Christian Margaria de la DILCRA et Bruce Roch, président de l'AFMD, intervenants du débat sur la diversité du Challenge du « Monde des grandes écoles et universités » 2013
Christian Margaria de la DILCRA et Bruce Roch, président de l'AFMD, intervenants du débat sur la diversité du Challenge du « Monde des grandes écoles et universités » 2013
La diversité est désormais affichée comme au cœur des politiques RH des entreprises et de recrutement des établissements d’enseignement supérieur. Avec un objectif : s’appuyer sur la richesse de la diversité des points de vue, origines, background académiques et culturels, comme levier de performance économique et sociétale. Pour autant, la discrimination persiste dans notre société. Comment s’installent les stéréotypes racistes et antisémites ? Quelles sont les clés pour lutter et recruter par compétences ? C’est à ces questions en forme de remise à plat mais aussi face à une réalité parfois dérangeante, qu’ont échangé Christian Margaria et Bruce Roche au cours d’un débat réflexions du Challenge du « Monde des grandes écoles et universités » le 1er juin dernier.
« La diversité peut se révéler source de discriminations dans le monde du travail », explique Christian Margaria, conseiller spécial formation et enseignement supérieur à la DICRA (délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme). Le patronyme, une apparence physique indiquant l’origine ethnique, les habitudes de vie ou la religion, peuvent entraîner des discriminations à l’embauche ou sur le lieu de travail. L’objectif de la DILCRA est d’œuvrer sur le terrain de la prévention et de s’attaquer à la formation de stéréotypes par l’éducation.
Les stéréotypes de forment dès l’enfance
« C’est pourquoi notre comité interministériel de février a insisté sur la nécessité d’agir auprès des futurs citoyens. » Ces actions précoces et préventives sont indispensables et prioritaires pour lutter durablement contre le racisme. Elles se déploient à l’école, dans le secondaire et aussi auprès des étudiants, en tant que futurs cadres de la nation et de l’entreprise. « L’altérité, le respect de l’autre, le vivre ensemble, la richesse des différences se construisent dès le plus jeune âge » poursuit Christian Margaria.
Une discrimination intégrée par les personnes discriminées elles-mêmes !
Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut prioritairement agir à l’articulation entre le collège et le lycée, puis entre le lycée et le supérieur. « C’est aux moments des choix d’orientation que se focalisent les phénomènes d’autocensure, pour les jeunes handicapés, d’origine modeste ou défavorisée, des filles pour les filières ingénieurs, précise Christian Margaria. Cette auto-censure est aussi un facteur de discrimination, car elle est suscitée par l’entourage, la société et fondée sur des préjugés : une jeune fille issue d’un quartier relevant de la politique de la ville ne fait pas d’études de mécanique ! Un jeune handicapé ne peut pas espérer être directeur marketing d’un grand groupe ! »
Agir dans l’entreprise et auprès des futurs managers
Les employeurs doivent aussi être attentifs à ce que ne se créent pas de discriminations. C’est pour les conseiller et leur donner les outils de telles politiques qu’a été créée l’AFMD (Association française des managers de la diversité) en 2007. « Nos membres travaillent à coproduire des outils de management de la diversité accompagnés par des académiques, explique Bruce Roch, son président. Notre objectif est d’essaimer le plus largement possible vers des cibles diverses : du groupe à la PME en passant par les établissements de formation et de recherche, auprès de futurs managers pour leur éviter de commettre des erreurs identifiées. » L’AFMD travaille sur toutes les diversités : de genre, d’âge, liée au handicap, à l’orientation sexuelle, au fait religieux, à l’origine ethnique et sociale.
De l’incitation à l’obligation
La question de la diversité a été amenée par une directive européenne de 2000, transposée dans la loi française en 2001. La Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) a été créée quelques semaines après la Charte de la diversité en 2004. La diversité a d’abord été abordée sur un mode incitatif pour les entreprises. « En insistant sur le soutien managérial, le dialogue syndical, les mesures de progrès, rétablissant beaucoup de bon sens ! commente Bruce Roch. Signée par près de 3 500 entreprises aujourd’hui, la Charte est un levier de sensibilisation. » L’obligation de reporting est apparue avec le Label diversité créé en 2008. Il a été décerné à 380 entreprises par l’Etat et est opéré par l’Afnor. « Avoir le Label veut dire que l’entreprise a fait entrer dans chacun de ses processus l’engagement de lutte et de prévention des discriminations. Il est structurant, on n’est pas dans le discours d’affichage, mais bien la mise en œuvre d’une politique. Ce qui ne veut pas dire que l’on puisse neutraliser ce risque dans toute l’organisation. » Le Label a aussi pour effet positif d’avoir libéré la parole des collaborateurs.
