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« Casser les codes du management c’est repenser la place de l’entreprise dans la société »

Alors que les entreprises de 20 salariés et plus sont soumises à une obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, le taux d’emploi moyen ne s’élève en France qu’à 3.8 %. Inclure le handicap dans l’entreprise serait donc aujourd’hui encore synonyme de casser les codes du management ? L’éclairage de Christian Grapin, directeur de TREMPLIN Études-Handicap-Entreprises.

 

Handicap et emploi, où en est-on ?

Si des progrès notables ont été réalisés, il reste du travail à faire ! 20 % des entreprises assujetties à cette l’obligation d’emploi ne comptent aucun salarié en situation de handicap et elles ne sont que 30 % à atteindre les 6 %. Un chiffre en hausse essentiellement en raison d’une augmentation des démarches de RQTH (Reconnaissance Qualité de Travailleur handicapé) des salariés déjà dans l’entreprise. Ce qui explique un taux de chômage des personnes handicapées toujours aussi important (20%) alors que le taux d’emploi augmente.

 Le handicap reste d’ailleurs une des principales sources de discrimination ?

Dans le rapport 2017 du Défenseur des Droits, le handicap détient un triste record. Il devient la première cause de saisine pour discrimination (22 %), loin devant celle liée aux origines (18 %), à l’âge (6 %), ou au sexe (4 %). Et c’est dans l’emploi que cette discrimination liée au handicap génère le plus de saisine (40 %). Les démarches mises en œuvre depuis plus de 30 ans par les entreprises doivent être revisitées. De nouveaux codes s’imposent et c’est aux leaders d’en être les porteurs.

Quelles solutions préconisez-vous ?

D’abord, de ne pas attendre que les « managers de demain » soient dans l’entreprise pour les sensibiliser à l’inclusion du handicap. Gérer la diversité en général, et le handicap en particulier, est une compétence qu’un futur manager doit acquérir pendant ses études et non après son entrée dans l’emploi. Il faut également casser l’image du travailleur handicapé qui n’est « que collaborateur » entretenue par le fait qu’ils ne sont que 8% à être cadre contre 18% pour l’ensemble des travailleurs. Pour briser cette tendance, il faut permettre à plus de jeunes en situation de handicap de devenir eux aussi des leaders new generation.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Alors que les niveaux de qualification demandés par les entreprises sont élevés, peu de personnes handicapées les atteignent. Pour preuve, 80 % des travailleurs handicapés ont un niveau inférieur ou égal au bac et seuls 4 000 étudiants handicapés sont en Master 1 et 2. Il faut donc ici aussi casser les codes : ceux du recrutement ! Attention, il ne s’agit pas de demander aux entreprises de dégrader leurs exigences mais de changer d’échelle de temps. Elles doivent rompre avec la dictature du court-termisme pour s’inscrire dans une dynamique moyen-termisme et passer d’une posture de « consommatrices de capital humain » à une posture de « formatrices de capital humain ».

L’entreprise doit donc devenir « éducative » ?

C’est en prenant le temps dès aujourd’hui d’accompagner au plus tôt les jeunes handicapés dans leur parcours, en les guidant vers les niveaux auxquels ils ne se – on ne les – dirigent pas naturellement que l’entreprise pourra demain ou après-demain les recruter. Ce n’est qu’à la condition d’être éducative que l’entreprise deviendra inclusive. Et seule l’entreprise inclusive aura un avenir. Mais ce changement ne peut se réaliser sans des managers new generation qui sauront non seulement repenser la place de l’entreprise dans la société mais aussi, pour y parvenir, leur propre rôle. Ils ne peuvent plus être que des acteurs de l’intérêt productif, ils doivent aussi être des contributeurs de l’intérêt collectif.

Votre conseil à un jeune en situation de handicap pour devenir un « leader new generation » ?

Se déterminer par rapport à son envie à le devenir, et non à son handicap. Ne pas s’autocensurer, ne pas renoncer par avance sur des a prioiri, des jugements, des conseils de tiers infondés ou non vérifiés. Se faire sa propre idée en se confrontant au terrain, en se mettant à l’épreuve, en appréciant sa capacité à y arriver. Se renseigner sur les formations possibles, envisager différents parcours, différentes passerelles. Enfin, avancer pas à pas, étape par étape, s’inscrire et se construire dans le temps pour aller au plus loin de son potentiel. Croire que tout est possible, tant que l’inverse n’est pas démontré.

 

« Seule l’entreprise inclusive aura un avenir »

 

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