Banque engagée, le Crédit Agricole contribue à façonner une économie durable. Eric Campos (DEA de prospective – 1989), directeur de l’engagement sociétal, et membre du Comex de Crédit Agricole SA nous explique les contours de cette stratégie.
La transition climatique s’impose à toutes les entreprises. Quel est le positionnement du Crédit Agricole sur ce sujet ?
Notre plan de transition s’appuie sur les deux leviers recommandés par la science du climat : remplacement des énergies fossiles par du renouvelable et sobriété énergétique. Il se structure en trois composantes :
La première est de concentrer nos moyens financiers sur le soutien aux énergies renouvelables. Déjà 1er financeur privé et 1er investisseur dans les Energies renouvelables en France, le Crédit Agricole y oriente fortement ses moyens financiers. Entre 1997 et 2023, nous aurons contribué à la construction, via la mise en place de financements, d’une puissance installée de 108,6 GW d’énergie renouvelable, soit, près de deux fois la capacité de production d’énergie renouvelable actuelle en France (62 GW) et à peu de choses près, 50% de la capacité de production d’énergie renouvelable que nous devrions installer en France d’ici 2050.
La deuxième composante, la plus ambitieuse, est celle d’accompagner tous nos clients, dans leur propre trajectoire de transition vers une économie durable, avec des solutions bas-carbone. Pour suivre notre contribution, nous avons élaboré des plans d’actions pour 10 grands secteurs de l’économie permettant de diminuer les émissions financées. Ces 10 secteurs représentent 60% de notre portefeuille de financement.
La troisième composante découle des deux premières, c’est la trajectoire de sortie du financement des énergies fossiles que nous suivons à la fois à travers nos financements et nos émissions financés (les émissions de CO2 de nos clients). Pour y parvenir nous disposons d’une politique sectorielle RSE, actualisée régulièrement selon les études scientifiques, qui fixe une diminution des émissions financées de -75% entre 2020 et 2030. Notre stratégie s’inscrit dans la ligne des préconisations de l’Agence internationale de l’énergie.
Le Crédit Agricole est pourtant controversé par certaines ONG sur sa politique climat. Que répondez-vous ?
L’important n’est pas de « verdir » le bilan de la banque mais de réduire la dépendance de la société aux énergies fossiles. La sagesse n’est pas de bâtir une stratégie fondée sur l’exclusion mais de disposer d’un plan de transition robuste qui permet d’accompagner les citoyens du plus modeste au plus fortuné. Il y a encore trop d’usages de ces énergies dans le monde, c’est vrai. Nous devons réussir à sortir de cette dépendance avec des alternatives. En France, 11 millions de logements sont chauffés au gaz et 3 millions au fuel. La Transition prend du temps et c’est l’acceptation sociale du changement qui donne le rythme. Les questions de l’atténuation et de l’adaptation climatique sont au cœur de notre stratégie : nous adaptons rapidement nos processus, nos systèmes d’information, nos compétences, nos offres et nous créons de nouveaux métiers car nous voulons être le leader de cette économie durable que nous appelons de nos vœux.
Adoptez-vous une attitude spécifique dans le cadre de vos études de financement en faveur des grands énergéticiens ?
Le Crédit Agricole conditionne ses financements aux plans de transition des énergéticiens qui s’engagent à transformer leurs business models et qui favorisent les énergies renouvelables. Certains sont très engagés, d’autres moins. Nous ne finançons pas ceux qui se consacrent exclusivement à l’exploration ou la production de pétrole et gaz. Cependant, nous pouvons avoir le sentiment qu’ils ne s’engagent pas assez vite. Notre rôle est donc de nous montrer plus exigeant pour accélérer la transition vers une économie durable. Nous avons récemment décidé d’exclure les financements dédiés à de nouveaux projets d’extraction de pétrole, de charbon ou de gaz, ou à toute infrastructure dédiée à ce type de projet.
Quels sont les premiers résultats de votre plan de transition climatique ?
Notre plan de transition climatique fonctionne et donne des résultats encourageants. En matière de désengagement des énergies fossiles, nous avons réduit de 40 % nos émissions financées entre 2020 et 2022 au lieu des -30 % prévus sur la période 2020-2030. C’est notamment, le résultat de l’approche sélective dans l’accompagnement des énergéticiens. Nous poursuivons dans cette voie et avons décidé de rehausser notre objectif de diminution des émissions financées sur nos émissions financées Pétrole & Gaz de -75%d’ici 2030. C’est deux fois plus vite que le scenario Net Zéro de l’IAE.
Un conseil aux jeunes diplômés qui voudraient rejoindre le secteur bancaire ?
