Vous connaissez sûrement Pôle Emploi, ENEDIS, Emerige ou encore Safran. Derrière le nom de toutes ces entreprises se cache l’agence NOMEN. Marcel Botton, Directeur Général délégué et fondateur, décrypte pour nous le processus de création des noms de marques.
Une marque doit-elle toujours avoir un sens ?
Les marques visent l’international et c’est toujours complexe de donner du sens dans tous les pays/langues visés. En revanche, nous prenons parfois une marque qui n’a pas de sens, comme une page blanche et nous lui donnons ce sens, comme Areva. Dis comme tel, la marque n’a pas de signification, mais cela ne l’a pas empêché d’exister. Nous retrouvons ce principe dans les nouvelles technologies et dans la création d’applications qui ont souvent besoin de mots courts, qui n’ont pas de sens particulier.
Quelle est la part de la prise en compte du subjectif dans la création d’un nom de marque ?
Il y a plus de subjectivité que de technique. Cette subjectivité se retrouve également chez notre client. C’est celui qui va porter le nom et il faut donc que celui-ci lui plaise. S’il n’y croit pas, il ne le défendra pas.
Notre entreprise possède une longue expérience de la marque. Nous avons créé 1 800 noms de marque et nous avons développé un savoir-faire qui relève de l’artisanat. Nous ne savons pas toujours quel nom va fonctionner ou non, mais nous avons des intuitions.
Les étapes clés de création d’une marque :
• S’imprégner de la culture du client et de l’environnement concurrentiel
• Trouver des propositions de noms
• Vérifier les noms avec un contrôle culturel et un contrôle juridique. Le contrôle culturel permet de s’assurer que le nom est acceptable dans de nombreuses langues et le contrôle juridique permet de voir la disponibilité du nom. Aujourd’hui, c’est un problème majeur. Il faut que le nom soit disponible dans tous les pays, car les marchés sont mondiaux.
• Il y a une étape facultative de test de réception du nom, mais nous ne l’effectuons que si nous avons pensé à plusieurs noms, ce qui n’arrive pas souvent.
• Créer l’identité visuelle. Nous ne le faisons pas avec toutes les marques, mais nous l’avons fait avec ENEDIS par exemple.
Combien de temps prend ce processus ?
Nous avons deux processus distincts :
• Le premier est le processus classique que je viens de décrire qui prend un à trois mois.
• Le second est différent, nous sommes les seuls à le mettre en œuvre. Il s’agit de PANORAMARK®. Les clients peuvent choisir directement le nom qui leur plaît dans un catalogue de 41 marques déposées et 300 noms de marques disponibles, mais non déposées. Nous proposons ce service pour les assurances, la finance et les banques et nous sommes en train de l’étendre à d’autres secteurs.
Vous avez travaillé avec des grandes écoles comme Yncréa, Skema Business School et Kedge Business School. Comment se déroule le processus de création pour ces institutions ?
Quand il s’agit d’écoles, nous ne sommes pas dans un produit de consommation grand public. Il faut donc avoir un impact sur le long terme et viser l’international. Pour Kedge, nous avons choisi un mot anglais, car c’est la langue mondiale. Kedge c’est une ancre légère.
Skema a une racine internationale et nous la retrouvons dans de nombreuses langues : l’afrikaans, l’espagnol, le chinois, l’anglais, le frison, le grec, le russe, le tchèque, etc. Skema est également une marque surdéterminée, elle a plusieurs explications possibles. Skema, skhêma, c’est le schéma, la forme. Il y a une notion de réalité. C’est également l’acronyme de School of Knowledge Economy and MAnagement.
Quelles sont les tendances actuelles ?
Aujourd’hui le référencement sur Internet devient un élément clé de la communication. Plus le mot que vous trouvez est improbable, mieux il sera référencé. Il y a donc une forte montée de la cote des lettres improbables, celles qui valent le plus de points au Scrabble ! Les nouvelles marques se servent ainsi des lettres peu utilisées comme le Z, K, ou X. Il faut aussi que le nom soit original et inattendu.
Avez-vous une anecdote sur un flop et une réussite ?
Le flop. J’avais trouvé On/Off pour un studio d’enregistrement qui se trouvait dans un immeuble d’habitation du 17e arrondissement dont l’entrée était protégée par un code. L’entreprise avait donc placé un bouton sur l’interphone avec inscrit « On/Off » et les gens appuyaient sans arrêt sur ce bouton, pensant qu’il débloquait la porte sans avoir besoin du code.
Le top. J’ai deux exemples :
• Skyteam [alliance entre KLM et Air France, NDLR] qui est une marque employée dans le monde entier.
• Vélib’, qui est une marque vraiment parisienne très simple issue de la combinaison de deux mots. C’est une marque concept, nous avons trouvé la clé de ce produit : la liberté. La marque a tout de suite été adoptée et n’a jamais été contestée. Aujourd’hui, même si le prestataire change, la marque reste. C’est un beau succès.
Un projet récent qui vous tient à cœur ?
Une des dernières marques dont je suis fier est U2P, l’union des entreprises de proximité. C’est le troisième syndicat patronal après le MEDEF et la CPME, et le plus important en nombre d’adhérents. C’est une marque qui est appelée à monter, à la fois simple et moderne et qui change des appellations classiques des syndicats.