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Recrutement, intégration, parcours : comment matcher avec les attentes des jeunes ingés ?

Recherche ingénieurs désespérément ! Digital, industrie, société, environnement ou énergie : l’heure est à la révolution. Et pour faire face à ces challenges du nouveau monde, la France a besoin d’ingénieurs. Car si notre pays compte plus d’un million d’ingénieurs il est toujours en quête de forces vives. Face à cette pénurie, les entreprises se mettent en ordre de bataille pour séduire les Millennials accros à la techno.

 

Mais le plein emploi des ingénieurs, mythe ou réalité ? Si la profession présente un des taux de chômage les plus bas en France (3.3 % selon la dernière enquête Ingénieurs et Scientifiques de France), le manque d’ingénieurs reste bel et bien une réalité. « Le marché des ingénieurs est un vrai marché de candidats. Lorsqu’ils cherchent un emploi, ils ont l’embarras du choix, tant en termes d’opportunités que de structures. Ils suivent en général plusieurs processus de recrutement en parallèle et le rapport de force candidats / recruteurs s’est clairement inversé. Parce qu’ils ont désormais le luxe de choisir, ils sont plus en recherche d’épanouissement professionnel et personnel que de sécurité », indique Fatine Dallet, directrice senior chez Michael Page.

Le secteur de l’industrie, plébiscité par les jeunes ingénieurs, se porte par exemple très bien. « 2018 a été une année exceptionnelle pour l’industrie, y compris pour des secteurs touchy comme le oil en gas. De même, avec la digitalisation croissante du secteur, l’industrie 4.0 recrute de plus en plus. Avec de nouveaux enjeux comme la numérisation des process de production, et ce dans tous les secteurs », précise Muriel Wilfred, manager de la division Ingénieurs et Conseil chez Robert Walters.

Le salaire, ce n’est plus un sujet !

Et forcément, qui dit pénurie de candidats dit salaires en hausse. «  La négociation salariale se fait de plus en plus rare. Les entreprises n’hésitent pas à proposer des salaires supérieurs pour s’assurer d’avoir les compétences dont elles ont besoin. Le salaire ne figure d’ailleurs même plus dans le Top 3 des candidats en recherche d’emploi. Aujourd’hui, ils s’attardent plutôt sur des questions relatives aux valeurs ou à la culture de l’entreprise, aux types de projets qui leur seront proposés, à l’intérêt de leurs missions, aux mesures prises en faveur de la qualité de vie au travail… Des questions qu’on ne nous posait pas il y a 10 ans », ajoute Fatine Dallet.

Chacun fait ce qui lui plait plait plait

Si la flexibilité, l’environnement et le bien-être au travail ou les attentes vis-à-vis de leur management sont donc devenus des points cruciaux pour les jeunes ingénieurs, ces fans de nouvelles technologies ne transigent pas non plus sur l’innovation. « Lorsqu’ils ont le choix entre deux entreprises, ils optent quasi systématiquement pour la plus agile, celle qui sait le mieux s’adapter à son marché, celle qui propose le plus de procédés nouvelle génération. Ils sont tout à fait capables de refuser une offre qui matche avec la majorité de leurs critères si l’entreprise ne les convainc pas d’une orientation assez technologique », prévient l’experte de Michael Page.

De même, les professionnels du recrutement distinguent une vraie spécificité de la population ingénieurs liée à leur intérêt pour les missions qui leur sont confiées. « Ce qui drive un ingénieur, c’est la passion. Le fait d’évoluer dans un environnement qui lui permet d’apprendre constamment, qui le nourrit, tant sur le fond que sur la forme. Si le cadre managérial, le fit humain sont des prérequis, ils sont aussi très sensibles à l’enrichissement intellectuel » selon Muriel Wilfred. Formations qualifiantes, dispositifs d’accompagnement des talents et autres programmes d’échanges : nouveaux must-have des recruteurs en quête d’ingénieurs ?  « Ils apprécient de se sentir écoutés, de voir que leur entreprise prend en compte leur avis et leur capacité d’innovation. Ils veulent avoir un impact concret sur leur travail… sans que leur emploi ait un trop gros impact sur leur vie ! Accès au télétravail, flexibilité des horaires : ils cherchent une entreprise qui fait attention à ses collaborateurs et qui respecte leur équilibre vie pro / vie perso. »

4 chiffres à retenir sur l’ingénierie en France*

55 Md€ de CA

50 000 à 60 000 recrutements engagés en 2018 (automobile, aéronautique, digital, construction, environnement…)

91% des collaborateurs en CDI

31 % du CA réalisés à l’export

*Source Syntec Ingénierie

 Nouveaux process de recrutement : le début du game ?

Car comme tout bon Millennial qui se respecte, le jeune ingénieur est sensible à l’attention que son (futur) employeur lui porte. Une dynamique qui commence dès la phase de recrutement. « Au regard de la technicité des fonctions confiées aux ingénieurs, une entreprise évaluera toujours les hard skills d’un candidat avant ses soft skills et utilisera donc d’abord des méthodes de recrutements classiques », indique Fatine Dallet. C’est après que des méthodes plus disruptives entrent en jeu. « Des procédés créés autour du gaming (escape game, serious game par exemple), faisant appel à la réalité virtuelle ou augmentée… Autant d’occasion de faire parler et interagir le candidat. » Des outils appréciés et particulièrement vendeurs : ils prouvent que l’entreprise évolue avec son temps et prend en compte les goûts et les aspirations de ses futurs collaborateurs.

