Son Excellence Monsieur Rakesh Sood Ambassadeur de l’Inde en France
Son Excellence Monsieur Rakesh Sood Ambassadeur de l’Inde en France

« L’Inde et la France sont des partenaires stratégiques avec une relation bilatérale marquée par un haut niveau de compréhension politique et une interaction croissante aux plus hauts niveaux.

Son Excellence Monsieur Rakesh Sood Ambassadeur de l’Inde en France
Son Excellence Monsieur Rakesh Sood Ambassadeur de l’Inde en France

Les relations diplomatiques entre l’Inde et la France sont-elles au beau fixe ?
La France est devenue l’un des partenaires en terme de défense les plus importants et fiables et l’Inde apprécie la volonté de la France de nous fournir des technologies avancées de défense pour la modernisation de notre industrie de défense. L’Inde et la France partagent une vision de réformes dans les institutions mondiales de gouvernance et la France n’a cessé de soutenir la demande de l’Inde d’avoir un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies. L’Inde et la France ont également coopéré au G20 en abordant des questions globales, y compris la crise financière, la sécurité alimentaire, la lutte contre la corruption et la réforme des institutions financières internationales. Les deux pays partagent également des vues similaires sur la manière d’aborder la menace mondiale du terrorisme et ont travaillé ensemble pour adopter rapidement une Convention complète sur le Terrorisme International aux Nations Unies, tout en collaborant sur la sécurité maritime, les mesures pour lutter contre la piraterie et en ayant des approches synergétiques pour s’attaquer aux défis que pose le changement climatique. Par ailleurs, le soutien à ce partenariat transcende les clivages politiques dans les deux pays.

 

Les relations avec le Pakistan constituent-elles un ferment de guerre ?
Les efforts de l’Inde pour gérer son voisinage sont enracinés dans la croyance qu’une périphérie pacifique est une nécessité irréductible pour le succès des efforts de l’Inde d’accélérer son progrès économique intérieur. L’Inde a donc poursuivi une politique dans son voisinage qui met en avant les avantages qu’il y a à bâtir des réseaux d’interconnectivité, de commerce et d’investissement de manière à ce que la prospérité croissante de l’Inde puisse être partagée dans la région. Avec le Pakistan, nous avons eu des hauts et des bas mais aujourd’hui nous mettons l’accent sur les mesures visant à bâtir la confiance et un engagement continu avec le Pakistan. L’Inde croit qu’un Pakistan stable qui agirait comme un rempart contre le terrorisme et l’extrémisme, n’est pas uniquement intéressant pour l’Inde mais pour la région entière et a fait, par voie de conséquence, des efforts pour promouvoir de meilleures relations à travers des négociations. Mais l’atmosphère dénuée de terreur et de violence, nécessaire pour promouvoir de telles relations, fut inexistante. Au cours des quelques dernières années, la trajectoire de la relation de l’Inde et du Pakistan a été affectée par le terrorisme transfrontalier sponsorisé par l’Etat.

 

Relations économiques

Pensez-vous que les relations commerciales avec l’Union Européenne, premier partenaire commercial de l’Inde et la France, son 15e pays partenaire dans le monde, vont continuer à se développer et dans quels domaines principalement ?
L’Inde et l’Union Européenne, en tant que partenaires stratégiques de longue date sont engagées à travailler ensemble avec une approche équilibrée et orientée vers du résultat. Les relations au niveau commercial et investissement avec l’Europe ont toujours été importantes pour l’Inde et forment le coeur des relations entre l’Inde et l’Union Européenne. Avec un commerce bilatéral de plus de 90 milliards de US$, l’Union Européenne est le principal partenaire commercial de l’Inde. Cependant, il existe de nombreuses différences dans le commerce de l’Inde avec les différents membres de l’Union Européenne, avec l’Allemagne qui continue à être le plus grand partenaire de l’Union Européenne avec l’Inde, au niveau commercial et des investissements. Il existe un grand potentiel non exploité dans les relations économiques entre l’Inde et l’Union Européenne. L’Inde et l’Union Européenne partagent une complémentarité d’intérêts commerciaux, avec l’Inde offrant un marché qui prend de l’expansion pour l’industrie européenne et l’Union Européenne offrant la technologie avancée dans des domaines tels que le développement urbain, l’électricité, la logistique, etc. Un grand espoir avait été fondé que l’Accord Général sur l’Investissement et le Commerce (BITA) entre l’Inde et l’Union Européenne qui a été en négociation au cours des cinq dernières années, ouvrirait la voie pour continuer à renforcer les relations commerciales entre l’Inde et l’Union Européenne. Malheureusement, les négociations pour le BITA n’ont pas progressé selon le calendrier prévu. Nous gardons l’espoir que les deux côtés vont rapidement se mobiliser pour trouver des solutions aux questions en suspens qui soient mutuellement acceptables.

