Villemot : l’Art au service de la pub

Une exposition dédiée à cet affichiste a lieu à la bibliothèque Forney jusqu’au 12 janvier.

 

 

Ils ne savaient plus quoi inventer pour pigeonner le pauvre consommateur. Ils se sont dit : « Et pourquoi ne pas leur servir de l’Art ? ». L’Art au service de la pub : Art perverti ? Ce n’est pas l’impression que nous avons eu en découvrant l’exposition Villemot.

Cet affichiste français de l’après-guerre a eu tôt fait de nous convaincre qu’il n’avait rien d’un artiste médiocre et vénal, prostituant son maigre talent au service d’intérêts bassement matériels. Oh, il a bien réalisé quelques affiches de propagande pour le gouvernement de Vichy. Mais on lui pardonnera cette erreur de jeunesse au vu des affiches réalisées par la suite au service des grandes causes d’Après-guerre, de la mémoire des victimes à la célébration de la patrie. C’est dans cette période que le style Villemot émerge réellement, style qui s’épanouira à travers ses publicités pour des marques comme Hollywood Chewing-Gum, Vespa, ou encore Spontex. Ces affiches pleines d’humour ont marqué une génération, comme nous en a témoigné le ton nostalgique d’une visiteuse quand elle a constaté que « nous autres les jeunes n’avions pas connu ça ». Elle se souvenait bien de ces affiches, témoins d’une époque qui a vu l’avènement du Frigidaire et du chauffe-eau. Mais parmi toutes les publicités de Villemot, ce sont celles réalisées pour Orangina et Perrier qui sont restées les plus célèbres. C’est lui qui a eu l’idée de symboliser Orangina par une écorce d’orange en spirale, la représentation d’un fruit entier étant interdite pour les boissons à trop faible teneur en fruit.

C’est cette inventivité, à laquelle s’ajoute une capacité à cerner l’essence du produit en une association d’idées-images simple et marquante, qui a bluffé. Mais plus encore, si Villemot est un maitre en matière de marketing, c’est que la dérision et l’humour, omniprésents dans son œuvre, créent un véritable lien de complicité entre dessinateur et destinataire. Et cet humour a en effet suscité l’adhésion des consommateurs de l’époque, charmés par la légèreté et la simplicité pleine de recul de l’artiste. La force de ces affiches réside donc dans leur accessibilité et leur franchise, qui en font un authentique art populaire. Sans oublier, il faut bien l’avouer, que nous n’avons pas été insensibles à la sensualité qui se dégage de certaines affiches, par les couleurs, à la fois simples et profondes, les courbes, la rondeur.

Villemot, champion du marketing mais artiste avant tout, nous pousse à interroger l’idéal de l’art pour l’art, en faisant de l’art, pour un produit. L’Art au service de la pub ou la pub au service de l’Art, on ne sait plus très bien après avoir visité cette exposition. Mais ce dont nous sommes convaincues, c’est que Villemot est artiste avant d’être affichiste. Son talent a la pub pour muse, et servir la cause d’Orangina ne l’a en rien desservi.

Claire LEPINAY, Pauline IAMURRI.

Extrait du journal culturel étudiant Contrepied.

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