Sur les campus comme dans la vie professionnelle, les qualités humaines, en sus de la compétence, apparaissent de plus en plus comme un impératif. Par Jean-Claude Lewandowski
C’est un changement profond, progressif, et sans doute irréversible. Pour les étudiants et les jeunes diplômés, le savoir et la compétence professionnelle stricto sensu ne suffisent plus : ils doivent aussi disposer d’un large éventail de qualités humaines. Pêle-mêle, on citera l’aptitude à communiquer et le charisme, l’humilité et le respect, le sens de l’éthique, la responsabilité… Le constat vaut dans l’entreprise, mais aussi à l’entrée des écoles, où la sélection des candidats s’effectue pour partie – notamment à l’oral – sur ce critère. Pourquoi cette exigence nouvelle ? Trois facteurs ont joué. D’abord, la transformation du monde professionnel : on ne travaille plus en solo, avec une hiérarchie omniprésente, mais de plus en plus au sein d’une équipe, souvent pluridisciplinaire. La capacité à s’intégrer, à « jouer collectif », à communiquer, à faire preuve d’empathie, devient donc primordiale. En particulier dans les petites structures et les startups, si prisées des jeunes diplômés.
L’impact de la crise
Deuxième élément, l’évolution de la société dans son ensemble : les questions de protection de l’environnement, de développement durable, de responsabilité sociétale et d’éthique sont de plus en plus présentes. Logiquement, les jeunes managers et ingénieurs ne peuvent s’affranchir de ces sujets. Et surtout, la crise économique a accéléré cette mutation. Nombre d’observateurs ont pointé du doigt le rôle des grandes écoles dans les dérives et les excès. Résultat, nombre d’entre elles se sont remises en question. Elles ont mis l’accent sur l’éthique, la responsabilité personnelle, la quête de sens, le rejet des discriminations, le comportement… Sans pour autant sacrifier l’enseignement des disciplines fondamentales. A l’Essec, on insiste sur les « valeurs cardinales : l’humanisme, l’innovation, la responsabilité, l’excellence et la diversité », qui sont un traditionnel point fort de l’école. « Relier savoir-faire et savoir-être constitue une des caractéristiques majeures de notre projet éducatif », souligne de son côté Sylvain Orsat, directeur de l’Eigsi de La Rochelle. Un certain modèle de réussite, fondé sur l’argent roi et le culte du profit, apparaît ainsi dépassé.
Une éducation qui s’appuie sur la pratique
Cette évolution répond aussi à l’attente des étudiants et des jeunes diplômés : beaucoup ne veulent plus d’un univers « déshumanisé ». Ils ont besoin d’étudier et de travailler dans des organisations qui donnent du sens à leur action. Comment les écoles et les universités peuvent-elles transmettre et développer ces qualités ? D’abord dans les enseignements traditionnels, par des études de cas, des discussions, des mises en situation… Mais plus encore, en confrontant leurs élèves à « la vraie vie » : c’est le rôle des stages en entreprise, des missions de terrain, des rencontres avec des dirigeants, des activités associatives. Ce n’est pas un hasard si l’action humanitaire est de plus en plus développée – et valorisée – sur les campus. La culture générale, l’ouverture au monde vont dans le même sens. L’objectif est clair : former des diplômés non seulement efficaces et compétents, mais dotés en outre d’une vraie dimension humaine.