 

La lutte contre l’inflation et la corruption menée en 2011 en Inde a-t-elle porté ses fruits ?
Le ralentissement mondial continu qui a affecté les exportations de l’Inde et les prix du pétrole restant élevés ont contribué de manière importante aux pressions inflationnistes en Inde. Le gouvernement de l’Inde, par le biais de mesures fiscales et politiques et la Reserve Bank of India (RBI), à travers des mesures monétaires, sont restés engagés à combattre l’inflation par tous les moyens dont ils disposent. La RBI a maintenu un étroit contrôle sur l’émission d’argent tandis que le gouvernement a annoncé un important package de réformes en septembre dernier, y compris le déplafonnement de l’investissement étranger direct dans le secteur du commerce de détail multimarques à 51 % afin d’encourager davantage l’investissement en Inde. Le gouvernement s’est également embarqué dans la tâche qui consiste à rationaliser les anciennes lois concernant l’acquisition de terrain en Inde, qui est restée une importante pierre d’achoppement dans l’exécution de grands projets d’infrastructures en plus de prendre des mesures pour accroître la productivité dans le secteur de l’agro-alimentaire pour combattre l’inflation en rapport avec l’alimentation. Les derniers chiffres sur l’inflation en Inde montrent que l’indice des prix de gros (WPI) a baissé à 7,24 % en novembre comparé à 7,54 % en octobre, indiquant une réduction marginale dans la pression inflationniste.
Une grande partie de l’attention des médias et du public s’est portée sur la question de la lutte contre la corruption en Inde ces derniers mois. La presse indienne dynamique et libre qui agit comme un chien de garde et a développé la prise de conscience publique et le sentiment croissant de participation parmi le public indien va sans aucun doute jouer un rôle important dans le contrôle de la corruption. Le gouvernement indien a un système intégré de vérifications et d’équilibres à chaque niveau. L’Inde est l’un des premiers pays dans le monde à mettre en vigueur la législation du Droit à l’Information qui permet au public de demander des explications aux fonctionnaires sur leurs actions. Ces derniers mois, une action a été prise contre ceux qui ont été découverts comme coupables de complicité dans des pratiques de corruption, avec même deux anciens ministres du Cabinet qui ont terminé derrière les barreaux. Le fait que davantage de cas de corruption ont été rapportés et une action ayant été prise contre les coupables a montré non seulement la croissance de la corruption en Inde mais démontre le dynamisme de la démocratie indienne, l’efficacité et la réponse des institutions indiennes dans le combat contre la menace de la corruption.

 

Avec une croissance de plus de 5 % et un PIB de 1 900 milliards, l’Inde est-elle en passe de devenir à terme la deuxième puissance économique d’Asie ?
L’Inde est la quatrième plus grande économie en termes de parité de pouvoir d’achat (PPP) et la dixième plus grande économie en termes de PNB. Ce qui est remarquable c’est que la croissance de l’Inde est basée sur l’adhésion aux normes démocratiques, la participation équitable, l’autorité de la loi et des fondamentaux économiques sains et qu’elle est largement conduite par une demande intérieure croissante qui, à son tour, a été alimentée par le profil démographique favorable de l’Inde. Le fait que la plupart des Indiens aujourd’hui ont moins de 35 ans va assurer qu’au moins pendant les 30 prochaines années, la croissance de l’Inde conduite par la demande intérieure va continuer sans faiblir. Entre maintenant et 2030, l’Inde va ajouter 231 millions de nouveaux travailleurs à son économie. L’Inde va se développer pour être une économie de 40,4 trillions de US$ et avec la taille de la classe moyenne qui représente plus que les populations combinées des Etats-Unis et de l’Union Européenne, l’Inde sera le marché avec lequel n’importe quelle société sérieuse dans le monde pourra faire des affaires. D’ici 2050, l’Inde sera l’un des plus grands consommateurs de presque tous les produits dans le monde et par conséquent son économie sera parmi les plus grandes, non seulement en Asie, mais dans le monde.

