Ils sont au début de la vingtaine et sont encore étudiants, mais ils ont déjà décidé de s’engager pour leur commune ou leur région. Qu’ils soient conseiller municipal en France, au Canada, membre du conseil parisien de la jeunesse, conseiller régional d’Île-de-France ou stagiaire au Parlement européen, Etienne, Ombline, Elodie et Lucas précisent les raisons de leur engagement.
Etienne Decelles, Conseiller municipal à Sainte-Angèle-de-Monnoir au Canada et étudiant en géographie à l’Université du Québec à Montréal
Pouvez-vous vous présenter ? Je m’appelle Etienne Decelles, j’ai 21 ans, je suis en licence de géographie à l’Université du Québec de Montréal et j’envisage de poursuivre vers une maîtrise en géographie dans le but de travailler dans l’aménagement du territoire. Je suis également conseiller municipal de Sainte-Angèle-de-Monnoir, un village de 1 700 habitants au sud de Montréal depuis juin dernier. Et sur mon temps libre, je fais de l’improvisation théâtrale.
Pouvez-vous nous expliquer comment s’est passée l’élection et quelles sont vos missions ? Des premières élections ont eu lieu en 2021 mais je n’ai pas voulu m’y présenter, je ne me sentais pas prêt et je n’étais pas sûr de rester dans mon village. Mais j’ai publié une lettre ouverte dans le journal local pour inciter les jeunes à se présenter et j’ai été remarqué par le maire. Deux ans plus tard, en juin 2023, je me suis finalement présenté lors d’une élection partielle pour remplacer une personne démissionnaire et j’ai été élu face à trois autres candidats. Nous sommes tous indépendants, non-affiliés à un parti politique et nous souhaitons faire avancer les choses. Même si tout le monde touche à tous les sujets, je m’occupe plus particulièrement des questions environnementales et sociales. Nous avons notamment pris des mesures contre les violences conjugales et avons débloqué un budget pour former nos agents sur les questions. Mes prochains objectifs concerneront la protection des milieux naturels.
Concilier études et responsabilités municipales, c’est facile ? Mon rôle de conseiller est équivalent à un job étudiant puisque je lui consacre 5 à 10 heures par semaine, en plus d’une réunion mensuelle. C’est un rôle parfaitement compatible avec mes études qui occupent majoritairement mon agenda.
Est-ce le début d’une ambition politique plus grande ? J’ai toujours été intéressé par la vie politique et la vie de ma commune et c’était tout naturel pour moi de m’engager en faveur de mon village. Pour le moment, je ne sais pas si cela va m’ouvrir à d’autres rôles mais, une chose est certaine, je n’ai pas envie de déménager dans une autre ville juste par ambition politique, je suis très bien là où je suis. Enfin, j’aimerais ajouter que nos ainés sont très contents que les jeunes se présentent à des élections et donnent leurs avis sur les questions politiques donc si je devais faire passer un message, c’est lancez-vous, c’est une super expérience.
Ombline de Villeneuve, Membre du conseil parisien de la jeunesse et étudiante en 1ere année de communication à l’EFAP
Bretonne pur beurre (salé évidemment !), Ombline de Villeneuve n’est parisienne que depuis la rentrée de septembre. Pourtant, pour cette étudiante en 1ere année de communication à l’EFAP, s’engager au service de sa ville était comme une évidence. « J’ai toujours été intéressée par la politique et j’ai toujours voulu aider ma ville. En Bretagne, c’était compliqué donc dès que j’ai déménagé dans la capitale, je me suis renseignée sur les modalités d’accès au Conseil Parisien de la Jeunesse (CPJ), j’ai fait les journées portes ouvertes et j’ai envoyé ma candidature » se rappelle-t-elle. Tirée au sort en décembre, Ombline a découvert le CPJ au cours d’un week-end d’intégration mi-janvier où elle a pu faire connaissance avec ses camarades de promo. « Le premier week-end était assez intense puisque nous avons découvert les lieux et débattu des sujets qui nous tenaient à cœur. Nous avons travaillé sur les lettres de saisines de la mairie de Paris et réfléchis au sujet sur lequel nous souhaitions travailler. »
Allier études et engagement Le rôle d’Ombline lui impose des réunions le soir entre 18h30 et 20h00 tombant régulièrement en conflit avec ses cours. Un emploi du temps par toujours simple à gérer. « Je ne peux assister à toutes les réunions et cela m’embête beaucoup puisque c’est un bol d’air frais dans un planning très chargé. D’autant que cet engagement me permet de donner du sens à mon action et j’ai vraiment l’impression d’être utile. » Issue d’une famille très politisée, Ombline considère que « le fait d’être au CPJ me donne de plus en plus envie de m’engager dans la voie politique, peut-être dans le domaine de la communication politique afin d’allier mes études et ma passion » conclut la jeune femme.
