Selon l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique (OPTL), les femmes ne représentaient que 20 % des 650 000 emplois du transport et de la logistique en 2013 et seulement 10 % des postes dans les métiers de la conduite. Ce sont pourtant des secteurs pourvoyeurs d’emplois, du fait, entre autres, de départs à la retraite massifs et de l’émergence de nouvelles thématiques dont le développement durable. Un secteur porteur et pourtant encore loin de la parité alors que les femmes y ont un rôle essentiel à jouer. – Par Clarisse Watine
Une prise de conscience sectorielle
Pour accélérer la féminisation, un plan sectoriel sur 3 ans a été signé en juillet 2014 pour promouvoir la place des femmes et la mixité des métiers dans les entreprises du transport. Ses principaux engagements : intervenir dans les établissements scolaires et universitaires pour agir dès l’orientation des jeunes femmes, accompagner et outiller les entreprises pour l’intégration des femmes et veiller au respect de l’égalité en matière de politique salariale et de promotion.
La féminisation, ça commence par la formation
Des engagements partagés notamment par les écoles d’ingénieurs spécialisées qui ne réunissent encore aujourd’hui que 20 à 30 % d’étudiantes. C’est le cas notamment à l’ISAE-Supaéro qui, dans le cadre de son programme d’ouverture sociale Ose l’ISAE soutient l’association ISAE’lles. « Fondée en novembre 2015, elle a vocation à sensibiliser les collégiennes et lycéennes au métier d’ingénieur. Des binômes étudiantes / diplômées sont ainsi partie cette année à leur rencontre pour leur ouvrir des perspectives et leur prouver que ce métier leur est pleinement ouvert. Une journée campus a aussi été organisée pour leur faire découvrir toutes les facettes de l’école (labos, sport, vie associative, rencontres avec des professeurs…). Notre but : leur montrer qu’être ingénieur dans les transports ce n’est pas construire tout seul un moteur dans un labo mais travailler en équipe et sur des trucs sexy : un avion c’est de la carlingue mais aussi du design et de la déco » indique Alix Janicaud, Présidente de l’association. « Et il ne faut pas oublier que les entreprises font des ponts d’or à nos étudiantes : en sortie d’école, 89 % des diplômés ont déjà trouvé un emploi mais pour les diplômées c’est 100 % ! » ajoute Cécile Latournerie, Chargée de mission ouverture sociale à l’ISAE.
Promouvoir les expertes
Créé en 2015 par une dizaine de professionnelles du transport et de la mobilité, Femmes en mouvement qui entend par ailleurs valoriser l’expertise spécifique des femmes en la matière et encourager le secteur à aller vers plus de parité. « Le transport pose avant tout la question des usages. Et sur ce point, les hommes et les femmes ont des approches résolument différentes car chacun l’interprète à l’aune de sa propre expérience. Le super kiff de l’ingénieur, c’est Eiffel, le projet qui ne sert à rien mais qu’on n’a jamais fait. Quand il regarde la gare de St Maur-Créteil, un homme y voit d’abord la gare la plus profonde d’Europe, moi je pense à ce qu’il se passe quand les ascenseurs sont en panne », indique Marie-Xavière Wauquiez, à l’initiative du mouvement
« Le transport c’est la vie : sans lui, c’est la fin de ¾ de l’économie mondiale ! » Marie-Xavière Wauquiez, Présidente de Femmes en mouvement
« J’ai les mains dans le cambouis depuis que je suis petite ! »
Solenn Valancony, diplômée de l’ENSTA Bretagne
« Après mon Bac S spécialité SVT (la seule filière scientifique de mon lycée), je m’étais habituée à avoir beaucoup de filles autour de moi. J’ai découvert les sciences de l’ingénieur en prépa et ça a été le coup de foudre. Je n’ai d’ailleurs pas hésité à poursuivre dans une voie encore très masculine : la mécanique. Avec un père mécanicien automobile de formation, ça ne me faisait pas peur ! A l’ENSTA Bretagne, j’ai donc étudié l’architecture de véhicules (automobiles et véhicules militaires), une formation qui m’a permis de toucher à tout (moteur, liaison au sol, suspensions, dynamique…) et donc de m’ouvrir à plein d’opportunités. On me demande encore souvent pourquoi j’ai choisi cette voie. C’est pourtant simple : ça me passionne ! »
Quand les filles s’imposent dans les spécialités « de mecs » !
Mécanique Numérique et Modélisation : même pas peur ! A l’ESILV (membre de l’association Elles Bougent), elles sont mêmes 25 % de filles à suivre cette formation qui les prépare au métier d’ingénieur aéronautique, ingénieur développement, recherche et chef de projet dans tous les secteurs du transport. Des domaines qui ont besoin de « leur capacité à résoudre des problèmes, à les conceptualiser, à les analyser et à faire preuve d’esprit critique », indique Radoin Belaouar, Responsable du département. Bien loin des stéréotypes encore affublés à la mécanique et au numérique, ces futures ingénieures ont donc toute leur place dans cette formation dont les projets d’étude « sont menés à 100 % par des groupes de travail mixtes », insiste-t-il.