Le lundi 24 juin 2019, le colloque « L’emploi des jeunes, aujourd’hui et demain » était organisé par l’Académie des sciences morales et politiques et l’Association Jeunesse et Entreprises. Au programme : des pistes de réflexion pour réduire le chômage des 18-25 ans.
Dans l’auditorium historique André et Liliane Bettencourt de l’Institut de France, on se questionne : comment réconcilier la jeunesse avec les entreprises ? Ou comment recoudre les plaies du passé avec des points de futur ? Yvon Gattaz, président-fondateur de l’Association Jeunesse et Entreprises, propose une nouvelle devise française : « l’emploi, l’emploi et l’emploi ! » Un triple message national pour une cause mondiale ! Objectif : remédier à la « génération ni ni ni » : les jeunes qui n’ont ni diplôme ni emploi ni stage. Alors que la génération Y représentera 75 % des salariés en 2025, le taux de chômage des 18-25 ans stagne encore à 20 % en 2019. Que faire pour y remédier ?
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, apporte de premiers éléments de réponse. « Tout commence dès le lycée, car s’il n’y a pas un socle solide alors le reste ne suit pas. Par nos réformes en cours et à venir, nous identifions les thématiques d’avenir (révolutions numériques et écologiques), nous proposons de nouveaux enseignements (« Numérique et sciences informatiques »…), nous personnalisons les parcours et nous revalorisons les lycées professionnels. Des évolutions parmi d’autres, franchies avec nos régions plus impliquées que jamais, qui permettront de réduire les inégalités sociales et de développement une culture de l’engagement, de l’esprit d’équipe et de la confiance en soi. Valeurs indispensables pour s’insérer correctement sur le marché de l’emploi. » L’homme d’état est déterminé, confiant et optimiste.
Secteurs d’avenir
Déterminé, confiant et optimiste, Bernard Arnault l’est aussi. Le PDG de LVHM est venu s’exprimer sur un sujet qui lui tient à cœur. Chaque année, le groupe embauche 15 000 personnes. « Oui, il est possible de créer de l’emploi. Pourtant, le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter, notamment chez les jeunes. Le contraste est saisissant » estime-t-il. Et pour cause, il rappelle que l’artisanat d’excellence est plein d’avenir. « L’artisanat français rayonne à travers le monde, mais les jeunes ne pensent pas toujours à s’orienter vers cette branche professionnelle. J’espère que le chantier de Notre-Dame sera l’occasion de reconnaître ce patrimoine inestimable. » Une direction claire pour une génération en quête de sens.
De même pour Sodexo. Les métiers de service sont délaissés. L’entreprise peine à recruter malgré les milliers de postes ouverts. « Afin de réduire ce déficit chronique, nous avons créé un CFA cuisine en collaboration avec d’autres sociétés. C’est une formidable opportunité pour avoir un impact sur la pédagogie car certaines formations ne sont pas toujours en adéquation avec la réalité du terrain ainsi que les besoins et les valeurs de l’entreprise », explique Anna Notarianni, présidente de Sodexo France. Une façon d’attirer les jeunes talents et de favoriser leur intégration au sein de la grande famille qu’est Sodexo. Des opportunités d’emploi insoupçonnées !
Nouvelles formes de travail
D’après Chantal Delsol, avant de parler d’emploi, il faut surtout redéfinir ce que c’est. Les mentalités ont changé. « Avant, on parlait de « situation » avec des critères d’évaluation tel que le niveau d’argent, de stabilité et de possibilités de carrière. Les ambitions étaient à long terme et demandaient certains sacrifices. Aujourd’hui, la jeunesse vit dans le présent et se refuse de s’épuiser au travail comme leurs ainés. Ils veulent travailler à leur guise et maîtriser leur temps de vie. D’où l’explosion des autoentrepreneurs », considère la professeure de philosophie à l’Académie des sciences morales et politiques. Le bien-être importe plus. Horaires, style d’autorité, télétravail, assurance…
Bruno Bich, président de BIC, parle de ROI : retour sur l’intégration, l’inspiration et l’imagination. « Il est de notre responsabilité de faire un feedback humain aux jeunes : bien les intégrer selon leurs souhaits, leur donner un job intéressant et inspirant et écouter leurs idées. » Toutes les grandes entreprises comme Google, Facebook ou BIC, sont nées de l’imagination de jeunes adultes. « Un jour, un enfant de 10 ans m’a dit que l’intelligence, c’est l’imagination en plus précis. Il n’y a rien de plus vrai ! » se rappelle-t-il.
Sofskills first
Pour Philippe Catoir, président d’Adecco, ça ne fait pas de doutes : il faut sélectionner les nouveaux arrivants sur leurs talents plus que sur leurs diplômes. Les entreprises doivent s’adapter. 1/3 des CDI étant rompus la première année en raison d’un écart entre les valeurs personnelles du salarié et la culture de l’entreprise. « Il faut donc autant recruter sur les qualités (communication, créativité, leadership, capacité d’adaptation…), oubliées des CV, que sur les compétences techniques, qui changeront face aux évolutions et qui peuvent s’apprendre en formation. » En ce sens, Adecco a lancé depuis 6 ans une opération un peu particulière : un concours parmi les étudiants pour recruter un stagiaire. Mais pas pour n’importe quel stage ! L’heureu.x.se élu.e, choisi.e selon les qualités humaines, suivra le PDG dans toutes ses tâches, voire le remplacera pour certaines d’entre elles. « Lorsqu’on les met au pied du mur et qu’on leur fait confiance, les jeunes dévoilent tout leur potentiel, apprennent mieux et grandissent professionnellement. »
Dans la même lignée, l’apprentissage est clé. Jean-Robert Pitte, ancien président de l’université Paris-Sorbonne et secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques, en est convaincu. Celui qu’on a qualifié d’adéquationniste se défend. « L’adéquationnisme veut dire être formé pour l’entreprise, faire correspondre l’éducation aux besoins du marché. C’est le but de l’alternance ! » Parfois considérée comme une voie de garage, l’alternance est plutôt une des voies royales vers l’employabilité est d’accord Yvon Gattaz.