Mixité, parité et plafond de verre

Laure Bertrand © Thibault Testart
Laure Bertrand © Thibault Testart

Le management de la diversité et la lutte contre les discriminations font partie des thèmes régulièrement abordés dans les rapports annuels de RSE et Développement Durable. Mais si le handicap, l’ouverture sociale, l’origine, l’âge sont devenus des enjeux, cela ne signifie pas que le défi de l’égalité hommes-femmes dans la vie professionnelle soit pour autant résolu. – Par Laure Bertrand, Enseignant-chercheur, Directrice du Département Soft Skills et Transversalité du Groupe Léonard de Vinci (EMLV, ESILV, IIM), avec la collaboration de Laurence Guichard, Responsable Orientation-Emploi du Groupe

 

 

Le plafond de verre : un frein toujours présent pour les femmes

Le plafond de verre est défini comme « les barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités » (BIT, 1997). Malgré le cadre législatif français, depuis 40 ans, et les nombreuses politiques RH mises en œuvre dans les organisations, le constat reste toujours pessimiste. Cadres et ingénieurs, membres des comités de direction, membres des conseils d’administration : en montant vers les sommets des entreprises, le pourcentage de femmes se raréfie, comme l’oxygène… Dans l’enseignement supérieur français, le constat semble similaire : une proportion insuffisante de femmes disposant du statut de professeur d’université (Latour, 2008), une nette sous-représentation aux postes de présidents d’universités ou directeurs de grandes écoles.

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Le plafond de verre : une explication systémique

De nombreux travaux de recherche s’intéressent à cette question. On y étudie directement la réalité du plafond de verre (Borel et Soparnot, 2015). On y écoute « des femmes au sommet », pour mesurer les relations entre genre et leadership (Belghiti-Mahut et al. 2014). On y parle d’un « chemin semé d’embûches » pour les femmes qui veulent accéder au pouvoir (Gresy, 2016). On y questionne « le syndrome de la femme parfaite » (Berthe, Dumas, Poilpot-Rocaboy, 2016). Il ressort des différentes études la mise en évidence de trois principaux facteurs explicatifs, tous en interaction.

Facteur n°1 : le système social et les puissants stéréotypes de genre

Les chercheurs rappellent combien les femmes subissent la pression de nombreux stéréotypes influant leur choix d’orientation et de carrière professionnelle. La Société assigne aux femmes des qualités et compétences qui seraient typiquement « féminines » : la relation aux autres, la compassion, l’écoute, le fameux « care » anglo-saxon… Les femmes seraient, ou devaient être, moins ambitieuses et combatives que les hommes et davantage centrées sur leur vie familiale. Le leadership, la décision stratégique, la direction d’organisations, seraient plutôt perçues comme des capacités « naturellement » masculines.

Facteur n°2 : les entreprises et les choix des recruteurs et décideurs

Ces préjugés sociaux infusent dans les organisations et peuvent orienter subtilement les décisions de recrutement et de promotion, malgré toutes les actions mises en œuvre pour favoriser l’égalité. Par exemple, les femmes se verront proposer moins de promotions dans leur carrière, car perçues comme peu disponibles pour le travail. Par ailleurs, un certain nombre d’hommes auront spontanément tendance à favoriser la progression de leurs homologues masculins.

Facteur n°3 : l’attitude des femmes et leur propension à l’autocensure

Ce sujet concerne l’internalisation de ces normes sociales par les femmes elles-mêmes. Les recherches montrent que la plupart des femmes ressentent plus facilement que les hommes le conflit de rôle famille-travail et la culpabilité induite. Elles s’interrogent davantage sur leur légitimité et ont des difficultés à se mettre en avant. Bref, à compétences et performances égales par rapport à leurs collègues masculins, les femmes manquent souvent davantage de confiance en elles. Cela notamment pour demander une augmentation de salaire ou une évolution de poste : « Women Don’t Ask », comme l’affirment Babcock et Laschever (2003).

 

Quel rôle pour l’enseignement supérieur ?

Les établissements d’enseignement supérieur ont un rôle important pour contribuer à faire évoluer ces stéréotypes. Ils y sont d’ailleurs incités par les pouvoirs publics et par leurs instances représentatives, comme la Conférence des Grandes Écoles. Beaucoup d’actions sont en cours, et/ou possibles. Attirer les jeunes filles vers les filières traditionnellement masculines, comme le fait l’Association Elles Bougent pour les métiers d’ingénieur-e-s, dont l’ESILV est partenaire. Choisir des études de cas valorisant des femmes. Questionner les représentations du leadership proposées dans les enseignements. Former les étudiantes et étudiants à comprendre les stéréotypes de genre et à lutter contre les discriminations. Présenter des politiques RH performantes en matière d’égalités hommes-femmes, etc.
Ajoutons bien évidemment, comme clin d’œil de conclusion, la recherche de parité au sein même de la gouvernance des établissements d’enseignement supérieur, pour l’exemplarité…

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