Un modèle également particulièrement vertueux pour le recruteur. « La mise en situation est un process déjà usité depuis plusieurs années, via l’assesment par exemple. Aujourd’hui, on utilise les codes du gaming pour évaluer la capacité d’analyse, d’appréciation des situations de façon pointue, tout en restant très ludique pour le candidat. Il prouve (ou pas) sa capacité à travailler en équipe et dans un temps imparti, mais avec moins de pression. » De nouveaux modes de recrutement résolument win-win : en montrant qu’elle est soucieuse des attentes des jeunes, l’entreprise envoie des signaux positifs. « Face au marché de l’emploi et ses évolutions, les employeurs sont sensibilisés à la nécessité de séduire. Ils doivent rééquilibrer le rapport de force en étant plus créatifs pour trouver leurs perles rares ». Des petits + qui font toute la différence. « Entre un one-to-one dans un bureau fermé ou une visite guidée du roof-top ponctuée d’un café ou d’un déjeuner avec votre futur N+1, y a pas photo ! ». Autres atouts feel good : home office, flex office, accès à un club de sport, corbeilles de fruits à disposition, voyages, abonnements à un service de trottinettes électriques…

Et dans l’industrie ? Si le digital est évidemment de plus en plus intégré à leurs modes de recrutement, les grands groupes industriels semblent plutôt adeptes du step by step. « L’industrie est capable d’avoir une prise de conscience et d’entamer une remise en question. Mais c’est un milieu classique, avec un rythme un peu plus lent dans sa capacité à se transformer. Quand on rejoint une grande industrie il ne faut pas être impatient mais avoir confiance dans le management et la direction car la prise de conscience y est certaine », ajoute Muriel Wilfred.

Hard skills, soft skills : ce que cherchent vraiment les entreprises ?

Mais quelles sont ses fameuses soft skills tant recherchées par les employeurs aujourd’hui ? « L’agilité intellectuelle bien sûr, cette capacité à s’adapter et à conduire le changement. La capacité d’analyse, de gestion du stress, à faire preuve de leadership, d’esprit d’équipe et de partage des valeurs de l’entreprise sont aussi essentielles » annonce Fatine Dallet. L’innovation joue aussi là encore un rôle de premier plan. « Le fit avec les orientations, notamment dans son rapport avec les nouvelles technologies est important. Dans des environnements aussi compétitifs que ceux dans lesquels évoluent les ingénieurs, il est essentiel de travailler sur l’innovation et ses conséquences en matière de productivité. » L’addiction à la veille technologique : la carte maîtresse du jeune candidat ?  En tout cas, un plus qui reste un atout dans sa manche pour la suite de sa carrière. « Pour les postes présentant une dimension managériale, les entreprises cherchent des candidats dotés d’un leadership confirmé, d’une capacité à fédérer et à emmener leurs équipes dans leurs objectifs, tout en faisant preuve de bienveillance. »

Fédérer, le nouveau mot clé de l’ingé. Adieu l’image de l’ingénieur solitaire derrière son bureau et bonjour le participatif. Il doit désormais interagir avec de nombreux interlocuteurs et créer du lien. Il n’a pas peur de la mobilité, géographique bien sûr, mais aussi fonctionnelle. Une évidence direz-vous ? Pas pour tout le monde. « Nous rencontrons souvent des jeunes diplômés qui disent vouloir évoluer dans des milieux agiles alors qu’ils sont très casaniers en réalité. » La patience s’avère enfin maitresse de toutes les vertus. « Les entreprises ont entendu vos besoins et vos envies. Elles développent par exemple de plus en plus de programmes d’accompagnement pour les hauts potentiels. Mais ne soyez pas trop pressés pour les demander ! On ne peut pas vous considérer comme un haut potentiel si vous travaillez dans l’entreprise depuis seulement 6 mois. Sachez faire preuve de patience et de persévérance » insiste-t-on chez Robert Walters.

 FI-DE-LI-SER

Le recrutement ne se limite pas à l’embauche. Telle est la phrase qui devrait désormais être inscrite au fronton de chaque Direction des Ressources Humaines. Car sur un marché en tension comme celui des ingénieurs, rien de plus facile que de se faire voler ses meilleurs talents. Et pour lutter contre le turn-over, une seule solution : redoubler d’attention. « Réussir l’intégration d’un candidat dans un marché qui bouge et où il est sur-sollicité requiert de la reconnaissance. Faire un point trimestriel sur l’avancement d’un projet, savoir dire qu’on est satisfait de son travail, être à son écoute, proposer des perspectives de formation à de nouvelles méthodes ou de nouvelles technologies : autant de postures qui fidélisent. » Sans oublier la QVT bien sûr. « Plus son environnement de travail est agréable, plus le candidat a du mal à se dire qu’il peut partir à la concurrence » conclut Fatine Dallet.