En 2014, le classement « Top 100 Global Innovators » de l’agence Thomson Reuters place la France au 3e rang des pays les plus innovants à l’échelle mondiale. Derrière un vocable technique, qu’entend-on par « industrie innovante » ? Quels sont les profils recrutés, et sur quels secteurs faut-il miser ?
CHRISTOPHE VITON, VICE-PRÉSIDENT, ET MICKAEL SPENNATO, CHARGÉ D’ÉTUDES STATISTIQUES DE L’ADIUT (ASSOCIATION DES DIRECTEURS D’IUT)
En 2014, le Boston Consulting Group désigne Apple comme l’entreprise la plus portée sur l’innovation à l’échelle mondiale. Comment définir une entreprise innovante ?
L’entreprise innovante est celle qui, par de nouvelles techniques (voire une nouvelle culture d’entreprise !) va simplifier ses procédures et réaliser des économies. Beaucoup de structures innovent sans que cela soit visible, comme Peugeot dans la conception de phares très sophistiqués pour les voitures. L’innovation est généralement associée aux Technologies de l’Information et de la Communication. Mais elle est aussi liée aux nouvelles méthodes de consulting et aux tableaux de bord développés par les entreprises pour contrôler leur activité !
Alors que le taux de chômage des – 25 ans dépasse 20 % en 2014, comment expliquer les difficultés de recrutement que rencontrent des entreprises innovantes comme les start-up et les PME ?
Les conditions de travail propres aux start-up rebutent certains jeunes actifs. La pression peut y être conséquente, et la frontière vie privée – professionnelle s’y révèle parfois opaque. En parallèle, les PME ne peuvent pas toujours communiquer auprès du plus grand nombre et se mettre en avant, souvent par manque de moyens. A l’ADIUT, nous les aidons à véhiculer une image d’entreprises « stables », proposant de nombreuses opportunités professionnelles.
Dans un environnement marqué par l’innovation continue, comment les étudiants doivent-ils se préparer à intégrer le marché de l’emploi ?
Les jeunes actifs doivent faire preuve de flexibilité et s’adapter à des changements brusques, liés à l’évolution constante de leur environnement de travail. L’implication et la passion sont très valorisées, ce sont les moteurs du développement des entreprises innovantes. Au-delà d’un savoir-faire, les étudiants doivent développer un savoir-être. Être proactif et se projeter au contact de l’entreprise. S’ils ne le comprennent pas, ils perdront. Pour ce faire, l’ADIUT adapte les programmes académiques aux réalités industrielles, en dialoguant régulièrement avec les chefs d’entreprises.
MAURICE PINKUS, DIRECTEUR DÉLÉGUÉ À LA DIRECTION EMPLOI FORMATION DE L’UIMM (UNION DES INDUSTRIES ET DES MÉTIERS DE LA MÉTALLURGIE)
En 2009, l’UIMM participe au lancement du Fonds pour l’innovation dans l’industrie (F2i) afin de développer la recherche dans le secteur industriel et l’enseignement supérieur. Quels sont les enjeux de l’innovation pour une entreprise industrielle ?
Aujourd’hui, la compétitivité dépend de l’innovation stratégique. C’est un critère de survie pour une industrie : sans innovation, elle sera dépassée par ses concurrents et finira par disparaître. Les produits high-tech ne sont qu’une composante de l’innovation contemporaine. Des industries plus traditionnelles comme l’aéronautique et la sidérurgie innovent aussi pour répondre à des problématiques de satisfaction client ou d’économie d’énergie.
Les secteurs de l’Industrie lourde et de la métallurgie peinent à recruter des jeunes diplômés alors que le taux de chômage des – 25 ans excède 20 %. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
L’industrie de la métallurgie souffre d’un déficit d’image exacerbé par les médias, lorsque ces derniers déclarent que la France entre dans une ère digitale et « post-industrielle ». Or, l’activité industrielle française reste vive aujourd’hui ! Dans un secteur comme l’automobile, des techniciens innovent constamment pour développer des modèles de voitures plus confortables, sécurisés et équipés de nouvelles fonctionnalités. En encourageant les échanges entre les jeunes et les entreprises, l’UIMM veut montrer que le cliché d’une industrie métallurgique morne et dépassée ne correspond pas à la réalité professionnelle !
Quels sont les secteurs industriels qui embaucheront des jeunes diplômés d’ici 2020 ?
Le Transport reste un marché d’avenir se transformant au rythme de la réflexion sur la transition énergétique. Le secteur du numérique est lui aussi synonyme de nouveaux emplois, dans la conception d’objets connectés et de procédés robotiques pour simplifier la production industrielle. L’UIMM encourage le développement de formations qui permettent aux Bac +2/3 de s’adapter à ces tendances. Les étudiants doivent à la fois disposer de compétences techniques et développer un savoir-être managérial. C’est une condition de leur intégration et de leur progression en entreprise !
PASCAL LE GUYADER, DIRECTEUR DES AFFAIRES GÉNÉRALES, INDUSTRIELLES ET SOCIALES DU LEEM (LES ENTREPRISES DU MÉDICAMENT)
Chaque année, près de 5 Mds € sont investis en Recherche et Développement dans le secteur pharmaceutique français afin d’y développer de nouvelles pratiques médicales. En quoi l’industrie du médicament doit-elle innover ?
L’innovation dans l’industrie pharmaceutique vise à déterminer de nouveaux traitements pour mieux soigner nos patients. Notre objectif n’est pas seulement de développer des techniques novatrices pour produire des médicaments, mais aussi de concevoir des pratiques curatives jusqu’à présent inexistantes ! La médecine du futur sera liée aux nouveaux médicaments chimiques et biologiques, à la micro informatique et au traitement digital de l’information.
Le LEEM annonce que 1 423 nouveaux médicaments seront commercialisés d’ici 2018. L’industrie pharmaceutique française semble avoir de beaux jours devant elle ! Cette dynamique sera-t-elle complétée par une vague de recrutement de jeunes diplômés ?
Nous souhaitons intégrer davantage de jeunes talents dans notre secteur, dont la moyenne d’âge est d’environ 43 ans. Afin d’effectuer des missions liées à la maintenance de nos lignes de production et au traitement des bases de données, les profils Bac +2/3 nous intéressent beaucoup ! Dans cette logique de recrutement, nous apprécions les étudiants qui suivent un cursus en alternance. Depuis 2013, nous nous sommes fixés l’objectif d’intégrer 2 500 jeunes en contrat d’apprentissage par an. Leurs compétences pratiques et leur capacité d’adaptation au monde professionnel sont des qualités que nous recherchons.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune diplômé Bac +2/3 désirant se lancer dans l’industrie pharmaceutique ?
Il ne doit pas hésiter à mener une réflexion personnelle sur ses attentes. Pour les jeunes, recueillir des témoignages sur internet, rencontrer des professionnels dans des salons et lire la presse spécialisée sont autant de manières de découvrir un domaine dont ils ne soupçonnent pas toutes les richesses ! Mon travail (et celui du LEEM) consiste à communiquer sur les besoins de l’industrie pharmaceutique pour que les universités adaptent leurs programmes et préparent les étudiants à intégrer le monde professionnel. Il existe près de 180 métiers différents dans le secteur du médicament. Nous voulons aider les jeunes à prendre conscience des opportunités d’embauche qui s’offrent à eux !
Sources : http://top100innovators.com/ • iut.fr/ • bcg.fr • leem.org/ • uimm.fr/nos-engagements • insee.fr/fr/
Jean Baptiste Najman