Femmes : la pinkflation relance le débat sur le taxe rose

femmes taxe rose
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Avec un taux d’inflation de 6,51 % sur les vêtements destinés aux femmes et de 0,3 % sur ceux ciblant spécifiquement les hommes, une étude dénonce l’existence d’une pinkflation, relançant ainsi le débat de l’existence d’une « taxe rose ». Ce procédé consiste à appliquer une politique de prix majorés sur un produit ou un service à la seule justification du genre de la cible. Au-delà du manque d’éthique de ces pratiques, elles contribuent à entretenir les inégalités et les stéréotypes de genre.

Plusieurs titres de presse ont récemment relayé les résultats d’une étude réalisée par la société Comparatis révélant l’existence d’une différence de plus de 6 points entre les taux d’inflation enregistrés sur le segment des vêtements pour femmes et celui établi sur les vêtements ciblant les hommes, sur les 20 dernières années. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer une telle différence, l’une d’entre elle relançant le débat sur l’existence d’une discrimination par les prix sur le simple motif du genre de la cible visée. Les médias ont ainsi rapidement nommé cette inégale inflation « pinkflation », faisant écho à la « taxe rose » ou woman tax.

La taxe rose ou comment faire payer les femmes ?

La taxe rose est un phénomène bien connu des associations féministes qui dénoncent régulièrement, preuves à l’appui (Pépite Sexiste (pepitesexiste.fr)Woman tax (tumblr.com), une différence de prix constatée sur deux produits – ou deux services – identiques ou quasi identiques, sur le simple motif que l’un est destiné aux femmes et l’autres aux hommes. Si cette différence peut être en défaveur des hommes, les exemples sont plus souvent au détriment des femmes. Et les exemples sont nombreux : rasoirs, shampooing, pressing, coiffeur… mais aussi stylos et jouets touchant ainsi filles et garçons dès leur plus jeune âge. Face à la multiplication des exemples, une mission parlementaire a été adressée, dont le rapport publié en 2015 (« Etude sur les différences de prix entre certains produits et services selon le genre », Rapport au parlement, 15 décembre 2015. Rapport au Parlement (economie.gouv.fr) concluait à l’impossibilité d’apporter les preuves suffisantes de l’existence d’une taxe fondée sur le sexe des personnes. Depuis le doute persiste. En effet, cette étude étant restreinte à quelques produits et services, il parait scientifiquement discutable de généraliser ce résultat à l’ensemble des marchés. Des recherches, conduites outre Atlantique, ont fait la démonstration d’une woman tax ou gender tax, conduisant quelques Etats comme la Californie et le Canada à légiférer. En France, les pouvoirs politiques ont privilégié la concertation avec les acteurs, industriels et distributeurs, les incitant à repenser leur stratégie marketing afin de « lutter contre ce phénomène ».

Taxe rose, un marketing douteux… pour vendre plus et plus cher aux femmes

Car l’origine de la taxe rose ne se trouve-t-elle pas dans un marketing douteux ? Le fondement même du marketing est de bâtir une offre créatrice de valeur en réponse à des besoins communs exprimés par un ensemble de consommateurs ou clients. Ces segments de clients regroupent ainsi des personnes partageant non seulement les mêmes besoins mais présentant également des caractéristiques communes et différentes d’un autre segment, le sexe pouvant être l’une de ces caractéristiques. Ce postulat présuppose que hommes et femmes ont des besoins spécifiques liées à leurs sexes. Ceci est en partie vrai pour des produits ou services répondants à des caractéristiques physiologiques, les protections hygiéniques et le barbier en sont des exemples[1]. Pour d’autres produits ou services, la différenciation entre hommes et femmes est une construction sociale, aujourd’hui discutée. Les produits cosmétiques ont ainsi longtemps été réservés aux femmes et les produits et services destinés au bricolage aux hommes. Mais parfois les marketers vont encore plus loin- trop loin- en attribuant aux femmes et aux hommes des besoins spécifiques, qu’ils n’ont pas, dans le seul but de vendre plus et plus cher. Stylos, cartes bancaires ou encore jouets dont seuls les couleurs, roses et bleus, et le packaging varient, ont été proposés à la vente. Au-delà, du manque d’éthique de ces pratiques, elles contribuent à entretenir les stéréotypes de genre et les messages sexistes adressés aux clients, et ce dès le plus jeune âge. Cette discrimination par le prix, visant le plus souvent les femmes, contribue également à creuser les inégalités de pouvoir d’achat entre les femmes et les hommes. En l’absence de bouclier, les associations féministes continuent de dénoncer ceux qui cherchent à légitimer la taxe rose.

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L’auteur est Pascale Borel, Professeure de Marketing, ESC Clermont BS – CleRMa

Retrouvez la tribune de Cédrine Zumbo Lebrument, professeur de Marketing à ESC Clermont BS


[1] « GRANDGIRARD Isaure, JARROSSAY Hawa, « Chapitre 2. De la taxe rose au marketing unisexe : la segmentation par le genre est-elle encore pertinente ? », dans : Florence Benoit-Moreau éd., Genre et marketing. L’influence des stratégies marketing sur les stéréotypes de genre. Caen, EMS Editions, « Societing », 2020, p. 35-54.

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