Directeur de Télécom Saint-Etienne, Jacques Fayolle a été réélu en juin 2021 pour un second mandat à la tête de la CDEFI (Conférence des Directeurs des Ecoles Françaises d’Ingénieurs). Ses projets pour la Conférence, la préparation de la rentrée 2021 dans les écoles d’ingénieurs : il nous dit tout dans son interview.
Comment les écoles d’ingénieurs envisagent-elles la rentrée 2021 ?
Après presque deux années éprouvantes, on constate une fatigue à la fois des personnels, des directions, des professeurs et des étudiants. Une rentrée à 100 % présentiel est une perspective plutôt rassurante mais nous savons que nous devrons continuer à être agile et à s’adapter, ce qu’on sait faire… même si on préfèrerait ne pas avoir à le refaire. Je vois malgré tout, des éléments positifs dans cette crise que nous traversons, comme cette grande accélération numérique de nos établissements : on nous a jetés dans le grand bain et nous avons nagé ! Je crois que le numérique est un excellent outil dès lors qu’il est choisi et non subi : c’est pour cela qu’à la rentrée, nous pourrons poursuivre certaines activités en distanciel, dès lors qu’elles sont plus performantes sous ce format.
En quoi la crise a-t-elle nourri les réflexions des écoles d’ingénieurs sur la façon de former leurs élèves ?
L’objectif premier d’une école d’ingénieurs est d’assurer la professionnalisation de ses élèves et les amener à être opérationnels en entreprise, de manière très rapide et efficiente. De ce point de vue-là deux questions sous-jacentes se posent. Celle de la compétence technique d’abord, raison pour laquelle nous avons plaidé pour accueillir des étudiant en présentiel dès que cela était possible, pour assurer les TP notamment. Celle de la compétence « comportementale » ensuite, cette capacité à travailler avec beaucoup d’autonomie et d’agilité, de varier les modes de travail… transmise de façon induite par la transformation permanente de notre pédagogie. Si aucun établissement ne milite pour une école hors les murs (car ça serait nier la fonction pédagogique), des activités différentes liées à la crise amènent aussi à d’autres compétences essentielles pour nos élèves et les entreprises qui vont les accueillir.
Que dit-elle du rôle de l’ingénieur dans la société ?
La crise a clairement rappelé la place de l’ingénieur au cœur de l’activité économique. On peut dire que l’ingénieur c’est le médecin du monde ! Car son rôle, c’est de trouver des process pour faire que nos activités soient plus efficientes en prenant en compte une dimension développement durable / RSE de plus en plus recherchée par les étudiants et par les entreprises qui les recrutent.
Pourquoi avez-vous décidé de briguer un second mandat à la tête de la CDEFI ?
D’abord parce que c’est une aventure personnelle intéressante. Je pense que la Conférence a bien joué son rôle dans cette période de crise et a trouvé des leviers de transformations intéressants. J’ai aussi eu l’impression que mes collègues étaient prêts à continuer, un point essentiel pour moi car j’estime que c’est une aventure plurielle.
Après deux ans de mandat essentiellement marqués par la crise Covid, j’ai également eu la tentation de poursuivre pour traiter d’autres dossiers, avec les élections présidentielles 2022 en perspective notamment. Un moment privilégié pour questionner l’enseignement supérieur français et sa place dans la compétition internationale.
Quelles sont justement les lignes directrices de votre mandat ?
Nous avons l’habitude de considérer « l’ingénieur à la française » comme un produit unique, vertueux et recherché partout dans le monde. Et c’est vrai ! Alors même que les frontières sont compliquées à franchir depuis presque un an, nos ingénieurs ont continué et continuent aujourd’hui d’être recrutés à l’international et ainsi, de contribuer à la mondialisation de l’économie. Dans ce cadre, je souhaite pousser cette réflexion entre ce particularisme plébiscité à l’international et nos débats franco français sur structuration de l’enseignement supérieur. Pour y répondre, la CDEFI met en place comité d’orientation stratégique, un outil de réflexion alimenté par des personnalités de dimension internationale pour questionner notre système avec un objectif final : valoriser notre modèle, s’inspirer des bonnes pratiques venues d’ailleurs et apporter les meilleures compétences possibles au monde de l’entreprise.
Les projets qui ne quitteront pas votre bureau cette année ?
La poursuite de la réforme sur l’apprentissage, une des voies de formation en forte croissance dans les écoles et une vraie voie d’inclusivité sociale pour les étudiants qui font ce choix. Autre point important : le chantier global du modèle économique de nos écoles, LA variable limitante de développement pour nos établissements, les écoles publiques notamment. Mais la réponse à cette problématique n’est en aucun cas monolithique : oui nous souhaitons que l’Etat approfondisse son investissement dans des objets tels que les nôtres, mais ça ne suffira pas. Il faut aussi questionner la participation des usagers (via une augmentation des frais d’inscription selon un système non binaire, peut être plus étagé et plus social), travailler toujours plus main dans la main avec les entreprises et avec les collectivités territoriales…
Votre message aux jeunes ingénieurs pour la rentrée 2021 ?
Continuez à avoir confiance en vous ! S’engager aujourd’hui et demain dans une formation en école d’ingénieurs c’est faire un pari gagnant par rapport à ce que demandent les entreprises.
Faites-nous confiance pour assurer votre formation de la meilleure façon possible par rapport au contexte actuel, car toutes les écoles d’ingénieurs ont montré leur résilience et leur agilité.
Et enfin, ayez confiance en l’avenir : car les entreprises de demain c’est vous qui les ferez !