ITER est le projet international visant à rendre effective la fusion nucléaire : 20 ans de construction, 20 ans d’exploitation, 20 milliards d’euros investis et des milliers de chercheurs et ingénieurs de tous pays impliqués. « On a vraiment l’impression de conquérir la Lune ! » s’enthousiasme Alain Bécoulet (ENS 87), son Head of Engineering Domain.
Quel sentiment éprouvez-vous à œuvrer à une collaboration internationale (l’Europe + six grands pays) telle que la vôtre ?
L’exaltation de travailler sur un projet prométhéen colossal et… unique. Les mots « recherche » et « collaboration » y prennent tout leur sens. L’ampleur du défi est telle que, depuis plus de 50 ans, un consensus exceptionnel s’est créé : nous partageons tout. La fusion nucléaire étant, de fait, devenue LE sujet de collaboration entre les nations.
Outre la localisation du projet, la France semble jouer un rôle important au sein d’ITER Organization ?
Leader européen du nucléaire, la France a toujours joué un rôle moteur dans ce projet qui a compté plusieurs directeurs français, dont le dernier en date depuis 2015, Bernard Bigot, autre Normalien. Equipes, résultats, proposition (acceptée) d’héberger le site d’exploitation puis, vers 2040, d’opérer sa déconstruction : nous sommes en effet très impliqués.
Quelle est votre tâche et en quoi se révèle-t-elle passionnante ?
Je dirige l’ingénierie, l’un des quatre volets du projet (Corporate, Ingénierie, Construction, Exploitation), du concept à la fabrication finale. Mais ce qui rend l’affaire si passionnante, c’est qu’il s’agit d’une course de relais, sur plusieurs générations. Lorsque je suis arrivé au CEA, il y a plus de 30 ans, on parlait déjà d’Iter, puis d’autres prendront la suite. Cela crée une ambiance formidable.
Qu’est-ce qui rend ce projet attractif pour de jeunes talents ?
Le défi ! Nous visons la Lune et attaquons une montagne à la petite cuillère, découvrant qu’autour de nous, les autres l’attaquent à la baguette ou autrement selon leur culture. Des milliers de personnes, issues de multiples nations, mêlent leurs manières (très différentes) de travailler. C’est extrêmement enrichissant. Alors me concernant, manager des profils aussi variés : quelle chance ! Si l’on aime coopérer au sein d’une équipe multiculturelle, c’est vraiment l’endroit idéal.
Quel attrait supplémentaire à travailler dans une organisation aussi experte qu’internationale ?
Ici, à condition d’apprécier la dimension collective, la seule limite c’est… vous. Vous commencez par la théorie mais rapidement, avec l’expérience, l’envie de vérifier – donc de modéliser – vous vient. Vous choisissez un domaine et on vous donne les moyens d’avancer. Puis vient le temps de la coopération internationale, sur des sujets de plus en plus costauds. Sachant que notre projet est tellement vaste et complexe que la formation à large spectre de nos grandes écoles y constitue un atout certain.
De quel côté cherchez-vous du renfort et dans quelles sont les soft skills requises ?
Tous les domaines de la physique et de la technologie sont concernés. Tous les scientifiques, chercheurs et ingénieurs sont donc bienvenus. D’autant que l’on apprécie le regard « autre ». Côté soft skills : l’envie d’abord, puis l’ouverture, l’écoute, bref : l’adaptabilité.
Que vous reste-t-il de l’enseignement reçu à l’ENS ?
Dès le premier jour, avant même que l’on nous enseigne quoi que ce soit, nous recevions une leçon essentielle : « Que souhaitez-vous apprendre ? » nous a-t-on demandé en préambule. Nous signifiant ainsi que nous n’étions pas là pour recevoir passivement un savoir, mais bien pour nous prendre en main et apprendre à réfléchir. Une logique de contributeur plutôt que de consommateur de nouveau affirmée avec le travail à fournir pour l’agrégation. Cela m’a profondément marqué.
Chiffres clés : 20 milliards € investis / 8 sites dans 8 pays dont un site majeur (près de Marseille) occupant plus de 1 000 personnes
Contact : alain.becoulet@iter.org