Le consommateur digital est-il un consommateur heureux ?

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La consommation en ligne est devenue un phénomène massif. Le professeur Lars Meyer-Waarden  (EM Strasbourg) et son équipe étudient son impact sur le bien-être des acheteurs. Pas si positif qu’on  aurait pu l’imaginer…

 

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La Toile donne accès à une multitude de biens et services, offerts par des prestataires du monde entier, qu’aucun acheteur ne pourra jamais trouver dans les boutiques de son village ou de son quartier. Difficile de choisir parmi cette offre bouillonnante ? De multiples outils sont à disposition pour se déterminer : comparateurs de prix, avis en ligne des internautes, interactions sur  les forums… Pas étonnant si le développement de la consommation en ligne a  suscité de grandes espérances. Mais le bilan est aujourd’hui plus que mitigé, la consommation digitale engendre au final plus de stress que de satisfaction, révèle Lars Meyer-Waarden de l’EM Strasbourg, à l’issue d’une enquête* menée aux États-Unis, pays pionnier dans le domaine. « À court terme, les consommateurs se  disent satisfaits. Ils se sentent mieux informés, considèrent qu’ils ont plus d’autonomie dans leurs achats. Ils peuvent obtenir des produits plus précisément adaptés  à leurs besoins qu’en magasin. Mais sur  le long terme, on voit aujourd’hui que leur bien-être global diminue. Les consommateurs trouvent qu’ils doivent dévoiler trop d’informations, et que la personnalisation des offres dont ils bénéficient ne compense pas l’intrusion dans la vie privée, cette impression d’être espionné sans pouvoir s’en défendre », analyse Lars Meyer-Waarden.

 

Surveillance et affichage
Le scandale provoqué par la révélation du système de surveillance et de fichage des internautes par les services de renseignement américains (NSA) a jeté une lumière crue sur le manque de protection des données individuelles divulguées sur la Toile. Mais au-delà de cette affaire précise, le commerce de ces données est devenu une source essentielle de revenus pour de nombreux acteurs du Net. Et les internautes qui utilisent des outils aussi communs que Facebook ou Google ont conscience qu’ils ne peuvent échapper au repérage systématique de leurs actions et préférences.  Les sites d’avis,  regorgeant de publicités masquées, et les comparateurs de prix,  financés par de la publicité, ne sont plus aujourd’hui considérés comme fiables.  Le manque de sécurité des transactions est aussi dénoncé : piratage, usurpations d’identité… Face à ces risques, de plus en plus ressentis, quels avantages ?
La diversification des produits proposés au grand public n’est pas aussi importante qu’on pouvait l’imaginer il y a quelques années. À côté d’une offre très éparpillée, de nouveaux «  blockbusters » ont émergé, produits vendus en masse sans que la commercialisation via Internet apporte une valeur ajoutée particulière. Il y a plus grave. « Seul un quart des personnes interrogées aux États-Unis ont déclaré qu’elles étaient satisfaites des offres personnalisées envoyées par les  annonceurs qui disposaient de leur historique d’achat », affirme Lars Meyer-Waarden.

 

Pas facile de suivre l’évolution technologique
L’enquête a mis en évidence d’autres  phénomènes de plus en plus problématiques. L’addiction aux écrans atteint de nombreuses personnes interrogées. Après 45 ans, des difficultés spécifiques apparaissent. Beaucoup de consommateurs disent craindre de ne pas parvenir à suivre l’évolution des technologies, à se servir des nouvelles applications. Ils se sentent perdus. Or, le sentiment de compétence joue un rôle important en matière de bienêtre des consommateurs. Quant à ceux qui n’ont pas d’accès à Internet, ils deviennent d’emblée exclus d’une grande partie des possibilités globales d’achat.
Au final, cette enquête auprès des consommateurs américains peut laisser songeur quant aux bénéfices des ventes en ligne, considérées il y a peu comme une panacée. La situation est-elle similaire en Europe ? Une nouvelle étude, a été lancée au printemps 2014, en France et en Allemagne, par l’équipe de recherche de Lars Meyer-Waarden et Martin Klarmann, pour mieux comprendre encore les liens entre usage des technologies numériques et bienêtre des consommateurs. Il s’agit aussi d’explorer d’autres modèles, qui pourraient accroître ce bien-être.

*, Étude menée en collaboration avec Andreas Munzel de l’IAE de Toulouse, et le professeur Martin Klarmann, du Karlsruhe Institute of Technology, en Allemagne

 

Par Lars  Meyer-Waarden
est professeur des  universités en  sciences de gestion, à  l’EM Strasbourg et responsable de l’axe de recherche Marketing & Information and communication  technologies au sein du laboratoire HuManiS
et Andreas Munzel
est maître de  conférences à l’IAE Toulouse Martin Klarmann  est professeur au Karlsruhe Institute  of Technology en Allemagne

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