Est-ce risqué de voir les nouveaux médias prendre le lead ? Le boom des nouveaux médias sonne-t-il la fin des médias traditionnels ? Quels biais une information 100 % réseaux sociaux peut-elle engendrer ? Les nouveaux médias sont-ils en passe de crever l’écran ?
Un changement de supports et de média
L’appétence à l’actualité des 15/34 ans est notable et partagée par plus de 66 % de cette tranche d’âge. Si 83 % estiment qu’il est primordial d’être informé, les supports et media d’actualités ont évolué pour d’autres formes et fonds d’information. L’actualité est consultée à 69 % sur smartphone et 32 % des 15/34 ans s’informent uniquement par les réseaux sociaux, à tel point que TikTok est devenu le 4ème moteur de recherches.
Proximité, horizontalité et interactivité
Si le support évolue, il est la conséquence d’une nouvelle forme de diffusion de l’information pour cette génération. L’information traditionnelle dite descendante d’un journaliste qui aurait une sorte de « sachant » est abandonnée aux « boomers » au profit d’une information horizontale plus affective prise en charge par des influenceurs qui se mettent à la portée de leur public comme le propose Hugo Décrypte.
Les sujets d’actualité sont aussi traités dans ce format de manière moins anxiogène, car 2/5 adolescents ont adopté une démarche d’évitement sélectif global de l’information. Cette forme de traitement de l’actualité autorise aussi l’interactivité qui est une attente forte des 15/34 ans habitués à commenter et partager sur les réseaux.
Cette demande d’horizontalité de l’information a été entendue par certain acteurs des média traditionnels comme Samuel Etienne qui se positionne sur Twitch comme Streamer de l’information live.
Les jeunes et les médias : une lecture parcellaire des informations
Il est relevé dans plusieurs études une évolution du mode de lecture de l’information des 15/34 ans sur les nouveaux supports. En effet, cette catégorie de lecteurs utilise un grand nombre de sources d’informations, comme le souligne l’étude Ipos pour Médias en Seine en 2022. Du fait de ces sources multiples, l’internaute effectue une lecture en surface de l’information en lisant essentiellement les titres et chapôs des articles. C’est donc avec ces éléments très synthétiques sur un sujet que se forgent leur opinion et la compréhension du monde. Information qui sera alors partagée avec la communauté du lecteur et souvent assortie d’un commentaire de ce dernier sur l’information. De fait, les destinataires du partage d’information se retrouvent avec l’information et le commentaire qui prendront pour argent comptant pensant que l’émetteur du message a lu l’article.
Ces pratiques amènent les éditeurs de contenus à repenser les titres, chapôs et articles de manière à coller aux attentes des lecteurs et ainsi augmenter le nombre de vues. Mais si l’essentiel est dans le titre pour le lecteur, comment présenter une information complète en moins de 10 mots ou 90 caractères ?
Bulle de filtrage informationnelle
S’informer uniquement via les réseaux sociaux peut générer une « réalité alternative » de l’information créée par une bulle de filtrage. En effet, les sujets consultés par l’internaute sont analysés par les éditeurs de contenus et leurs algorithmes auront tendance à proposer au lecteur des sujets en rapport avec le sujet de départ, un peu sur le principe des playlists musicales ou des vidéos sur Youtube. Ainsi, un internaute passionné par des sujets d’actualités régionales pourrait alors se voir proposer des sujets sur le même thème et passer totalement à côté de sujets d’actualités internationales plus intéressants. La manipulation par la société Cambridge Analytica de l’opinion de milliers d’internautes sur Facebook dans le cadre du vote du Brexit en Grande Bretagne et de la campagne de Donald Trump en 2016 en sont les parfaits exemples : une bulle de filtrage générée par des algorithmes présentait du contenu pro Brexit en GB et pro Trump aux US sur les pages FB des votants indécis créant ainsi une réalité alternative limitant au maximum la pluralité de l’information.
Le traitement de l’information par les jeunes sonne-t-il la fin du média traditionnel ?
Le boom des nouveaux médias sonne-t-il la fin des médias traditionnels ? La question se pose à chaque évolution technologique, la presse détrônée par la radio ? la radio détrônée par la télévision ?… Comme le démontrent plusieurs études, les 15/34 ans ne sont pas dupes de ces biais informationnels, aussi complètent-ils leurs recherches d’informations en les recoupant avec des sources issues de média traditionnels considérés comme plus rigoureux et objectifs. Finalement, les nouveaux médias vont s’intégrer, pour compléter, le bouquet de sources informationnels déjà très large par une relation à l’information plus informelle.
L’auteur est Ronald Boucher, Professeur-Chercheur, Responsable du Master Digital Data et Ecommerce de l’ISTEC