Chaque année, au début de la nouvelle saison végétale, l’Inde devient un mélange de couleur mais surtout un mélange de vie : le festival de la couleur est une fête ancestrale où tous les indiens issus de toutes les classes sociales, hindouistes ou non, se retrouvent dans la rue pour s’adonner à un jeu très particulier. Lumière sur la couleur : Sur le côté gauche j’aperçois un jaillissement d’eau d’un bleu turquoise, vers la droite c’est une explosion flamboyante de vert qui interpelle mon attention. Dans le ciel, une fine pluie de couleur pourpre embrasse l’agitation au sein du tableau. Une jeune fille barbouillée d’un arc en ciel me projette un jet d’eau rosée en esquissant un sourire. Mille couleurs attisent mon regard, éveillent mes sens et suscitent ma curiosité pour cette éblouissante peinture de la vie indienne. Nous sommes au début du mois d’avril, la chaleur commence à se faire sentir, je ne suis pourtant pas dans une exposition d’art contemporain parisienne mais sur la place du marché de Mathura dans l’état Uttar Pradesh en Inde. C’est au cours d’une bataille très colorée que les indiens célèbrent la venue du printemps, synonyme de renouveau, d’énergie et de renaissance des couleurs de la terre. Ainsi chaque année, à la nouvelle lune de l’équinoxe du printemps, la vaste terre indienne devient le terrain de jeu des petits mais aussi des grands. Une bataille bien heureusement inoffensive, propice à l’harmonie.
C’est pourquoi, le festival de la couleur est le moment idéal pour régler ses conflits dans la bonne humeur. Les castes inférieures profitent des festivités pour asperger les castes supérieures d’un vert pomme en signe d’osmose. Pour l’espace de quelques heures, les inégalités s’effacent et laissent le champ libre aux preuves d’amour à la famille et aux amis mais aussi aux pardons envers les ennemis. Une fois que le vêtement, initialement blanc, de son « adversaire » a été enluminé, il est de coutume de lui souhaiter « Happy Holi, Bura na mano, Holî hai » (Ne sois pas fâché, c’est la fête d’Holî ).
La fête d’Holî est une coutume ancienne décrite par les premiers travaux religieux de Jaimini Puivamimamsa-Sutras et Kathala-Gryha- Sutras. A ses débuts, elle consistait en un rite effectué par les femmes mariées pour remercier du bonheur et de la bonne santé de leurs familles. Elle a depuis beaucoup évolué pour devenir de nos jours, une tradition nationale à caractère social et culturel : les enfants, les femmes et les hommes sont tous réunis sans distinction de castes ni de religions dans une Inde devenue multiculturelle. En effet, les sikhs, les musulmans, les catholiques etc. se joignent aux indous lors de la célébration de cet évènement au cours duquel ils prennent plaisirs à s’arroser de poudres pigmentées. La veille ils ont célébré la victoire du bien sur le mal autour d’un feu de joie.
Afin de mieux connaître la genèse de cette tradition, il faut s’attarder un moment sur une péripétie de la mythologie Indou. Krishna, dieu à la peau sombre, enviait la blancheur de Radha, son amante. Ne supportant plus cette injustice, il lui couvrit le visage de pigments colorés en guise de vengeance. L’attachement à cette tradition est d’autant plus important que ces pigments et couleurs ont une très forte valeur symbolique dans la culture indienne. Ils symbolisent les émotions de la vie quotidienne. Effectivement, les visages et les corps s’harmonisent avec les couleurs : rouge, symbole de la joie ; bleu, signe de vitalité ; orange, en faveur de l’optimisme ou bien encore vert pour l’harmonie des humeurs. Les pigments en eux-mêmes proviennent de plantes séchées et sont donc très appréciés par leur douceur. Certains pensent encore qu’ils ont la vertu mystique d’embellir et de soigner le corps.
A la fin des deux jours de fêtes les femmes indiennes commencent à nettoyer leurs maisons, en commençant par nettoyer les traces de peintures : c’est le début du ménage de printemps.
Wuillaume Dalle (X2011)