Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes : Une ministre en première ligne

LES ENJEUX DE LA REPRESENTATIVITE DES FEMMES EN ENTREPRISE

 

Qui, mieux que Najat Vallaud-Belkacem, diplômée de l’Institut d’Etudes politiques de Paris, occupant les fonctions de ministre des Droits des femmes et de porte-parole du Gouvernement, pourrait nous parler des enjeux de la parité ?

Quels sont les enjeux du comité interministériel droits des femmes qui se réunira début novembre ?
Ce comité interministériel qui a vocation à définir les axes d’une politique en faveur de l’égalité entre les sexes n’avait pas été réuni depuis 12 ans. Quelle perte de temps quand on voit le chemin à parcourir… Beaucoup de chantiers sont restés en friche ces dernières années. Le Gouvernement a décidé de refaire des droits des femmes etde l’égalité une priorité politique. Mon ministère prépare ce comité depuis plusieursmois. Durant tout le mois de septembre  des « conférences de l’égalité » nous ont permis de recevoir chacun des autres ministères pour passer en revue leurs politiques publiques et définir avec eux des axes d’amélioration en faveur des droits des femmes. Ce travail préparatoire nous permettra de présenter un plan d’action ambitieux en matière d’égalité professionnelle, de lutte contre les stéréotypes, de lutte contre les violences ou encore d’accès des femmes à la santé… les mesures seront arbitrées par le Premier ministre et il reviendra à chaque administration de les mettre en oeuvre.

 

Comment lutter contre les stéréotypes sexistes au sein de l’entreprise ?
Les stéréotypes sont partout : dans l’entreprise, dans les familles, dans les médias… or en assignant aux hommes et aux femmes des rôles très spécifiques, ils expliquent pour une large part les inégalités entre les sexes qu’ils contribuent à justifier. Lutter contre ces stéréotypes, les déconstruire, c’est pour moi un axe essentiel de ma politique en faveur de l’égalité. Il faut s’y attaquer le plus tôt possible, dès la classe de maternelle pour qu’on apprenne l’égalité véritable aux enfants mais aussi pour qu’on les traite réellement de la même façon qu’ils soient fille ou garçon, en développant chez eux les mêmes compétences et les mêmes réflexes et pas seulement ceux qu’on croit « de bon ton » pour une fille ou pour un garçon. Cela sera profitable à tous. encore trop différenciées selon les sexes. C’est en offrant aux filles les mêmes perspectives professionnelles qu’aux garçons qu’on pourra avancer vers une véritable égalité salariale et des opportunités de carrière équivalentes plus tard dans l’entreprise.

 

Quelle est l’importance de la campagne de communication lancée contre le harcèlement sexuel cet automne ?
Cette campagne est la suite logique de l’adoption de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel qui a été notre première grande loi. Ce fut un signal très fort envoyé à la société que ce texte voté à l’unanimité : nous n’accepterons plus aucune violence sexiste. Le texte est plus précis que par le passé dans la définition du délit, plus protecteur aussi pour les victimes ncomme pour ceux qui dénoncent de tels faits. Les débats qui ont eu lieu au moment du vote de la loi ont montré toute l’importance de la sensibilisation de la population sur ces actes qui ont trop longtemps été minimisés et donc tolérés. Ces actes n’ont pas été pris pour ce qu’ils étaient : des violences faites aux femmes, traumatisantes pour les victimes, préjudiciables à tous, mais aussi incompatibles avec le projet de société que nous voulons, une société de l’égalité fondée sur le respect de l’autre. Cette campagne de communication grand public qui sera lancée en novembre vise à faire connaître la loi, les messages qu’elle porte et à permettre une prise de conscience dans l’ensemble de la société. Le Gouvernement est pleinement engagé sur cette lutte contre le harcèlement sexuel et l’ensemble des violences faites aux femmes

 

Comment améliorer l’évolution des carrières des femmes, toujours plus complexe et lente que celle des hommes, au sein de l’entreprise ?
D’abord il faut que les femmes cessent d’être tenues coupables en quelque sorte de leurs congés maternité. Il est insupportable que la réalité ou la crainte de ces derniers leur interdise les promotions et les autres responsabilités comme c’est trop souvent le cas. Lorsque les hommes prendront eux aussi leurs congés paternité, cette forme d' »absence » cessera d’être discriminante pour les femmes, nous y travaillons. Par ailleurs il faut interroger notre tendance au « présentéisme » et aux réunions tardives dont on sait qu’ils desservent les mères de famille parce qu’aujourd’hui encore les « tâches domestiques » sont inégalement réparties…
Enfin il est important que les femmes soient présentes au sommet des entreprises à la fois pour servir de modèle aux autres mais aussi pour impulser des dynamiques positives en la matière. J’ai réuni plusieurs grandes entreprises à la fin du mois d’août et nous travaillons ensemble à la place des femmes dans les COMEX (Comités Exécutifs)et les comités de direction. Les COMEX m’intéressent en tant que tels, ce sont des lieux de pouvoir dont les femmes ne doivent pas être absentes. Mais travailler sur les COMEX et les comités de direction a en fait un impact sur toute la politique de l’égalité professionnelle et notamment des carrières.

 

Les grandes écoles qui accueillent un public féminin nombreux, vont-elles suffisamment dans le sens de votre projet pour promouvoir l’égalité des chances et la parité ?
L’ensemble des établissements d’enseignement supérieur doit se sentir concerné par les questions d’égalité, universités comme grandes écoles. La question s’y aborde en trois angles : Le niveau de l’accès des femmes aux grandes écoles, dans certains enseignements dispensés mais aussi la place accordée aux femmes dans la gouvernance. Le ministère a engagé un travail avec leministère de l’Enseignement supérieur et avec les représentants des directeurs de grandes écoles, comme des universités pour faire un grand pas en avant dans le sens de l’égalité. Je crois que la société a évolué, que la prise de conscience se fait et que les esprits sont mûrs pour avancer, parce que le Gouvernement a donné l’exemple, celui que la parité est possible, celui aussi que l’on peut s’engager pour l’égalité, à tous les niveaux.

 

Message aux étudiants
« Lorsque je vais à la rencontre d’étudiants, élèves de grandes écoles ou de jeunes diplômé(e)s qui débutent leur carrière professionnelle, je sais que je m’adresse à une génération de femmes et d’hommes nés avec la crise, qui a parfaitement conscience des défis individuels et collectifs à affronter pour en sortir, mais qui aspire à prendre toute sa part au redressement économique, social, technologique, environnemental, politique et culturel de leur pays. Le poids de cette responsabilité est lourd à porter, mais je constate à chaque fois que les raisons d’espérer, la volonté de réussir, d’innover, et d’inventer un avenir meilleur, pour soi et pour les autres, sont plus fortes que tout le reste. L’égalité réelle entre les femmes et les hommes à tous les niveaux de responsabilité dans les entreprises, et dans tous les métiers, est au premier rang des défis que votre génération doit relever si nous voulons vivre demain dans une société plus juste, plus performante, et plus heureuse. Cet objectif est à notre portée : j’espère que ce numéro de Grandes Ecoles et Universités Magazine dans lequel je suis heureuse de m’exprimer saura vous en convaincre.»

 

Patrick Simon