Les sanctions contre la Russie : utiles ou futiles ?

sanctions contre les russes
crédits : Benedicte Karyotis

Gel des avoirs des oligarques russes, fermeture du réseau Swift aux banques russes, arrêt de toutes transactions avec la Banque centrale russe et les banques commerciales puis avec certaines entreprises publiques, arrêt de tout investissement dans le secteur de l’énergie russe, restrictions commerciales, fermeture des frontières, embargo progressif… Six séries de sanctions, dont la dernière particulièrement (embargo sur le pétrole, exclusion de la Sberbank) auront définitivement isolé la Russie !

Plus de trois mois de guerre pour la conquête de l’Ukraine par la Russie, six trains de sanctions de l’Union Européenne contre la Russie… Des villes et infrastructures anéanties, une population exsangue qui nous amènent à nous questionner sur l’utilité – ou pas – des sanctions européennes. Utiles ou futiles, il aura fallu la sixième série de sanctions pour faire plier la Russie.

Les sanctions contre la Russie provoquent une asphyxie progressive

Le 2 mars 2022, le rouble baissait de 20 %. Le lendemain, la Banque Centrale décidait de ne plus verser les coupons dus aux détenteurs étrangers d’obligations d’Etat libellées en roubles pour une durée non définies. Ce n’était pas encore un défaut de paiement (avéré si la décision concerne les obligations libellées en euros ou dollars). Le 16 mars, les 117 millions de dollars de coupons étaient payés aux créanciers. Le 4 mai, la Russie puisait dans les réserves de la Banque Centrale pour éviter le défaut – renvoyant au monde entier, l’image des emprunts russes de 1918.

Aujourd’hui, le système bancaire russe est asphyxié. Le débranchement de Swift interdit aux banques commerciales de se refinancer, la banque Centrale n’est alors plus capable d’amortir le choc des sanctions. Ses avoirs sont gelés, l’or est quasi-invendable. Fin mai 2022, Sberbank, la première banque russe, est débranchée de Swift.

Le 26 mai, la Russie n’honore pas son paiement d’intérêts de 1,9 M$, déclenchant ce que l’Association Internationale des swaps et dérivés appelle un évènement de crédit, préfigurant un défaut de paiement…

Un chevalier blanc s’évanouit

Les entreprises occidentales se retirent (McDonald’s, Starbuck, Ikea…), les entreprises russes font faillite. Severstal, l’aciériste russe qu’Arcelor était venu chercher pour contrer l’OPA hostile de Mittal. L’entreprise était alors dirigée par Alexeï Modachov, oligarque russe aujourd’hui touché par les sanctions occidentales, et faisant l’objet depuis peu d’une enquête sur un montage financier qui aurait pu lui permettre de transférer les actions du voyagiste TUI à sa femme pour éviter lesdites sanctions !

Le Boston Consulting Group considère que les investisseurs ne reviendront pas avant 2 à 5 ans en Russie. Les conséquences à moyen et long termes sont donc incontestables pour Russie, mais plus lourdes encore à court terme pour le reste du monde.

Le tableau de Mendeleïev et le Tchernoziom, comme une monnaie d’échange

Les sols et sous-sols russes et ukrainiens sont riches : de l’aluminium au titane, en passant par le nickel et autre palladium pour les métaux non ferreux, mais également le fer, tout autant que le gaz ou le pétrole pour les combustibles, la Russie est aux tout premiers rangs des producteurs de matières premières. Plus encore, en termes de matières premières agricoles, l’Ukraine et la Russie restent les premiers exportateurs de blé, maïs, tournesol, colza… Les greniers du monde grâce aux terres fertiles que sont les terres noires encore appelées Tchernoziom – sol riche en humus, voient leur production arrêtée ou bloquée.

Blé, colza, tournesol, mais également engrais chimique sont autant de matières premières qui conduisent à une famine annoncée dans le monde. Tous les maillons des chaines de production alimentaire sont en rupture. Et à ce jour, V. Poutine tente de négocier la livraison des céréales contre la levée des sanctions…

Quoiqu’il advienne, le monde aura changé le 24 février 2022 : un nouveau découpage géopolitique, économique et financier, un autre monde bipolaire est en train de se dessiner : un axe russo-chinois et le reste du monde, à quelques exceptions près !

L’auteur est Catherine Karyotis 

PhD, HDR, professeur de Finance, est Responsable du Mastère Analyse Financière Internationale – Evaluation et gestions d’actifs et du programme de formation continue Objectif Manager à Neoma Business School

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