Depuis le 1er janvier 2019, chaque Centre de Formation des Apprentis a l’obligation de nommer en son sein un référent handicap. Son rôle est d’accompagner les personnes handicapées dans leur parcours de formation en apprentissage et favoriser leur insertion professionnelle.
Cette obligation répond à la loi de septembre 2018 pour « la liberté de choisir son avenir professionnel », réformant l’apprentissage et la formation professionnelle. Elle renforce les principes de la loi de 2005 qui met en œuvre le principe du droit à la compensation des conséquences du handicap et priorise la formation en milieu commun. La mise en accessibilité universelle des CFA doit permettre de « mieux accueillir et former les personnes en situation de handicap, notamment avec l’appui du référent handicap ».
Rappelons que le principe de l’apprentissage est d’alterner des périodes de formation au sein du CFA et missions en entreprise : la position du référent handicap au sein du CFA est en interface avec les apprenants, leur cercle de soutien – familial, associatif, médico-social – les équipes pédagogiques et administratives du CFA, ainsi que les employeurs. Si le référent ne fait référence que dans son rôle de pivot et pas en tant qu’expert du handicap, sa position au sein de cet écosystème lui octroie un point de vue que nous souhaitons ici partager.
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
Accepter de déconstruire nos représentations
Parmi les stéréotypes que nous avons sur le handicap en général, ceux sur les troubles psychiques ont la vie dure parce qu’ils nous renvoient à nos peurs les plus intimes. Pétris de représentations solidement ancrées, régulièrement nourries par des films ou certains média, nous prenons appui sur ces perceptions erronées pour nous protéger, à la fois en tant qu’individu et membre d’une organisation, parfois jusqu’à remettre en cause l’existence même du handicap : une personne souffrant de troubles bipolaires serait un « manipulateur » une personne en burn-out « perfectionniste », un étudiant dépressif un « feignant ». De même que considérer ces troubles nous renvoie à nos failles individuelles, il sera plus confortable de considérer qu’une personne n’est pas adaptée au poste, voir dangereuse pour l’entreprise ou le CFA, plutôt que de considérer un profil qui mettrait potentiellement la lumière sur les failles d’une organisation.
Centre de formation des Apprentis et handicap : faire équipe
Accepter de reconsidérer nos représentations pour lever les tabous « ce sur quoi on fait silence, par crainte ou pudeur », et interroger nos modes d’organisation, que ce soit en formation ou au travail, est une démarche dans laquelle tous les collaborateurs de l’organisation doivent s’inscrire. Aux actions de sensibilisation globale à la question du handicap, une acculturation aux troubles psychiques et un suivi dans le temps s’avèrent nécessaires. Les aménagements à mettre en œuvre pour compenser les effets du handicap dans le suivi de la formation ou en entreprise sont aujourd’hui de mieux en mieux identifiés et de plus en plus mis en œuvre lorsqu’il s’agit de compensations matérielles liées à des situations de handicap visibles. L’accompagnement d’une personne qui a des troubles psychiques, dont les manifestations sont fluctuantes, imprévisibles et propres à chacune ne peut être étudié, mis en place et effectif dans le temps qu’avec le support de partenaires externes aux organisations. Nous avons un formidable tissu associatif dont nous pouvons nous saisir, des dispositifs tels l’emploi accompagné, des pairs-aidants qui témoignent de leurs parcours afin que nous puissions préparer ceux de nos apprentis sous peu que nous acceptions de les intégrer à nos organisations.
« Le handicap psychique c’est tout un cheminement pour l’entreprise. Il faut s’y frotter pour gagner en expérience et apprendre à l’accueillir. Il ne faut pas hésiter à appeler un tiers. » Jean-Philippe Cavroy, directeur du Club House Paris #SantéMentale #ColloqueCHF2020.
Selon l’OCDE, 1 personne sur 5 en âge de travailler est atteinte d’un trouble mental, et c’est entre 15 et 25 ans que les troubles psychiques apparaissent en grande majorité. Les Centres de Formation des Apprentis doivent donc se saisir des dispositifs et partenaires à leur portée pour créer un environnement d’apprentissage qui sécurisera l’ensemble de ses apprenants et participera également à nous faire grandir, de manière individuelle et collective.
L’auteur est Sophie Roussel – Référent handicap ISCOM