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Mieux vaut être débordé que désoeuvré au travail : un chercheur français révèle le bore-out-syndrom

PROFESSEUR DE COMPORTEMENT ORGANISATIONNEL À L’ICN BUSINESS SCHOOL, CHRISTIAN BOURION, A RÉVÉLÉ LE BORE-OUT SYNDROM. IL A DÉ- COUVERT QUE LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL EST D’ABORD LIÉE À L’ENNUI AU TRAVAIL. IL L’ÉVOQUE DÈS 2011 DANS UNE ÉTUDE COLLECTIVE PUBLIÉE DANS LA REVUE INTERNATIONALE DE PSYCHOLOGIE ET DE GESTION DES COMPORTEMENTS (RIPCO). LE SYNDROME EST RÉVÉLÉ AU GRAND PUBLIC EN 2015 VIA UNE MÉDIATISATION MONDIALE, ET LA PUBLICATION D’UN OUVRAGE QUI SOULÈVE UN PROBLÈME AUTANT SOCIÉTAL QUE POLITIQUE.

CHRISTIAN BOURION, PROFESSEUR DE COMPORTEMENT ORGANISATIONNEL À L’ICN BUSINESS SCHOOL © Sylvain Tendas
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CHERCHEUR EXPÉRIMENTÉ AVEC 40 OUVRAGES ET 60 ÉTUDES À VOTRE ACTIF, VOTRE DERNIÈRE DÉCOUVERTE A ÉTÉ UNE SURPRISE. COMMENT EST-ELLE ADVENUE ?

Elle est survenue par sérendipité, c’est-à-dire que le chercheur travaille sur un thème et découvre autre chose. Je m’intéressais au burnout, et découvre que les témoins évoquent fréquemment l’ennui comme source de souffrance. Je décide d’approfondir et trouve quelques références scientifiques étrangères évoquant 33 % de personnes se plaignant de gaspiller 2,9 heures par jour au travail ou encore le fait que les personnes qui s’ennuient ont 2,5 fois plus de risque d’avoir un accident cardiaque que les autres. Le mot bore-out a été inventé par un chercheur allemand.

QUEL TRAVAIL SCIENTIFIQUE RÉALISEZ-VOUS ?

Je confie un corpus à un logiciel fouilleur de données du CNRS, Alceste. Il en valide 75 % et fouille 220 millions de verbatim en francais, d’internautes parlant de leur souffrance au travail. En analysant les mots et les structures de langage, il classe les résultats en deux axes : les causes et les sympto^mes du syndrome.

« Le bore-out-syndrom désigne un ensemble de souffrances détruisant la personnalité sociale des salariés inactifs »

POURQUOI L’ENNUI PROVOQUE-T-IL UNE TELLE SOUFFRANCE ?

Les dernières études indiquent que 75 % des francais se réalisent au travers de leur travail. Jamais les gens n’ont autant voulu travailler ! Le bore-outé subit une situation paradoxale : il a un emploi mais pas assez de taches à réaliser ou elles sont inintéressantes. Il nourrit un sentiment d’imposture, de ne pas mériter son salaire. Il se sent tel un survivant et se dit : « J’ai la chance d’avoir un travail alors qu’il y a tant de chômeurs ». Or, les choix politiques de réduction du temps de travail et de surprotection ont engendré une inactivité institutionnalisée. Au-delàdu bore-out, c’est ce système destructeur que je dénonce. Car j’estime à 30 % les salariés souffrant de boreout contre 10 % de burn-out !

QUELS SONT LES COMPORTEMENTS DU BORE-OUTÉ ?

D’abord, la personne résiste àl’ennui en s’adaptant : elle réduit son temps de présence, essaye de faire le travail d’autres, s’invente de nouvelles taches, ralentit le rythme, discute, surfe sur le web. Elle développe un sentiment d’inutilité, est fatiguée, déprimée, se dévalorise, et cela peut aller jusqu’àla folie. De plus en étant inactif sur la durée, le salarié désapprend àtravailler. Certains arre^tés pour dépression, racontent qu’àleur retour leurs collègues les protègent, hésitent àleur confier du travail, réenclenchant le cercle vicieux de l’ennui.

A. D-F

[box] Eminent spécialiste de l’Amérique Latine, Serge Gruzinski, a reçu le Grand Prix International d’Histoire 2015

L’enseignant-chercheur du CNRS et de l’EHESS, qui intervient également à l’université de Princeton et au Brésil, a été distingué pour sa contribution significative au développement de la connaissance historique. Par son travail, il démontre aussi l’importance de comprendre d’autres cultures et religions. Il s’attache àpasser ce message aux plus jeunes dans un ouvrage publié chez Fayard « L’histoire pour quoi faire ? Comment intéresser les nouvelles générations à l’histoire ? ». [/box]

[box] Deux chercheuses françaises lauréates du Prix Leibniz 2016

Le Prix Gottfried Wilhelm Leibniz est décerné chaque année à10 scientifiques exercant Outre-Rhin. En 2016, elle a récompensé deux chercheuses francaises : la biologiste Emmanuelle Charpentier (génie génétique) et l’historienne Bénédicte Savoy (histoire de l’art moderne). Le prix est doté de 2,5 M€ pour développer de nouveaux travaux.[/box]