De plus en plus d’associations ou d’initiatives se créent aussi pour promouvoir cette mixité au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si les jeunes filles se sentent « naturellement » concernées, les étudiants aussi s’investissent de plus en plus, conscients de la nécessité de tendre vers plus de parité. La preuve par l’exemple avec trois associations mixtes pour promouvoir cette parité. Et ça marche !
WoMines PSL
Étudiante en 2e année à l’école des Mines de Paris, Solène Demay crée en mars 2015 l’association étudiante WoMines PSL avec son ami Mathieu Pélissier. Objectif : promouvoir l’égalité Hommes-Femmes au sein de PSL en en discutant entre étudiant-e-s. Séduite, PSL lui attribue même une bourse. « Nous avons reçu un support important de la part de notre tuteur, M. Bohdanowicz, qui est le directeur des études et qui souhaite plus de filles aux Mines. C’est un vrai exemple d’un homme qui souhaite faire bouger les choses et s’intéresse beaucoup au sujet. On travaille aussi avec Mme Rocher qui est la correspondante pour l’égalité hommes-femmes aux Mines. Au début, certains étudiants se montraient réticents car ils trouvaient que les filles étaient bien acceptées aux Mines. Ils ne voyaient donc pas ce que l’on pouvait changer. » Première action d’envergure : la venue de Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA, à l’occasion d’une conférence « L’enjeu de l’action publique pour l’égalité hommes-femmes » aux Mines ParisTech qui a accueilli plus de 60 participant-e-s des Mines mais aussi de PSL. « Finalement les barrières, je me les mets moi-même : l’éducation sociétale influence beaucoup plus que l’éducation nationale elle-même. Je ne suis pas très portée vers la technique mais si auparavant on m’avait donné l’opportunité d’ouvrir un capot de voiture, ça aurait été différent. Les barrières sont plus mentales que réelles. » Womines va organiser au sein de PSL une semaine de sensibilisation à la question de la mixité. « Nous allons ainsi recueillir des témoignages au sein de chaque école pour sensibiliser les gens. » Prochaine étape : sous les conseils d’une chercheuse aux Mines, Valérie Archambault qui fait partie de Femmes et Sciences, l’association a vocation à devenir le relais entre les étudiants et le monde professionnel. Avis aux intéressé-é-s, l’association souhaite « recruter » plus de membres… et de garçons.
Contact : wominespsl@gmail.com
Association E-mma à Epitech
En 3e année à Epitech Paris, Dipty Chander est vice-présidente d’E-mma, une association mixte née d’un constat : « Si depuis 15 ans, l’informatique se démocratise dans sa volonté de parité, il demeure un secteur plutôt masculin, tant en termes de population concernée que d’image. » L’association a pour but de promouvoir la mixité dans l’informatique. « C’est un véritable plus car filles et garçons ne partagent pas les mêmes points de vue donc la mixité s’avère idéale pour construire un projet différemment. Nous avons ainsi des partenaires comme Google, Microsoft, IBM, Digitas… qui mettent en place des workshops découverte. Nous en avons ainsi organisé un en juin 2015 chez Google : nous avons visité leur CultureLab, discuté avec eux et donné nos avis sur ce qu’ils faisaient. Une occasion incroyable de pouvoir disposer de différentes opinions mixtes. » Prochain rendez-vous : Microsoft ! E-mma s’engage dans la promotion de la mixité dans les collèges et les lycées. « Moi, on m’avait dit, l’informatique n’est pas pour les filles. C’est l’assistante sociale qui m’a conseillée et sensibilisée au secteur. Elle m’a encouragée. Nous proposons donc aux lycéennes et aux collégiennes de venir passer une journée découverte à Epitech pour voir comment ça se passe. Nous faisons du marrainage aussi auprès d’une étudiante de 1ère année en particulier pour la conseiller, l’accompagner et l’aider si elle bloque sur un sujet en particulier. » Un pari gagnant puisque, créée en 2013 par deux étudiantes, l’association compte aujourd’hui plus de garçons que de filles. « Au lancement de l’asso, nous étions trois jeunes filles. Aujourd’hui, nous sommes environ 36 et les garçons sont majoritaires. Mais nous arrivons à nous faire entendre ! »
Contact : http://www.epitech.eu/association-e-mma.aspx
