sur la diminution des émissions de CO2 dans l’atmosphère. Les avantages ? Alors que l’hydrogène est produit à partir d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole), l’hydrogène décarboné est issu d’un procédé différent qui lui permet d’être faiblement émetteur de CO2. Dans le cadre du Plan de relance, une enveloppe de deux milliards d’euros est d’ores et déjà attribuée au développement de l’hydrogène décarboné.

Portait – Camille Chaudron, le militantisme joyeux

Militante, écoféministe, défenseuse du climat et de la justice sociale, créatrice de fictions au service des transitions, médiactiviste, créatrice de contenu, consultante… Camille Chaudron multiplie les casquettes. « Structurellement je suis une slasheuse puisque j’exerce plein de métiers différents à la fois, mais de manière cohérente car toutes mes activités vont dans la même direction et se complètent, explique-t-elle. D’ailleurs, plutôt que de parler de plusieurs métiers, je préfère parler d’une mission, celle de mettre en récit des utopies réalistes, incarner et mettre en lumière les transitions écologiques, sociales et démocratiques et co-construire un monde plus durable. » Pour cela, la jeune femme donne des conférences au grand public, des cours, réalise des reportages sur les questions de transition, lutte sur le terrain auprès d’associations et, au travers de soutien à des pétitions, participe à des actions de désobéissance civile.

© Camille Chaudron

Une crise de sens en guise d’électrochoc

Mais avant de devenir une militante engagée, Camille est passée par une crise de sens et une déconstruction du chemin tout tracé pour elle. « En tant que diplômée de l’EDHEC, j’étais sur des rails : en prenant mon premier job dans l’agroalimentaire pour lequel on m’avait formée, j’ai réalisé que ce n’était pas ce à quoi j’aspirais. » Si Camille reconnait y avoir appris les bons outils, elle a vite déchanté sur le fond du sujet. « J’avais devant les yeux ce contre quoi je voulais lutter en termes de valeurs et de sens, se souvient-elle. J’ai essayé de changer les choses de l’intérieur, ou du moins je me raccrochais à cette illusion pour tenir, mais cela n’a pas marché ». En 2017, elle a l’opportunité de quitter son emploi et de prendre une autre voie pour se sentir davantage alignée. « J’ai eu deux années de chômage durant lesquelles j’ai construit mes métiers, raconte-t-elle. Au départ j’ai beaucoup exploré : dès que j’avais une curiosité sur un sujet, je creusais. A cette période, j’avais déjà plusieurs activités dans plein de secteurs et sur des sujets différents, avec la volonté de mettre mon énergie, mes ressources et mon cerveau à disposition des sujets de transition et de justice sociale et climatique. »

« Lorsque j’ai commencé, j’étais un ovni »

Et pourtant, rien ne destinait vraiment Camille à ce parcours, puisque la militante ne vient pas du tout d’un milieu sensibilisé à ces questions. « C’est vraiment l’absurdité de ce que je faisais en entreprise qui m’a fait m’intéresser à ces sujets. J’ai commencé à transformer mon quotidien, pour compenser, en quelque sorte, et me donner bonne conscience ». Livres, conférences, rencontres avec des experts… Camille utilise pleinement son temps disponible pour s’autoformer et ses connaissances pour diffuser ses messages. « Cela fait 50 ans que l’on connait l’ampleur du problème grâce aux données scientifiques mais il y a une inertie. Il est vraiment nécessaire de dépoussiérer et de rendre sexy ces sujets. »  Mais il y a sept ou huit ans, peu de personnes parlaient d’écologie sur les réseaux sociaux ou de RSE en entreprise. « Lorsque j’ai commencé j’étais un ovni. Il y avait une vraie hype des influenceurs lifestyle qui promouvaient la culture de la surconsommation à outrance. Il était nécessaire de prendre chaque espace public disponible pour apporter un autre message, un autre récit, et c’est toujours le cas aujourd’hui. »

L’humour comme arme de sensibilisation massive

Aujourd’hui, via son compte Instagram, Camille alias @girl_go_green partage quotidiennement à ses 130 000 abonnés des tutos, des informations concrètes sur l’environnement, sur l’actualité et, parfois, ses coups de gueule. Sa ligne directrice ? Un militantisme écologique, joyeux et conscient où l’on parle de manière frontale des enjeux en essayant de le faire avec humour et cynisme pour faire passer des messages et toucher les gens. « L’humour est une arme de sensibilisation massive, assure-t-elle. Je suis quelqu’un de très joyeux mais qui a aussi subi une crise d’éco-anxiété. Je me suis alors dit qu’il fallait continuer à vivre une vie dans laquelle trouver joie et engagements. Plus je m’engageais dans l’association, plus je militais, mieux je me sentais et plus j’avais envie de le raconter ». Si Camille transmet ses messages via Instagram, il est pour elle indispensable d’utiliser tous les outils et canaux de diffusion. « Je suis sur les réseaux sociaux car je n’ai que peu d’autres accès à des espaces de pouvoir mais ce n’est qu’une petite contribution à une histoire collective ».

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