« L’objectif ultime est de faire en sorte que l’ISAE SUPAERO continue à nourrir l’Aérospatiale européenne afin qu’elle redevienne la première industrie aéronautique du monde. »
Olivier LESBRE Directeur général de l’ISAE
Le secteur de l’industrie aéronautique française est l’un des plus prestigieux du monde. Cela demande-t-il de maintenir le niveau des enseignements dispensés au sein de l’Institut à un degré d’excellence particulier ?
L’avion constitue le moyen de transport le plus sûr qui existe alors qu’il est le plus complexe à fabriquer et à faire fonctionner en sécurité. Ce niveau d’excellence, consubstantiel à l’ensemble du secteur aérospatial, est la première exigence à laquelle doivent répondre nos formations d’ingénieur. Il existe un lien très fort entre la qualité des ingénieurs que nous formons et la performance de l’industrie aéronautique française et européenne qui se situe au top niveau mondial. Nos ingénieurs se distinguent par leur capacité à conduire des projets complexes à forts enjeux qui caractérisent le secteur aérospatial. Cette capacité à maîtriser des systèmes complexes est également recherchée dans bien d’autres domaines que l’aéronautique. Notrechallenge consiste à assurer en permanence l’adéquation de nos cursus aux besoins de l’industrie dans un monde qui se transforme. Nous disposons d’une relation partenariale très forte avec les industriels, qui a été notamment précieuse pour définir le nouveau cursus ingénieur que nous allons mettre en œuvre à la rentrée 2015.
On considère souvent que les ingénieurs détiennent un savoir principalement axé sur la science et la technologie. Que faites-vous pour améliorer l’ouverture au monde et à la culture de vos étudiants ?
La fonction d’ingénieur va bien au-delà de la maîtrise d’une technologie car il a vocation à devenir chef de projet et manager d’équipes internationales. Nous avons adapté toutes nos formations à cette exigence. Notre tronc commun, beaucoup plus complet que dans la plupart des autres écoles d’ingénieurs, comprend trois piliers : la compétence scientifique ; l’ingénierie et l’entreprenariat ; les sciences humaines. Nous nous attachons à ce que les ingénieurs acquièrent des compétences de manager et d’honnête homme au sein de notre société conjointement à leurs compétences scientifiques. C’est par exemple une équipe de l’ISAE SUPAERO qui a remporté l’an dernier le concours national de joute verbale en anglais face à Science Po. Cette polyvalence sera nécessaire à nos ingénieurs pour évoluer dans leur carrière. Nous espérons aussi qu’elle leur permettra de participer utilement à la vie de la cité, où la voix des scientifiques doit mieux se faire entendre si nous voulons rester à la pointe du progrès.
La nouvelle formation ingénieur ISAE SUPAERO verra le jour en septembre 2015. Quelles seront les principales évolutions intégrées dans ce cursus ?
L’organisation du nouveau cursus vise à répondre aux besoins des employeurs qui veulent des ingénieurs aptes à gérer la complexité technique et managériale tout en évoluant dans un environnement instable. Le conseil industrie de l’Institut nous permet de discuter avec les professionnels du secteur afin de prévoir ses évolutions futures, ce qui nous a conduits à adapter l’ensemble de nos formations. Nous mettons ainsi l’accent sur la pédagogie par projet qui impacte l’ensemble du cursus ingénieur. Nous allons offrir aux étudiants un plus grand éventail de choix, qu’il s’agisse d’approfondissement d’une discipline scientifique ou de maîtrise d’un domaine d’application. Des parcours renforcés sont proposés dans les domaines de la recherche, de l’international ou de l’entreprenariat, avec plusieurs possibilités de doubles diplômes. Nos ingénieurs seront donc les acteurs de leur propre formation et auront à l’issue des profils plus variés, ce qui correspond au souhait des industriels.
