La fonction RH fait face à des évolutions importantes et transversales. Quels sont les enjeux et comment la DRH mène t-elle sa transition ? Révolution ou évolution de l’approche et des pratiques ? Les réponses de trois spécialistes.
1. Le contexte de l’entreprise change, sa gestion des hommes aussi. Plus business que partner
On assiste à une évolution des formes d’organisations. « Les entreprises ont des structures moins définies, explique Géraldine Galindo professeur en GRH et innovation à ESCP Europe. Elles fonctionnent via des alliances, des réseaux. » « Le DRH de l’entreprise intégrée avec des frontières claires est en voie de disparition », confirme Emmanuelle Lévy, responsable du master RH de l’ICP. Comment faire vivre le lien dans une organisation matricielle et transversale ? « Dans une économie complexe, c’est la collaboration et la coopération qui permettent de créer de la valeur. Or, celui qui devrait animer le corps social, se retrouve gestionnaire et considère les RH à travers des tableaux. Il est mobilisé par les enjeux économiques et financiers et ne peut plus remplir sa mission de donner du sens au travail et faire le lien entre stratégie et opérationnel. » La mondialisation de l’économie a aussi un impact sur les relations qu’entretient l’entreprise avec ses salariés et parties prenantes. « Cela suppose que le DRH parle anglais et sache gérer la dimension culturelle dans les RH, souligne Olivier Dusserre, directeur de l’école IGS. Or, cette nécessité n’est pas entrée partout dans les pratiques. »
2. Les outils et usages liés à la digitalisation induisent de nouveaux enjeux pour les RH
La digitalisation s’est imposée aux fonctions RH indépendamment de la volonté de leur entreprise de se doter de ses outils. En effet, les salariés ou d’autres parties prenantes prennent librement la parole sur l’entreprise sur les réseaux. « Les RH doivent jouer la transparence sur les valeurs RH et la GRH sous peine de ne pas maîtriser leur e-réputation », explique Olivier Dusserre. Les outils numériques permettent par ailleurs de faire travailler ensemble des équipes à distance. « Ce travail collaboratif tout comme le télétravail demandent un changement de culture porté par les RH, observe Olivier Dusserre. La DRH doit travailler différemment sur l’engagement et la motivation, la cohésion d’équipe et le partage des valeurs. »
Légitimité renouvelée
Les réseaux sociaux se révèlent pour les mêmes raisons des outils précieux pour les RH, « ils sont des leviers pour recruter différemment, mobiliser en interne, fédérer une ou des communautés, animer des fonctions, et ainsi répondre aux nouvelles formes organisationnelles et attentes », analyse Géraldine Galindo. Les évolutions technologiques sont une opportunité pour la fonction RH d’acquérir une nouvelle légitimité. Il faut gérer plus finement les RH, et « intégrer la notion de client interne, précise le professeur de ESCP Europe. Les RH doivent acquérir des connaissances en marketing pour créer une marque employeur et l’optimiser via les réseaux. »
3. L’évolution des valeurs et des attentes bouscule la GRH
L’époque des carrières linéaires est révolue. Cette évolution remet en cause la manière de gérer les parcours, de susciter la motivation et l’engagement alors que la qualité du management et de la GRH est devenue un critère important pour les candidats et salariés. « Les impératifs d’attirer les talents, les développer et les fidéliser restent les mêmes, souligne le directeur de l’IGS. Le nouvel enjeu est donc de savoir gérer les ruptures dans les parcours (plutôt que les carrières) tout en assurant une employabilité des talents dans la durée. »
Des pratiques questionnées
Le professeur Galindo observe une autre conséquence de ces liens moins stabilisés entre les salariés et leur entreprise. « Les salariés sont plus attachés à une communauté qu’à leur entreprise. Selon les circonstances des communautés se créent et se défont. La sociologie des organisations a changé, la GRH doit en tenir compte. »
A. D-F