Race et racisme
L’Assemblée Nationale a supprimé le mot « race » de la loi en avril dernier. Selon le rapport de la commission des lois, le nom commun « race » et l’adjectif « racial » apparaissent 59 fois dans la législation française. Christian Margaria a tenu à rappeler que le terme « race » est « la base des idéologies racistes et dénué de toute valeur scientifique depuis qu’il a été prouvé que les génomes de deux humains différents sont identiques à plus de 99 % et que la distance biologique entre des personnes d’un même groupe peut être plus grande que la distance entre les moyennes de groupes différents ! » Ce sont les croyances erronées de certains qui conduisent à des comportements racistes. C’est pour cela que l’on supprime le terme « race » de la loi mais pas le comportement raciste du droit pénal.
19 critères de discrimination prohibés par la loi
La discrimination est établie selon 19 critères au sens du droit. « L’appropriation de ce qu’est la discrimination doit ainsi être intelligible pour tous, souligne Bruce Roch. Il ne s’agit pas d’adresser des minorités mais bien toutes les composantes de la diversité. » La subtilité des termes est importante dès lors que l’on parle d’égalité des chances ou de lutte contre les discriminations. Or, la diversité à l’inverse de la discrimination, n’a pas de valeur légale. Les portes se ferment parfois pour des raisons cumulatives, « par exemple être une femme de couleur et assumer publiquement sa religion » illustre Bruce Roch. Ce qui fait la saveur et l’identité des individus, leurs différences, doit ainsi être pris en compte dans le management des entreprises, de leurs collaborateurs et dans leurs équipes. L’AFMD a créé avec le Centre des jeunes dirigeants un module de e-learning sur le management de la diversité. « Pour parler de diversité aux entreprises, il faut user du langage économique, de rentabilité, celui qui correspond aux objectifs et à la raison d’être des entreprises » précise Bruce Roch.
Compétence et performance
« Si l’on réussit à aller chercher les compétences indépendamment des motifs de discrimination, alors la diversité est facteur de performance ! » souligne Christian Margaria. Des études montrent que l’intelligence d’un collectif n’est pas liée à l’addition de l’intelligence des individus le composant, mais à la qualité des échanges entre membres de ce groupe. » Or, la diversité permet de mieux communiquer, de faire émerger des idées et solutions en mariant des points de vue différents. « L’entreprise doit globalement être solidaire et refuser la discrimination, ajoute Bruce Roch. Il faut savoir résister et faire accepter des profils auquel le recruteur n’aurait pas pensé, pour faire changer les représentations et casser les stéréotypes. » Au cœur de toute action prime le dialogue managérial, l’éducation et la sensibilisation qui préviennent une bonne partie des discriminations.
Les intervenants
Christian Margaria est conseiller spécial formation et enseignement supérieur du Délégué Interministériel à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme, Régis Guyot. Il travaille et agit sur le thème de diversité et de la lutte contre toutes les formes de discriminations depuis des années. Il a notamment initié une politique volontariste en la matière lorsqu’il était président de la CGE entre 2003 et 2009. De 2009 et 2012, il a été conseiller spécial pour l’enseignement supérieur auprès du Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances.
Président de l’AFMD (Association française des managers de la diversité) depuis 2011, Bruce Roch est directeur de la responsabilité sociale et environnementale d’Adecco Groupe France. Créée en 2007, l’AFMD réunit des directeurs et responsables de la diversité d’entreprises et organisations. Son objectif est, par le partage des bonnes pratiques managériales, la diffusion d’outils du management de la diversité. L’AFMD a 110 membres entreprises, universités, grandes écoles et administrations. www.afmd.fr
Les 19 critères de discrimination définis par la loi Age Apparence physique :
Appartenance ou non à une ethnie, à une nation, à une race, à une religion déterminée / Etat de santé / Identité et orientation sexuelles / Grossesse / Situation de famille / Handicap / Patronyme / Sexe / Activités syndicales / Caractéristiques génétiques / Mœurs / Opinions politiques / Origine / www.defenseurdesdroits.fr
Deux questions de la salle
– Si la discrimination à l’embauche n’est pas clairement formulée ou apparente, comme la contrôler ou l’établir ? Bruce Roch : « Sur un recrutement, il est difficile de dire si les candidats ont été écartés car ils étaient une femme ou pour leur origine. C’est la récurrence de discriminations, observées pour plusieurs recrutements qui nous permet d’agir. Nos interlocuteurs ne se disent pas ouvertement être machistes, homophobes ou racistes ! Ils savent qu’ils s’exposent sanctions légales. Cela rend les choses beaucoup plus feutrées qu’il y a quelques années. C’est donc par le dialogue et la sensibilisation que l’on peut faire évoluer les choses. »
– Comment prévenir la discrimination ? Christian Margaria : « Le travail doit commencer auprès des enfants, en leur montrant l’intérêt qu’il y a à se mélanger, à travailler ensemble, car chacun apporte ses compétences. Quand dans 25 ans ils seront en entreprise, naturellement les choses devraient mieux se passer. Stéréotypes et préjugés, c’est trop souvent tous concernés, aucun coupable ! Or, nous avons tous des préjugés et des stéréotypes. Le problème n’est pas de déconstruire nos préjugés, on n’y arrive pas, mais d’en prendre conscience et de savoir prendre des décisions qui sont le plus indépendantes possible de ces préjugés. Et aussi d’éviter de tomber dans le travers inverse, paternaliste. »
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