Avoir une expérience à l’international est aujourd’hui une obligation pour des élèves ingénieurs. Comment favorisez-vous l’acquisition de cette expérience au sein de vos formations ?
Si chacun de nos diplômés doit avoir passé au moins deux mois à l’étranger, en pratique, la plupart d’entre eux y séjournent un semestre. Il peut s’agir d’un stage de recherche ou de fin d’études, d’un double-diplôme, d’une année de césure ou d’une substitution de certains cours. Cette ouverture internationale est aussi visible sur notre campus qui compte 30 % d’étudiants étrangers. Nos formations de Master sont délivrées en anglais. Nous avons conclu des partenariats avec un très grand nombre d’établissements, notamment avec les plus prestigieuses universités américaines (Berkeley, Caltech, Stanford, MIT…) ainsi qu’avec les acteurs européens reconnus de l’aéronautique (Munich Stockholm…), ce qui nous positionne au meilleur niveau mondial.
La problématique environnementale est une des préoccupations importantes des constructeurs aéronautiques. Comment intégrez-vous cette problématique dans vos enseignements ?
Les problématiques environnementales sont très présentes dans notre école, tout simplement parce qu’elles sont au cœur des travaux de recherche-développement que mène le secteur aéronautique depuis vingt ans. Des investissements technologiques considérables ont été réalisés pour réduire la consommation de carburant, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution sonore, pour créer de nouveaux matériaux structuraux ou encore pour la mise au point de drones. L’amélioration de l’empreinte environnementale du transport aérien se situe au cœur de notre recherche et de nos formations. Paradoxalement, l’aéronautique qui ne représente que 2 % de la consommation énergétique mondiale, est en avance sur les autres industries car elle a depuis longtemps intégré la réduction de l’empreinte environnementale dans tous ses processus de conception et de fabrication. Nous sommes également partenaire du projet E- Fan qui porte sur la création d’un avion électrique utilisée pour la formation des pilotes.
Les différents postes que vous avez occupés au sein de la direction générale de l’Armement et les expériences que vous avez acquises sont-ils un atout pour diriger ISAE SUPAERO ?
Associer les compétences et les expériences constitue un gage de réussite collective, et cela s’applique aussi à la direction d’une grande école. J’ai accompli toute ma carrière dans le domaine aéronautique. J’apporte ainsi à l’ISAE ma connaissance du secteur mais aussi celle des problématiques et des méthodes industrielles que j’ai acquises, à l’international, et comme directeur d’établissements techniques. Cela vient compléter les fortes compétences en matière d’enseignement et de recherche naturellement présentes sur le campus. Cette formule est en place à l’ISAE depuis longtemps, et a conduit au succès : l’ISAE SUPAERO forme chaque année près de 700 ingénieurs, titulaires de Masters et docteurs, soit, pour le domaine aérospatial, plus du quart des diplômés européens à ce niveau de compétence. L’ISAE est clairement un leader mondial dans son domaine.
Vous avez été nommé directeur général de l’ISAE SUPAERO en septembre 2014. Quelles sont vos priorités pour le développement de l’Institut au cours des trois prochaines années ?
Je souhaite que nous restions la référence dans la formation d’ingénieurs afin que l’industrie aérospatiale européenne reste en tête, dans un contexte de compétition mondiale à évolution rapide. Nous sommes en train de finaliser le regroupement géographique de toutes nos formations sur un seul campus, en investissant plus de 100 millions d’euros et en rénovant laboratoires et résidences. L’ensemble sera prêt pour accueillir dans d’excellentes conditions notre nouveau cursus ingénieur à la rentrée de septembre 2015, ce qui va constituer une étape marquante pour notre Institut. Parallèlement, nous continuons à développer nos formations de Master qui s’adressent à un public international et nos activités de recherche, en créant de nouvelles chaires en partenariat avec l’industrie et en investissant dans de nouveaux moyens comme notre future soufflerie aéro-acoustique.
Patrick Simon