Le Conseil Parisien de la Jeunesse, c’est quoi ? Créé en 2003, le CPJ est une instance de participation citoyenne qui permet aux jeunes Parisiens de 15 à 30 ans d’œuvrer et de proposer des idées pour le bien-être des habitants de la capitale. De plus il est missionné chaque année par la mairie de Paris pour travailler sur des sujets plus précis, pour cette année, le CPJ planchera sur le futur de la ville et devra imaginer le Paris de 2050. Composé à part égal d’hommes et de femmes, le mandat dure deux ans et il est renouvelé chaque année à 50 %. Pour candidater, rien de plus simple, il suffit de s’inscrire sur le site de la mairie, d’indiquer vos motivations et d’être tiré au sort parmi les candidatures éligibles.
Elodie Bouzid, Conseillère régionale d’Île-de-France et étudiante en Master 1 de droit social à la Sorbonne
Pouvez-vous vous présenter ? Je fais partie de la génération qui n’a pas passé le bac en 2020, une année qui a été pour moi une année de remise en question et de quête de sens. J’étais déjà engagée auprès des jeunes écologistes et à partir de là, je me suis dit pourquoi ne pas me présenter aux Régionales ? La campagne se déroulait en 2021, c’était l’occasion de sortir un peu et de voir du monde. En juin 2021,, ça a été un vrai choc d’être élue et je me suis posé beaucoup de questions. Finalement, j’ai continué ma double licence en droit et sciences politiques – que j’ai validée – et je suis aujourd’hui en Master 1 de droit social avec pour objectif de devenir avocate en droit social.
Quelles sont vos missions au sein du conseil régional ? Au départ, c’était extrêmement flou mais nos missions sont très larges. Nous fonctionnons comme l’Assemblée Nationale, mais au niveau régional. Nos principales prérogatives concernent le transport, la sécurité, les relations internationales, le tourisme, l’agriculture, les lycées et chaque élu siège dans une ou plusieurs commissions. De mon côté, je suis dans celle des relations internationales – en tant que franco-libanaise cela m’a tout de suite parlé – et dans celle sur la sécurité que j’ai prise un peu plus tard car je souhaitais faire de la politique sécuritaire de gauche.
Conseillère régionale et étudiante, un binôme possible ? Ça a été un vrai sujet de questionnement et c’était très compliqué au début de trouver le rythme. Finalement, c’était une question d’organisation personnelle : j’ai fait le choix de ne plus aller en cours magistraux et de me concentrer sur les travaux dirigés. J’utilise soit le cours de l’an dernier car j’ai les mêmes professeurs, soit je demande à des camarades de promo de m’envoyer les cours et ensuite, je les retravaille le soir, le week-end ou pendant les temps libres que j’ai au conseil régional.
Peut-on être une vraie étudiante quand on est élue politique à 21 ans ? Ce qui peut être assez pesant, c’est que je n’ai pas beaucoup fréquenté les gens de ma promotion car je ne suis jamais là et je ne vais pas beaucoup en cours. Donc quand il y a des soirées étudiantes, même quand j’ai le temps, j’hésite à y aller car les groupes sont formés et je ne connais personne. L’autre barrière ? c’est qu’en politique les personnes sont beaucoup plus âgées. Pour trouver des personnes de mon âge, je dois m’engager dans les syndicats ou les associations. Mais j’ai encore beaucoup d’amis d’enfance donc je ne ressens pas un manque absolu de faire des relations à l’université.
Comment voyez-vous votre avenir en politique ? Un mandat qui me plairait beaucoup est celui de député, car je trouve qu’il se joue quelque chose de très beau à l’Assemblée Nationale au niveau de la démocratie. Dans ma tête, je me vois bien repartir sur un second mandat à la région en 2028 et ensuite, on verra. Je ne me fixe aucune date, car j’ai aussi très envie de faire une carrière dans le privé et d’être avocate. C’est essentiel pour moi de ne pas être déconnectée et de ne pas faire que de la politique toute ma vie. C’est d’ailleurs pour cela que je continue la fac et que je fais des stages. La politique ce n’est pas un métier, c’est une fonction. Du jour au lendemain, cela peut s’arrêter, avec le risque de me retrouver sans revenu, donc je ne veux pas miser que sur ça.
Lucas Bourgeade-Delmas, Conseiller Municipal à Saint-Jory et apprenti en travaux publics et construction
Quand en septembre 2023, plus d’1/3 du Conseil municipal de Saint-Jory – commune de la métropole toulousaine – démissionne en raison d’affaires de corruption, Lucas Bourgeade-Delmas, 20 ans, apprenti dans les travaux publics et la construction ne s’imagine pas un destin municipal. Pourtant, suite à de nouvelles élections en décembre 2023, il devient conseiller municipal délégué dans une liste élue à près de 80 %. « C’est une vraie fierté d’avoir été élu, tout s’est fait très vite, l’actuel maire que je connaissais bien depuis longtemps m’a proposé d’être sur la liste, je n’ai pas hésité et aujourd’hui je suis en poste. J’habite depuis petit dans la commune, mes grands-parents y sont également et j’ai déjà plein d’idées pour le futur de la ville » explique le jeune homme. Avec des attributions à la voirie, au numérique et aux nouvelles technologies en lien avec ses études et son jeune âge, le benjamin du conseil n’a pas perdu de temps pour mettre en place ses premières mesures. « Malgré une situation financière très compliquée, nous avons pu régler les problèmes d’éclairage public, nous allons lancer des projets de voirie avec les services de Toulouse Métropole, nous retransmettons en direct les conseils municipaux sur les réseaux sociaux pour plus de transparence et nous allons engager la transformation digitale de la commune. » Un programme dense qu’il doit combiner avec son apprentissage et ses études.
