Le métier de Community Manager s’est imposé progressivement dans les priorités des recruteurs. L’ascension fut lente mais le développement exponentiel des stratégies digitales des marques lui a rendu ses lettres de noblesse. Un juste retour des choses lorsque l’on mesure les enjeux de ce métier à la lumière des grands bouleversements du marketing. Confrontés à la nécessité de revoir leur mode de création de valeur, les marketeurs font l’expérience des modes de collaboration initiés par les consommateurs qui peuvent prendre des formes communautaires. La consommation collaborative (co-voiturage, co-partage, etc.), facilitée par les supports et médias digitalisés, crée de plus en plus d’interactions avec les marques mais aussi entre les consommateurs. Le Community Manager entre alors en scène.
Du concept de communauté de marque au métier de « Community Manager »
La notion de communauté de marque bénéficie aujourd’hui d’une solide construction sur le plan conceptuel. Depuis les travaux fondateurs en marketing de Muniz et O’Guinn1, sans oublier les apports de la sociologie, cette notion n’a eu de cesse d’intéresser les chercheurs bien avant les praticiens du marketing. Lionel Sitz définit une communauté de marque comme « Un groupe électif pérenne de consommateurs partageant un système de valeurs, de normes et de représentations (i.e. une culture) et se reconnaissant des liens d’appartenance de chacun avec le tout communautaire sur la base d’un attachement commun à une marque particulière.»2. Ces communautés sont virtuelles dans la majorité des cas. Elles évoluent selon trois étapes clés3 : la création d’un espace communautaire dédié, la naissance d’une identité commune et, enfin, la construction d’une hiérarchie pour assurer la stabilité et la pérénité. La mission du Community Manager consiste à accompagner le développement de ces étapes au service de la marque que ce soit dans le cadre d’une agence de communication ou chez les annonceurs directement.
Du métier aux stratégies collaboratives des marques
Le métier de Community Manager s’est développé avant même que les marques n’aient complètement priorisé leurs efforts en matière de gestion des réseaux sociaux. La multiplication des communautés en ligne (site internet, facebook, etc.) a introduit l’urgence de collaborer avec elles. Or, ces communautés virtuelles sont apparues de différentes façons. Premièrement, les communautés qui relèvent de l’initiative de un ou plusieurs individus (Nikonians, Mac4ever, etc.) et qui, soit fonctionnent indépendamment de la marque, soit avec l’aide active de la marque (Mynutella). Deuxièmement, nombreuses sont les communautés qui sont crées de toute pièce par la marque (Monlookéa). Dans ces différents contextes communautaires, le Community Manager collabore véritablement avec les fans de la marque. Cette collaboration consiste à dialoguer, interagir, inviter (à des évènements de la marque), entretenir le lien, le développer et le faire durer.
Des stratégies digitales au développement des compétences professionnelles
L’accélération de la digitalisation des marques poussent les entreprises à recruter des profils de jeunes diplômés capablesde maîtriser à la fois les techniques et les stratégies de communication des marques. Or, force est de constater que trop peu de formations académiques sont capables de réunir ces atouts. C’est là tout l’enjeu des formations, notamment des écoles spécialisées en communication qui intègrent des profils d’étudiants plus atypiques et donc potentiellement en phase avec ce type de métier. Pour les étudiants qui intègrent un cursus généraliste de type grande école, le challenge consiste à sortir des sentiers battus. A titre d’exemple, dans le cadre du programme EDHEC Grande Ecole, dès la première année, les étudiants travaillent sur des problématiques réelles d’entreprises (Uniqlo par exemple) qui les initient aux stratégies digitales. Les connaissances sont ensuite approfondies tout au long de la scolarité. Enfin, l’expérience professionnelle à travers le stage dans ces métiers de la collaboration avec les consommateurs devient incontournable, notamment dans une perspective de carrière en marketing.
1 Muniz A. et O’Guinn T. (2001) « Brand Community », Journal of Consumer Research.
2 Sitz L. (2008) « Le monde des marques : l’exemple du monde Apple », Décisions Marketing.
3 Sitz L. et Amine A. (2007) « Emergence et structuration des communautés de marque en ligne », Décisions Marketing.
Par Sylvie Jean,
professeur de Marketing EDHEC Business School