Le secteur bancaire offre des trajectoires professionnelles passionnantes dans différentes branches (Marketing, conseil, Ressources humaines, etc..), dans les métiers traditionnels (BFI, Banque de détail, Assurances, Asset Management, etc.) mais aussi dans des nouveaux métiers (nous avons créée un métier de producteur d’énergie) et de géographies (nous sommes présents sur 4 Continents et dans 46 pays). Tous les métiers intègrent dorénavant les questions de durabilité. Il est donc indispensable de les intégrer lors des études. L’économie change et les expertises aussi. Au Crédit Agricole, nous y sommes très sensibles.
Antoine Rose, responsable Asie Sustainable Banking
Quelles sont vos missions au sein de la banque pour l’Asie-Pacifique et le Moyen-Orient ?
Je suis responsable pour cette région de l’activité de conseil en finance durable pour le Crédit Agricole CIB. Je conseille les clients de la banque sur leurs pratiques extra-financières et sur leurs critères ESG, qui sont des enjeux de plus en plus pris en compte dans la structuration et l’exécution de transactions financières. J’interviens à la fois en amont de la transaction, dans la phase d’origination, ainsi que dans son exécution. C’est une activité très complète !
Vous disposez d’ailleurs d’une grande expérience dans le domaine de la finance durable.
Je suis biologiste de formation et je me suis spécialisé en écologie lors de mon parcours au sein des Ecoles Normales Supérieures de Lyon et de Paris. Ce parcours de formation par la recherche m’a fait prendre conscience du poids déterminant des sciences économiques dans les processus de décision en lien avec la préservation des ressources naturelles et des écosystèmes. Désireux de rejoindre l’action au sein du secteur privé, mon intérêt s’est porté sur le secteur bancaire qui devait alors se transformer et prendre en compte les problématiques de plus long terme telles que le changement climatique.
Pourquoi avoir choisi de traiter ces sujets au sein du Crédit Agricole en particulier ?
Ma thèse de doctorat en économie de l’environnement portait sur la définition du risque carbone et sa quantification dans le contexte d’une banque de financement et d’investissement comme le Crédit Agricole CIB. S’intéresser et investir ces thématiques dans les années 2010 était assez avant-gardiste. Par la suite, j’ai naturellement rejoint l’équipe de conseil en finance durable du Crédit Agricole CIB à Paris. Elle portait cette même vision stratégique que les enjeux environnementaux et sociaux étaient de nature à changer les conditions d’accès aux financements des clients de la banque. Je suis toujours dans cette même équipe, mais à Hong Kong depuis trois ans.
Tania Sollogoub, responsable pays émergents et risques géopolitiques
Vous êtes économiste et romancière, un profil plutôt inhabituel pour le secteur de la banque !
Les banques sont des acteurs du changement et elles sont donc plus ouvertes qu’avant aux profils atypiques. La littérature est d’ailleurs en première ligne pour observer le changement des préférences et des émotions. Au fond, j’ai toujours eu la sensation qu’économie et littérature parlaient de la même chose sans le savoir et j’ai la même urgence de comprendre le monde en écrivant ou en étudiant un pays. C’est pour cela que j’ai voulu mener de concert l’écriture avec mes recherches en économie et en sciences politiques, ce que m’a permis la Direction des Etudes Economiques du Crédit Agricole. J’étais intéressée à la fois par la structure et l’identité de ce groupe, large à l’international et néanmoins ancré dans les territoires, avec une gouvernance mutualiste qui m’attirait.
Quel est votre rôle au sein du Crédit Agricole ?
En tant que responsable de la géopolitique et de l’analyse des pays émergents, je réalise des études, des prévisions et des scénarios pour tout le groupe. Là encore, sur les questions géopolitiques, la littérature a aidé, car il s’agit de comprendre en profondeur le cycle historique dans lequel nous sommes et dans lequel les questions politiques ont pris la main. Mon rôle est aussi de pousser des thèmes sociétaux autour desquels l’économie et la finance doivent se rebâtir. Nous sommes un moment important d’entre-deux, en termes de vision du monde, et à mon avis, la bataille pour le changement de façon de penser se fait à la fois à l’extérieur des entreprises, mais aussi à l’intérieur.
Ce suivi de la géopolitique est-il une nouvelle fonction dans la banque ?
Absolument. Et la Direction des Etudes du Crédit Agricole a été très précurseur en la matière, en créant ce poste, à part entière. C’est une façon d’acter le changement du monde, y compris en termes de ressources humaines, exactement comme c’est le cas pour les questions environnementales. Des fonctions comme l’économie, la stratégie ou le contrôle des risques doivent toutes s’élargir à ces grandes questions systémiques;