Prioriser et s’anticiper ! Entre l’université, son apprentissage en entreprise et ses contraintes municipales, l’emploi du temps du jeune élu est aussi chargé que celui d’un ministre. Pourtant, tout est fait pour l’aider dans son mandat municipal. « L’employeur doit nous libérer quand on a une obligation, que ce soit une réunion ou un rendez-vous, mais le but n’est pas de le pénaliser. Il faut donc prioriser les choses, voir quel est le degré d’importance et anticiper au mieux mon agenda. » Un équilibre à trouver pour toutes les parties, mais Lucas Bourgeade-Delmas garde en tête tous les enjeux qui en découlent. « D’un côté j’ai un contrat avec une entreprise privée que je n’ai pas envie de léser et de l’autre il y a un engagement avec les personnes qui m’ont élu et celles qui ne m’ont pas élu, je dois trouver le juste milieu pour ne pas faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre. »
De nouvelles opportunités professionnelles ? Étudiant en travaux publics, Lucas découvre ces questions avec un nouveau regard, celui de décideur public. De quoi le faire réfléchir pour la suite de sa carrière ? « Je vois les choses différemment à présent, certaines réponses qui me semblaient acquises ne le sont plus tant que ça. De là à me rediriger professionnellement ? Je ne pense pas, mais je ne me ferme aucune porte ! » Ne se fermer aucune porte, c’est également son mantra politique. Alors qu’il y a un an, il ne s’imaginait pas conseiller municipal, il peut désormais rêver d’une carrière politique. Il souhaite surtout que son parcours inspire d’autres jeunes à s’engager auprès de leur mairie. « Il ne faut pas avoir peur de l’engagement, même si je comprends mieux pourquoi ce sont des personnes à la retraite qui s’engagent dans les conseils municipaux, car cela prend du temps. Il ne faut pas que vos études soient un frein, tout est une question d’organisation. »
Victor Magaud, Stagiaire au parlement européen et étudiant à l’ESSEC en 3e année du Programme Grande Ecole
Pouvez-vous présenter votre parcours ? J’ai 23 ans et je suis Master in Management à l’ESSEC avec une triple spécialisation en entrepreneuriat, géopolitique et affaires publiques. C’est après ma prépa et au début de la campagne présidentielle de septembre 2021 que j’ai eu ma révélation politique. Bien qu’intéressé par les grands enjeux contemporains, c’est mon entrée à l’ESSEC qui m’a permis de passer un stade. Je me suis engagé dans un parti et j’ai pu avoir des discussions de haut niveau avec mes camarades. En parallèle de cela, j’ai monté ma startup Phytopolis et j’ai rejoint le cabinet d’un député en stage à l’été 2023 pour faire mes premiers pas dans la machine législative. À suite de cela, j’ai décidé de continuer dans cette voie et j’ai eu la chance d’être pris pour un stage de six mois comme collaborateur de parlementaire au Parlement européen de Bruxelles.
Quelles sont vos missions au Parlement ? En tant qu’assistant parlementaire, j’étais dans la commission REGI en charge de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union et des politiques et fonds qui y sont liés avec une spécialisation sur les territoires de la Guadeloupe, Mayotte, Martinique, Guyane, Réunion, Polynésie, Wallis-et-Futuna et Nouvelle-Calédonie. Mon stage a été marqué par la crise des agriculteurs et celle à Mayotte qui ont nécessité beaucoup de travail et de réunions pour trouver des accords. J’ai également été marqué par les rencontres, que ce soit avec mes collègues au sein du Parlement – il faut savoir que nous sommes regroupés par nationalité, mais nous avons des échanges toute la journée avec toutes les nationalités – ou par les personnes sur le terrain. Je me souviens avoir été bouleversé par une rencontre avec des agriculteurs où, après la réunion, je me suis dit que nous faisions des choses vraiment concrètes pour les aider malgré les lourdeurs administratives.
Comment ambitionnez-vous la suite ? Je reviendrai en politique, mais pas tout de suite. La politique nécessite énormément de temps et les personnes qui s’y engagent le font pour aider les autres. Mais je n’ai pas envie de le faire sans avoir un ancrage professionnel. Aujourd’hui, j’ai une belle opportunité avec ma startup et je n’ai pas envie de la laisser passer. Du fait des rencontres et les problématiques que je vais pouvoir rencontrer, cela pourra m’être utile dans une future vie politique. Une fois que je serai prêt, j’aimerais beaucoup m’engager au niveau national, notamment dans un cabinet ministériel où je pourrais aller au fond des problèmes.