Association Synergie de l’EPITA
Les étudiant-e-s de l’EPITA ont créé « Synergie », une association en faveur de la mixité au sein de l’EPITA : elle agit pour encourager les filles à rejoindre les formations d’ingénieur-e-s, combattre les préjugés et les stéréotypes sur l’informatique et à échanger entre elles. « La mixité à EPITA a toujours été faible, explique Laure Daumal, EPITA promo 2018, vice-présidente de l’association Synergie. Mais c’est aussi le reflet du monde de l’informatique. Cette année, le pourcentage de filles dans la nouvelle promotion a explosé les records : les choses semblent donc s’améliorer petit à petit. La première raison qui nous a poussées à créer Synergie, c’était notre besoin de rencontrer les autres filles de l’école et de nous regrouper : notre faible nombre nous dispersait dans les différentes classes et les différentes promotions n’ont que de rares occasions de se rencontrer vraiment. Ces réunions nous ont permis de nous sentir mieux dans notre scolarité et de nous soutenir entre nous. En effet, favoriser la mixité commence par le fait de la préserver. De plus, nous contactons des lycées et des collèges afin de présenter le milieu de l’informatique aux plus jeunes. Ces actions sont réalisées par des femmes afin de permettre aux filles présentes de s’identifier à nous et, ainsi, de pouvoir envisager cette carrière. C’est l’opportunité pour toutes les personnes présentes de combattre leurs préjugés sur ce milieu et de montrer qu’il n’y a pas de « profil type » pour rejoindre nos écoles. Il faudrait sensibiliser toute la population sur les femmes dans le milieu, qui sont très ‘’invisibilisées’’, mais aussi sur les autres profils masculins : contrairement aux stéréotypes, tous les étudiants en informatique ne sont pas socialement inadaptés, boutonneux et célibataires… » L’EPITA a été lauréate du Prix de l’école la plus mobilisée en 2014 pour lutter contre les stéréotypes, promouvoir l’égalité F/H et informer sur les métiers d’ingénieur-e-s.
Contact : http://www.epita.fr/
Anne Beauval, directrice de l’École des Mines Nantes
« C’est un milieu où l’on observe des disparités significatives. Elles existent en matière de rémunération effectivement – environ 20 % de moins pour une femme cadre en moyenne en France selon une enquête de l’APEC de 2013, 7 % de moins à l’embauche pour les ingénieures diplômées en 2014 selon l’enquête de la CGE. Le nombre de femmes dans des postes à responsabilité reste également faible et évolue très modestement : de l’ordre de 10 % si l’on prend le microcosme des directeurs/directrices d’école d’ingénieurs. La situation évolue lentement dans les entreprises, mais elle évolue favorablement cependant.À la base, les femmes représentent 50% de la matière grise de l’humanité… et cela vaut pour la France aussi. Je pense donc que la mixité a déjà pour principal intérêt de doubler le vivier des compétences mobilisables dans une entreprise ou dans l’enseignement supérieur et la recherche. Par ailleurs, la diversité est toujours une grande source de richesse, car elle permet de confronter des points de vue différents, et cela vaut aussi pour la mixité femmes – hommes.Nous avons en moyenne un peu moins de 30 % de jeunes filles dans le cycle ingénieur généraliste. Nous intervenons ponctuellement pendant la formation : sensibilisation – par exemple le prix Excellencia cette année pour le numérique –, compléments de formation sur la négociation de la rémunération – nous avons 0,5 % d’écart de rémunération femmes – hommes sur la dernière promotion. Je crois également à la valeur de l’exemple, car il est plus facile de se projeter quand on peut s’identifier à des modèles accessibles. Les jeunes diplômées ont les mêmes opportunités que leurs collègues masculins, à condition de ne pas s’autocensurer et de ne pas hésiter à secouer quelques stéréotypes. Elles peuvent tout aussi bien progresser dans leur carrière. Il ne faut pas accepter les schémas mentaux mais réagir, avec humour au besoin, ce qui nécessite déjà de savoir les identifier. De même, il est important de ne pas écarter les réseaux féminins et de s’attendre à ce qu’on leur demande probablement un peu plus que leurs collègues masculins. »
VC