Malgré une prise de conscience avérée de la part des établissements d’enseignement supérieur, la question des enjeux écologiques reste souvent appréhendée sous l’angle des problèmes plutôt que des solutions. Comment rendre ces formations plus en phase avec les attentes grandissantes des étudiants sur le sujet ? Eléments de réponse.
Près de trois étudiants sur quatre (74,4 %) accordent « une importance significative » aux enjeux écologiques et 69,7 % militent pour leur intégration dans les cours de tronc commun, révèle l’enquête Transition écologique et RSE dans les Grandes Écoles de Management réalisée par le Bureau National des Étudiants en école de Management (BNEM). Ce qui pousse les étudiants à interpeller les instances de direction.
Pour une écologie pragmatique
12 % des étudiants expriment en effet une certaine fatigue vis-à-vis de l’écologie, allant jusqu’à remettre en question le rôle des écoles de management dans l’enseignement des enjeux associés. Une des raisons de ce sentiment peut s’expliquer par une intégration « inefficace » de ces questions dans l’offre de formation, comme le confirme Ania Nguyen, Responsable de la Commission Enjeux Écologiques du BNEM. « On observe le souhait des étudiants d’être mieux accompagnés dans la pratique, du fait d’un réel manque d’intégration du sujet. Les enjeux sont abordés le plus souvent dans des cours dédiés sans mettre en avant la manière dont il est concrètement possible d’agir, ni montrer vers quelle carrière se tourner après l’école. Cette approche très abstraite peut alors mener à l’éco-anxiété et à l’éco-fatigue, voire à la perte d’intérêt pour les enjeux publics, bien que cela reste minoritaire. »
Un manque de cohérence pointé du doigt
L’incohérence entre les différentes politiques des établissements et entre les différents départements est également pointée par une partie des étudiants : politique de mobilité internationale longue-distance, partenariats avec des entreprises controversées, manque de promotion des carrières responsables par rapport aux carrières promues comme plus prestigieuses, etc. Si 64 % des étudiants indiquent que leur école valorise des opportunités d’expérience professionnelle en lien avec les enjeux écologiques, seuls 33 % constatent la mise en avant de telles opportunités lors des événements de recherche de stage et d’alternance organisés par leur école. En parallèle, les opportunités professionnelles présentées restent souvent dans des secteurs d’activité classiques. « Il ressort souvent que le service Accompagnement des carrières manque d’une dimension responsable. Certes, les postes RSE sont mis en avant, mais d’une manière isolée, les privant d’une approche systémique en lien avec tous les autres. »
Les étudiants veulent être acteurs du changement
Pour mieux répondre aux attentes des étudiants, les écoles doivent donc engager un changement de paradigme dans leur manière d’enseigner. Comment ? En intégrant ce sujet dans chaque cours et en proposant des sujets davantage tournés vers le débat : critique de l’industrie de la fast fashion, impact carbone des nouvelles technologies, etc. « Le rapport témoigne du vif intérêt qu’il y a de guider les étudiants dans leur carrière et dans l’intégration des enjeux écologiques dans les postes classiques qu’ils occuperont demain, poursuit Dany Leroux, Responsable Réseau Associatif du BNEM. Et ce, pas uniquement en faveur des carrières à impact mais aussi au sein des carrières classiques. L’idée est de leur donner les clés qui leur permettront d’actionner une transition en en comprenant les enjeux, impliquant alors de déconstruire le modèle actuel et d’accompagner les enseignants en vue d’intégrer les considérations environnementales et sociales dans la finance ou le marketing, etc. »
D’où l’importance de mettre en place une gouvernance étudiante, comme le rappelle Ania Nguyen. « C’est indispensable pour pouvoir travailler ensemble, avec l’administration, sur cette problématique. »Une instance de gouvernance qui permettrait d’avoir plus de poids pour impulser des projets concrets et favoriserait plus de transparence dans la transformation de l’école. En complément, plus de 60 % des étudiants plébiscitent le rôle des associations étudiantes dans la prise en compte des enjeux écologiques, témoignant ainsi de leur volonté de suivre un cursus qui traite des enjeux écologiques comme un sujet systémique et surtout de pouvoir être acteur de ce parcours.
