« Les Ecoles Centrale ont été créées pour faire face aux grandes transitions ! » – L’interview de Romain Soubeyran

interview Romain Soubeyran écoles centrale
© Centrale Pékin

La vision holistique caractéristique de la formation centralienne constitut-elle le levier pour appréhender les grandes ruptures que traversent la société et l’industrie ? L’avis de Romain Soubeyran, directeur général de CentraleSupélec et président du Groupe des Ecoles Centrale.

En quoi réside l’attractivité des Ecoles Centrale ?

interview Romain Soubeyran écoles centrale
© CentraleSupélec

Avec leurs 15 000 étudiants, les Ecoles Centrale en France et à l’international constituent le principal réseau d’écoles d’ingénieurs. Un réseau dont l’attractivité repose sur son modèle et ses valeurs. Parmi elles, la marque Centrale. Preuve de la force de cette marque : lorsque nous avons annoncé l’ouverture de places en prépa T2 à Toulouse, celle-ci a vu son recrutement fortement progresser. Autre élément qui nous lie et qui fait notre attractivité : notre pédagogie fortement orientée vers le monde socioéconomique.  Un parti-pris originel puisque Centrale Paris est une des toutes premières écoles d’ingénieurs – sinon la première – à avoir été créée pour former des cadres de l’industrie et non des fonctionnaires au service de l’Etat. Une approche qui se décline par la volonté d’apprendre à nos élèves à maîtriser des systèmes complexes, à appréhender les problèmes concrets dans leur globalité grâce à leur capacité à mobiliser des compétences variées, à travailler en équipe et à travers un tropisme fort sur l’entrepreneuriat qui s’est accentué ces dernières années. Sans oublier le réseau des anciens, qui contribuent fortement à la visibilité de la marque. J’en profite pour rappeler que CentraleSupélec est la première école française (19e mondiale) en termes d’employabilité selon le classement du Times Higher Education, devant HEC et Polytechnique !

Comment les écoles du Groupe interagissent-elles ?

Outre leurs échanges d’expériences sur de nombreux sujets stratégiques, nos écoles portent des projets en commun. Le concours Centrale-Supélec bien sûr, mais aussi des opportunités à l’international qu’elles n’auraient pas les moyens pédagogiques et humains de porter seules. Aujourd’hui, nous sommes présents dans trois pays stratégiques : en Chine avec Centrale Pékin, en Inde avec Mahindra Ecole Centrale et au Maroc avec Centrale Casablanca (première école d’ingénieurs généraliste du Maroc et du continent africain).

Dans ce cadre, quels sont les dossiers qui ne quitteront pas votre bureau de président du Groupe cette année ?

En France, je pense bien sûr au concours. Nous réfléchissons aux différents leviers pour le rendre moins coûteux et moins contraindre l’agenda des élèves pendant les écrits. L’encombrement des écrits est très fort pour les candidats qui enchainent les concours et constitue un facteur de pression pour les concours eux-mêmes qui n’ont pas le droit à l’aléa. Nous sommes collectivement fragiles et nous le savons : décongestionner l’agenda des écrits serait bienvenue pour tout le monde ! A l’international, convaincus que la création d’une Ecole Centrale sur le continent sud-américain fait sens, nous lançons une étude de faisabilité en Uruguay. Mais pourquoi en Uruguay me direz-vous ? Alors qu’il réalisait un grand chantier dans ce pays – qui est sans doute le plus stable et un des plus prospère d’Amérique Latine – un de nos anciens a discuté de l’opportunité d’implanter une Ecole Centrale sur ce territoire avec le gouvernement uruguayen, qui a exprimé son intérêt pour le projet. Un intérêt dont son président a discuté directement avec Emmanuel Macron à l’occasion de sa venue à Lille pour assister au match France-Uruguay, lors de la dernière Coupe du Monde de Rugby ! Au niveau international toujours, nous préparons la succession de la directrice de notre campus de Casablanca, qui arrive à la fin de son second mandat. Il nous faudra trouver le bon candidat à la hauteur du beau travail qu’elle y a effectué.

