Internet et les réseaux sociaux : un grand défi pour l’esprit critique

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Le poids des réseaux sociaux dans notre vie quotidienne rend particulièrement cruciale la capacité à distinguer le vrai du faux, les faits des opinions, l’info de l’intox.

 

En effet, nous pouvons être trompés à deux niveaux. D’une part, par des arguments fallacieux diffusés dans notre environnement numérique. D’autre part, par notre propre cerveau, qui élabore des croyances et interprétations erronées. De plus, les mécanismes d’internet démultiplient l’effet de nos propres biais cognitifs.

Bref, il est urgent de remobiliser notre capacité à l’esprit critique !

Hasards de l’agenda, l’écriture de cette tribune coïncide avec la mise en œuvre parallèle de deux innovations pédagogiques Soft Skills pour les étudiants du Pôle Léonard de Vinci :

  • La réalisation d’une semaine projet, en mode Hackathon, sur l’Hyperconnexion numérique : quelles solutions pour en limiter les risques ?
  • Le lancement d’un nouvel atelier de formation sur l’esprit critique, conçu avec les chercheurs en neurosciences de CogX et Chiasma.

Il s’avère que ces deux thèmes de l’Hyperconnexion numérique et de l’esprit critique sont intimement liés.

 

L’Hyperconnexion numérique : le combat inégal de l’information

Internet et les réseaux sociaux ont généré un grand maëlstrom informationnel, où toutes les sources se retrouvent au même niveau. Le journaliste Bruno Patino déplore cette confusion des informations. « La multiplicité des acteurs […] a fait naître de véritables guerres narratives, dans lesquelles il semble impossible de distinguer les combattants. Faits, opinions, erreurs, enquêtes rigoureuses, mensonges avérés, recensions honnêtes, témoignages, doutes, certitudes, canulars, analyses précises, calomnies, communiqués, engagements, tous s’affrontent en ligne sur un champ de bataille malaxé par les algorithmes » (la civilisation du poisson rouge, 2019).
Ce nouveau contexte d’une information surabondante et non filtrée, issue de sources très variées et largement diffusée par viralité, favorise le développement des fake news, ou « Infox ».

 

Le paradoxe de la crédulité informationnelle

Une fake news se propage 6 fois plus vite qu’un article fondé et prouvé. 70% des gens partagent un article en ayant seulement lu le titre. Le sociologue Gérald Bronner, spécialiste des croyances collectives, parle de « l’épidémie de crédulité », qui traverse les réseaux sociaux. La crédulité fait partie de la nature humaine, mais on aurait pu penser qu’elle allait reculer, avec l’élévation du niveau d’études et l’accès facilité à l’information scientifique. Au contraire, et c’est le paradoxe dont parle Bronner, la crédulité augmente : « Plus il y a d’informations disponibles dans le marché de l’information, et plus il est possible pour chacun d’entre nous d’aller chercher des informations qui vont dans le sens de nos croyances préalables. Il s’agit là de biais de confirmation. » (Gérald Bronner, Déchéance de rationalité, 2019)
Ces biais de confirmation nous montrent que notre cerveau n’est pas toujours équipé pour l’esprit critique.

La tentation des fake news : notre cerveau nous joue des tours

Les illusions et biais cognitifs
Notre cerveau doit faire face à 4 catégories de difficultés : trop d’informations, pas assez de sens, la nécessité d’agir rapidement, les limites de la mémoire. Chacune de ces situations génère des biais cognitifs spécifiques.
Ces mécanismes cérébraux représentent une grille de lecture, une vision cohérente du monde, des hypothèses simples qui vont nous aider à comprendre notre environnement et à nous y adapter.

Mais ces hypothèses peuvent être erronées, et notre perception de la réalité n’est pas forcément la réalité. Albert Moukheiber, chercheur en neurosciences cognitives et auteur de « Votre cerveau vous joue des tours » (2019), nous explique l’attirance pour les fake news :

  • D’une part, le cerveau a besoin d’explications, or les fake news ont l’avantage de représenter une explication très simple à des sujets qui sont souvent très complexes.
  • D’autre part, les êtres humains ont une appétence pour les réactions plus émotionnelles, or les fake news jouent sur les émotions, les peurs, les aprioris.

On peut rajouter que, le plus souvent, les fake news sont diffusées par des personnes de bonne foi, qui croient sincèrement à l’information qu’elles relaient, ce qui peut les rendre convaincantes. Les fausses informations, présentes sur les réseaux, trouvent un écho dans nos propres biais cognitifs, qui nous donnent envie d’y croire.

En synthèse : il faut entrainer son esprit critique !

Pour démêler le vrai du faux, il faut tout d’abord comprendre comment fonctionne le cerveau.

Comment se forment les opinions ? Quels sont les modes de raisonnement qui conduisent aux croyances ? Quels sont les différents biais cognitifs qui peuvent fausser son analyse de la réalité ? Il faut ensuite s’entrainer à pratiquer le doute envers ses propres croyances et interprétations. Les passer au crible de la méthode scientifique et chercher les preuves. Varier les sources d’informations, pour ne pas lire exclusivement que ce qui va dans son sens.
Il faut ensuite accepter la remise en cause, la flexibilité intellectuelle. Ecouter l’autre et ses arguments. Accepter de changer d’avis, si la preuve est apportée.
Et enfin, accepter aussi de ne pas avoir d’avis sur tout…

Eduquer l’esprit critique : quelques exemples

 Des chaines vidéo : Le doute méthodique et la vérification scientifique s’invitent sur Youtube. Voir par exemple : la chaine « Hygiène mentale », de Christophe Michel, et la chaine « La Tronche En Biais », animée par Thomas Durand et Vled Tapas

L’outil Décodex, créé par le Monde, pour vous aider à vérifier les informations qui circulent sur Internet et dénicher les rumeurs, exagérations ou déformations.

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l’auteur est : Laure Bertrand, Ph.D, Directrice des Soft Skills et Acticités Pédagogiques Transversales
Pôle Léonard de Vinci (EMLV, ESILV, IIM)

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