Qui n’a pas rêvé d’avoir entre ses mains les clés du succès ? De savoir comment l’atteindre à coup sûre et le plus vite possible ? La finance, l’industrie, les sciences ont leurs propres voies, mais qu’en est-il de la mode ? Aujourd’hui, la mode est un art mêlant plusieurs domaines : la sensibilité et l’architecture, le stylisme et le marketing, la finance et le sens de la coupe. Qu’ils fassent rêver ou qu’ils laissent de marbre, nul ne conteste que les bénéfices de l’industrie du prêt-à-porter et de la haute couture se chiffrent par milliards.
LES FASHION WEEKS : UNE BUSINESS INTELLIGENCE ?
Près de 350 défilés, soit plus de 16 000 silhouettes – sans compter les accessoires – présentés aux acheteurs et aux médias pour une arrivée en magasin en septembre : après le prêt-à-porter homme et la couture en janvier, New York donne aujourd’hui le coup d’envoi des « fashion weeks » féminines, qui se succéderont jusqu’à début mars entre Londres, Milan et Paris. Un mois dont l’enjeu dépasse la longueur des robes et la couleur des imprimés : sur le seul secteur du luxe, le prêt-à-porter homme et femme aurait généré en 2013 un CA de 53 milliards d’euros auquel s’ajoutent les souliers pour 13 milliards et la maroquinerie pour 36 milliards, selon Bain & Company. Un pactole âprement disputé par les capitales de la mode, qui se livrent une bataille d’influence. Pour séduire les acheteurs, New York joue sur sa position de porte d’entrée du marché américain, avec des shows aux allures de superproduction hollywoodienne, ce qui attire des marques européennes avides de conquête de l’Ouest et d’exposition médiatique maximale. En appui, les grands magasins, le soutien médiatique de « Vogue » US et de sa rédactrice en chef, Anna Wintour, ou encore du Council of Fashion Designers of America (CFDA), présidé par des poids lourds de l’industrie comme Diane von Furstenberg.
Face à cette offensive, Londres mise sur un cocktail de tradition – forte de l’héritage de Savile Row, de l’excentricité british -, de création et de business : en cinq jours, la « fashion week » femme générerait 100 millions de livres (120 millions d’euros) de commandes selon le British Fashion Council, présidé par Natalie Massenet (fondatrice du site Neta- Porter) et forte du soutien institutionnel du 10 Downing Street, de la mairie de Londres et de Saint James Palace. L’industrie de la mode britannique générait 21 milliards d’euros en 2010.
Sans soutien politique, c’est sur le poids de ses empires familiaux, de leur puissance publicitaire et de la réputation du made in Italy que parie Milan. Demeure que, face à un calendrier s’étirant sans cesse, Anna Wintour décida il y a deux ans d’écourter son séjour dans la capitale lombarde. Une décision qui fut prise comme une déclaration de guerre. Et laissa Paris insensible : la capitale française clôt le calendrier et joue sur son aura créative – entérinée par des puissances étrangères comme Miuccia Prada et sur la force des grands groupes, dont LVMH. Clôturant ce « fashion month », le premier défilé de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton avait déjà été perçu comme l’événement mode de la saison, mais aussi la réponse de Paris à la « statue de la Liberté » et aux exigences d’un marché féminin pesant en France, en 2013, 30,5 milliards (hors accessoires) et reposant plus que jamais sur le désir d’achat face aux aléas de la conjoncture.
Cette industrie a des effets d’entraînement bénéfiques sur d’autres activités, comme le tourisme et le commerce de détail.
Enquête réalisée par Marga Lamoyne