 

Enseignement et culture

Les partenariats entre les institutions d’enseignement supérieur de France et de l’Inde au niveau des échanges d’étudiants, de professeurs et de l’implantation des grandes écoles peuventils encore progresser ?
La coopération bilatérale dans le domaine de l’éducation entre l’Inde et la France s’est développée au cours des quelques dernières années avec plus de 300 protocoles d’accord signés entre les universités et les institutions privées indiennes et françaises. Un protocole d’accord entre des Instituts Indiens de Technologie (IITs) (Khargpur, Bombay, Chennai, Kanpur, Delhi, Guwahati et Roorkee) et ParisTech (un consortium de Grandes Ecoles) sur les échanges de facultés/ étudiants et la recherche conjointe a été signé durant la visite du Président Nicolas Sarkozy en Inde en Décembre 2010. L‘Institut ainsi que l’Institut Telecom ont aussi signé un protocole d’accord pour encourager la collaboration académique/scientifique à travers des échanges de facultés/chercheurs et des programmes de recherches conjointes. Une initiative importante a été le projet de l’IIT-Rajasthan dans le cadre duquel un consortium français comprenant des instituts d’enseignement supérieur et de recherche va envoyer des membres de faculté/des étudiants pour enseigner ou faire des recherches pendant au moins un demi semestre tout en aidant à établir trois centres d’excellence/ des laboratoires de recherches dans l’ingénierie de systèmes, la conservation et le patrimoine. Une coopération scientifique bilatérale dans le cadre du Centre Franco-Indien pour la Promotion de la Recherche Avancée (CEFIPRA) a contribué à établir un fort partenariat scientifique entre les deux côtés dans des domaines comme la physique pure et appliquée, la chimie appliquée, les sciences de la vie et les sciences de la matière. CEFIPRA prend actuellement des initiatives pour créer un fond conjoint de projets collaboratifs de recherche avec l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), l’établissement d’un Centre franco-indien pour les Mathématiques Appliquées et développer de nouveaux partenariats dans les secteurs de l’eau et de l’énergie.

 

Les échanges culturels entre la France et l’Inde peuvent-ils prendre encore plus d’ampleur ?
Les relations franco-indiennes dans le domaine de la culture sont dynamiques et actives et des échanges culturels réguliers existent entre les deux pays. La culture indienne jouit d’une audience vaste et éclairée parmi les Français, comme le montrent de manière évidente les nombreux et fréquents événements culturels organisés à travers toute la France, et englobant toute la diversité de l’art indien, la musique, la danse, le cinéma et la littérature. Plusieurs programmes culturels organisés dans diverses villes en France sont organisés en dehors du champ des échanges officiels. Au niveau du gouvernement, le Programme d’Echange Culturel Franco-Indien (CEP) fournit le cadre général pour l’organisation d’une variété de programmes culturels. Des accords ont également été signés sur la coproduction bilatérale de films et sur la coopération avec le Musée du Louvre. Les deux gouvernements ont organisé avec succès les premières éditions du Festival culturel indien « Namaste France » en 2010-2011 et le Festival culturel français « Bonjour India » en 2009- 2010. Encouragés par leurs succès, les secondes éditions de ces festivals sont en train d’être organisées. Le gouvernement de l’Inde va établir très bientôt un Centre Culturel indien en France qui contribuera de manière certaine à poursuivre la vulgarisation de la culture indienne en France.

 

L’Inde prend-elle les mesures nécessaires pour protéger la nature en matière de développement durable ?
Le développement durable en Inde englobe une variété de projets de développement dans les secteurs du social, de la technologie propre (énergie propre, eau propre et agriculture viable) et des ressources humaines, ayant attiré l’attention à la fois des gouvernements du Centre et des Etats et des secteurs public et privé. L’Inde s’est engagée à commencer l’écologisation de la comptabilité nationale des revenus, faisant de la réduction de la richesse des ressources naturelles une composante-clé dans sa mesure du produit national brut (PNB). Les efforts soutenus de l’Inde à l’égard de la réduction des gaz à effet de serre (GES) vont assurer que l’émission de GES par habitant du pays continuera à être bas jusqu’en 2029-31 et on estime que l’émission par habitant en 2031 sera plus bas que l’émission globale par habitant de GES en 2005. Même en 2031, les émissions de GES par habitant en l’Inde resteront en-dessous de quatre tonnes de CO² ce qui est inférieur à l’émission globale par habitant de 4,22 tonnes de CO2 en 2005. L’Inde n’a jamais évité de prendre sa part du fardeau pour un environnement plus propre. L’Inde croit que pour des raisons historiques, les pays ont une responsabilité partagée mais différente au niveau mondial. Le nombre de crédits de carbone émis pour les projets de réduction d’émission en Inde devrait tripler et passer de 72 millions en novembre 2009 à 246 millions l’année prochaine (CRISIL). L’Inde s’est également fixée le but ambitieux d’augmenter la capacité d’énergie renouvelable de l’Inde pour atteindre les 25 000 mégawatt (MW) d’ici 2015 par rapport aux 15 542 MW actuels.

 

Patrick Simon