Depuis quelques années, les rapports de force entre consommateurs et entreprises ont considérablement évolué. Les consommateurs sont désormais plus conscients de leur pouvoir et sont à la recherche de relations d’un nouveau type, plus personnalisées et plus horizontales. Disposer d’un site internet et/ou d’une page sur Facebook ou Twitter est devenu un minimum indispensable. Les entreprises ne peuvent plus se contenter d’une communication publicitaire traditionnelle et doivent être attentives à leur (e-)réputation. Face à cette situation, une nouvelle fonction apparait dans les entreprises : le Community Manager (CM).
Une fonction, de multiples réalités
Si les postes de CM se multiplient, les activités exercées restent assez floues et diversifiées, preuve du faible degré d’institutionnalisation de ce poste dans les entreprises. Les responsabilités du CM varient d’une simple mise à jour de site web à l’animation de vastes communautés de consommateurs ainsi que le pilotage de l’e-réputation à l’aide d’outils d’analyse automatisés. Les entreprises de jeux vidéo ont été les premières à prendre conscience de l’importance, facilitent l’émergence de groupes de consommateurs. Les entreprises de grande consommation commencent toutefois à voir l’intérêt d’un CM à côté des traditionnels services de CRM.
Un rôle de coordination
Si les collectifs de consommateurs ont émergé dès le début du 20e siècle, c’est l’apparition des médias sociaux qui donne son essor à la prise en compte de ces groupes par les entreprises. Le CM joue un rôle majeur dans l’entretien de liens durables entre l’entreprise et ses consommateurs. De ce fait, le CM est appelé à voir son espace de responsabilités évoluer vers une plus large autonomie. L’amplification de pouvoir des consommateurs amène à reconsidérer les frontières des entreprises. Les salariés de l’entreprise ne sont pas ou plus les seuls à intervenir ; les consommateurs prennent une part croissante dans la formation de l’image des marques. Dans ces conditions, le CM doit devenir un réel coordinateur entre l’entreprise et les consommateurs. Ainsi, le CM peut prendre en charge les relations de la marque avec ses différentes parties prenantes et devenir un réel animateur des communautés de consommateurs.
La question du ROI
Toutefois, une question demeure lancinante : comment mesurer le retour sur investissement(ROI) des ressources accordées au CM ? S’il existe aujourd’hui quantité de solutions pour en évaluer lesmontants, il n’existe à ce jour pas de réel consensus sur les métriques à prendre en considération pour mesurer l’efficacité et la valeur ajoutée des actions du CM.Toutefois, il est facile de constater que lesressources à dédier à cette fonction ne sont pas considérables et peuvent malgrétout améliorer la compréhension des clients actuels ou potentiels. En outre, un CM peut être à même de participer de manière active à la veille consommateur et à l’anticipation de rumeurs potentielles. Pour ces raisons, les postes de CM devraient à l’avenir se développer et les responsabilités qui leur sont attribuées grandir. Au-delà du ROI, la question est aujourd’hui de savoir quels risques l’entreprise court lorsqu’elle ne gère pas ses relations avec les consommateurs. Dans cette perspective, le poste de CM ne doit pas être perçu (uniquement) comme générateur de coûts mais plutôt comme une protection contre les crises potentielles concernant la réputation de l’entreprise.
Au-delà du marketing management
Aujourd’hui, interactivité oblige, le CM doit aller au-delà de la vision marketing traditionnelle et ne pas considérer le marché comme fixe et immuable. Au contraire, il est nécessaire d’adopter une approche dynamique du marché qui prenne en considération la nécessité de gérer les communautés de consommateurs. Il reste un questionnement concernant la visibilité de ces postes en interne : il est indispensable que les actions du CM soient comprises et prises en compte par l’ensemble des salariés de l’entreprise.
Par Lionel Sitz
Professeur de marketing Marchés et Innovation EMLYON Business School