Les Olympiades de la Sustainability
Du 26 février au 15 mars 2024, les étudiants de Grenoble Ecole de Management se sont immergés dans diverses activités pédagogiques. Objectif : permettre au plus grand nombre d’agir en tant que citoyen responsable du 21e siècle. Parmi les activités proposées : participation à des Fresques (de la diversité, des océans, du climat, du numérique, de la biodiversité…), serious games, concours national d’éthique professionnelle, compétition de basket solidaire, tests d’auto-évaluation, MOOCs, etc. Les participants ont été récompensés par des Open badges numériques valorisables sur LinkedIn.
3 questions à Jacques Fayolle, directeur de l’École des Mines de Saint-Etienne
Selon la 2e édition du baromètre OpinionWay / Mines Saint-Etienne Les jeunes et l’intégration des enjeux environnementaux par les écoles parue début 2024, 85 % des étudiants jugent important que les établissements supérieurs intègrent les enjeux environnementaux et estiment que ces établissements ont un rôle à jouer dans la transition écologique.
Quels grands enseignements retenez-vous de ce baromètre ?
Le premier, déjà perçu l’an dernier, est que le critère environnemental n’est pas un élément majeur dans le choix de la formation (dans 84 % des cas), contrairement à la renommée de l’établissement, sa localisation et l’intérêt de la formation. En revanche, une fois qu’ils ont intégré la formation, la prise en compte du sujet devient clé : plus d’un tiers des élèves (37 %) se disent ainsi prêts à en changer si leurs attentes ne sont pas atteintes. En 2024, le sujet de la transition est devenu si essentiel qu’ils n’imaginent pas qu’une structure ne puisse pas avoir de réponse et, en cas de déception, la sanction est immédiate.
Quelle est votre approche au sein de l’Ecole des Mines Saint Etienne ?
Notre trajectoire est de travailler tout au long de l’ensemble du corpus scientifique et technique. On observe aujourd’hui à quel point la transition écologique affecte la manière de travailler, de penser les algorithmes… Donc au-delà des technologies, il faut s’attacher à faire en sorte que chacune des parties prenantes s’empare de ces questions, en intégrant le sujet à chaque élément de la formation. Pour y parvenir, notre approche s’étend bien au-delà des maquettes pédagogiques, jusque dans le fonctionnement même de l’institution. Mines Saint Etienne, c’est 2 500 élèves et 500 membres du personnel. Nous avons donc mis en place un groupe de travail autour de la transition écologique composé de personnels et d’élèves qui travaillent au quotidien sur chaque poste de consommation pour améliorer le fonctionnement de l’établissement de manière assez systématique.
Et côté formation ?
Les équipes pédagogiques ont déployé un dispositif d’écoute des maquettes auprès des élèves pour estimer si l’impact écologique était bien pris en compte dans le module de formation, les contenus manquants…. Notre conviction est que l’immobilisme n’est pas possible ! Et cela se traduit dans notre baseline : Une école d’ingénieur. e.s responsable moteur d’innovations à impact sociétal. Nous présentons la transition écologique comme un moteur de transformation. La question est devenue clé dans l’évolution même de l’école.
Un campus responsable
Disparition de l’ensemble des poubelles classiques au profit de collecteurs de tri sélectif, extinction de l’éclairage de nuit, dispositifs d’encouragement à la mobilité douce, grand chantier de transformation des huisseries, etc. Sur le campus, chaque geste compte ! « Il faut être à l’écoute des enseignants-chercheurs et travailler en circuit court entre la création de connaissances et de sciences, et la mise en œuvre pratique d’actions concrètes au sein de l’établissement. Nous travaillons par exemple autour des sujets de décarbonation sur la recyclabilité de la climatisation dans les bâtiments. Mais le plus fondamental reste l’écoute des étudiants car ils on