Après l’abandon du projet d’une Ecole Centrale Toulouse par Toulouse INP, l’N7 a exprimé sa volonté de poursuivre la réflexion sur son périmètre. Pourquoi la création de Centrale Toulouse fait-elle tant débat ?

Le monde de l’enseignement supérieur est un monde doté d’une certaine inertie… Dès que vous y projeter un changement, cela suscite des inquiétudes, dont certaines sont justifiées et d’autres un peu moins ! Mais il faut remettre le projet dans son contexte. Lors de son lancement, les écoles concernées sortaient d’une réforme de l’enseignement et, après une période d’essoufflement post Covid, n’avaient pas forcément envie de se lancer dans un nouveau système. Parallèlement, les écoles d’agronomie de Toulouse INP craignaient de perdre leur spécificité et d’être noyées dans un grand ensemble. Enfin, le climat social n’était sans doute pas le bon pour mettre en œuvre un grand changement et les différentes visions que les directions se faisaient du projet ont rendu difficile d’embarquer un collectif vers un projet unique. Mais cela reste un très beau projet pour la région toulousaine qui manque d’une école d’ingénieurs généraliste. Il est d’ailleurs très appuyé par les industriels locaux. C’est aussi un projet qui a du sens pour le Groupe des Ecoles Centrale, qui pourrait ainsi compléter son maillage territorial dans les grandes métropoles françaises et s’ouvrir à tout l’écosystème industriel local, dans l’aérospatial notamment. Nous avons témoigné notre bonne volonté et notre intérêt pour ce projet (via l’annonce d’ouverture de places aux élèves issus de prépa T2 pour les concours 25/26) mais nous ne sommes pas à la manœuvre. Les réflexions sont en cours et devraient être éclairées d’ici l’été 2024.

Pourquoi l’ingénieur centralien est-il particulièrement adapté aux grandes transitions actuelles ?

Parce que nos écoles ont été créées pour faire face aux grandes transitions, pour former des gens préparés à mener des ruptures et développer chez eux un large spectre de compétences ainsi qu’une capacité à acquérir des compétences qui n’existent pas encore. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons diversifié nos recrutements en entrée d’école autour de la filière BCPST, que nous avons ouvert des formations à destination de sportifs et artistes de haut niveau et que nous développons de nombreux doubles diplômes. C’est aussi dans cette dynamique que nous encourageons la dimension entrepreneuriale chez nos élèves. Cette capacité à s’approprier des domaines variés, à mobiliser autour de son projet et à établir le bon équilibre entre la confiance en soi et l’humilité d’écouter les autres, de pivoter et de s’adapter à son environnement. Les compétences de l’entrepreneur sont celles de l’ingénieur qui peut avoir de l’impact au cours de sa carrière.

Mais justement, comment attirer plus de jeunes vers les métiers d’ingénieurs et de scientifiques ?

En leur rappelant qu’aujourd’hui, ingénieur c’est plus une formation qu’un métier : un diplôme d’une école d’ingénieurs vous permet de travailler dans quasiment tous les domaines. Par ailleurs la filière prépa / grande école d’ingénieurs est la filière la plus sociale de l’enseignement supérieur français. Lorsqu’un jeune est admis en prépa sur Parcoursup et qu’il travaille sérieusement, il est assuré d’intégrer une école et, au bout de cinq ans, d’avoir un poste de cadre.  Nos formations sont les seules à offrir, dès Parcoursup, d’aussi bonnes perspectives pour son avenir professionnel. Mais cela sous-entend aussi de donner du sens aux mathématiques dès le primaire et le secondaire. Tant que cette matière sera perçue comme un jeu intellectuel, certains auront envie de jouer, d’autres pas. Or, les mathématiques, ce n’est pas une fin en soi, c’est un moyen d’avoir une action sur le monde. 

Imprimer

Articles qui pourraient vous intéresser également

Inscrivez-vous à notre newsletter !

Vous pouvez vous inscrire à notre newsletter en cliquant sur le lien suivant :

inscription à la newsletter