Président (CEO) d’Ingram Micro, leader mondial de la vente d’informatique et d’électronique, Alain Monié (Arts & Métiers ParisTech 73, HEC 75) explique combien il est essentiel aujourd’hui pour une entreprise liée au secteur technologique de coller aux évolutions incessantes du marché (la mobilité et le cloud, les concernant). Ayant dirigé des entreprises sur plusieurs continents, il évoque les avantages du multiculturalisme et son impact sur le management. Rencontre…
Pouvez-vous nous présenter Ingram Micro ainsi que sa stratégie pour les années à venir ?
Nous sommes le plus gros distributeur de matériel informatique au monde, mais également un fournisseur important de solutions informatiques et services, un grossiste en softwares proposant, même déjà, une plate-forme de 200 solutions Cloud intégrées (mails, sécurité, etc.), permettant d’avoir une source d’approvisionnement unique. Notre stratégie de développement est d’une part géographique : nous continuons de nous développer dans des pays où nous sommes peu ou pas présents, souvent par acquisitions (nous en avons réalisé plus de 10 sur les deux dernières années), mais aussi en développant notre valeur ajoutée de trois manières principales : en apportant des solutions techniques à nos clients grâce à nos ingénieurs, en augmentant sans cesse notre niveau de service et enfin en utilisant notre savoir-faire logistique considérable pour acheminer d’autres produits, issus souvent du e-commerce.
« Non pas chercher
la solution, mais essayer les différentes solutions et apprendre à se tromper vite,
puis rectifier »
Quel a été votre parcours jusqu’ici, quel est son fil rouge et en quoi consiste votre mission aujourd’hui à la tête d’Ingram Micro ?
J’ai effectué un parcours très varié : automobile, édition électronique, aéronautique, pâte à papier, nouvelles technologies… Essentiellement à des postes de responsabilité globale car ce qui me passionne, c’est de construire des business et les développer. Ainsi, parti pour trois ans au Japon lancer une entreprise avec deux personnes (notre appartement était notre bureau), je n’en suis finalement reparti que douze ans plus tard, l’entreprise comptant 6000 collaborateurs. Aujourd’hui, ma mission est simple : croître et créer de la valeur pour tous en pérennisant par la faiblesse de ses marges. Valorisée 16 $ à mon arrivée, notre action est aujourd’hui monté à 30…
Vous avez effectué une grande partie de votre parcours professionnel à l’international, aux Etats-Unis et en Asie, notamment. Est-ce un choix de votre part ou bien un (heureux) enchainement d’opportunités ?
Un enchaînement d’opportunités, oui, qu’il convient d’aller chercher, car le contraire fonctionne rarement. En revanche, si vous prenez le monde pour terrain de jeu, non seulement les probabilités se multiplient et vous avez plus de chances de les rencontrer, mais en « sortant » ainsi, devenez vous-même plus visible, on vous remarque et on vous demande… Mais j’adore la France et j’y reviens chaque été du côté de la dune du Pilat depuis 30 ans.
Ayant dirigé des entreprises et équipes de multiples nationalités, pensez-vous que l’art du management soit international et quelles valeurs vous paraissent essentielles de ce côté ?
On ne manage pas les hommes de différents pays de la même façon. Français, Américains ou Japonais ne « fonctionnent » pas de manière identique. Pour arriver à quelque chose, on doit s’aligner sur les motivations profondes propres à chaque culture qui seront différentes pour un Américain ou un Japonais. C’est au manager de s’adapter, comprendre et faire valoir sa compétence, en demeurant modeste ! Cela dit, il existe un ou deux fondamentaux valables partout, reposant justement sur la reconnaissance de cette diversité : ainsi, où que vous soyez, l’essentiel sera toujours de mettre en place une équipe en parfaite adéquation avec le marché sur lequel vous oeuvrez.
Vous avez racheté en 2012 un important grossiste en téléphonie mobile. Acteur d’un secteur d’activité extrêmement évolutif : le digital ; cela implique-t-il d’être plus innovant, vigilant et intuitif pour perdurer et continuer de croître ?
C’est une obligation, en effet, et rester souple, innovant et intuitif n’est pas le plus facile lorsque l’on pèse 40 milliards de dollars. Mais les changements s’effectuent aujourd’hui si vite que nul n’est à l’abri, on l’a vu avec Nokia ou Blackberry. D’où notre implication croissante sur les marchés de la mobilité et du cloud, évolutions actuelles majeures. Il faut essayer de comprendre les évolutions en cours le plus vite possible, puis oser, prendre des risques, se tromper rapidement puis rectifier. Non pas chercher (encore et encore…) la solution, mais essayer les solutions, accepter ses erreurs et corriger. Cela demande un état d’esprit plus ouvert et la reconnaissance du droit à l’erreur, mais cela fonctionne très bien. Vous fréquentez des dirigeants et « grands patrons » issus de toutes les cultures et systèmes d’éducation.
Qu’est-ce qui, dans l’enseignement particulier (grandes écoles, entre autres) que vous avez reçu en France, vous semble, avec le recul, véritablement pertinent ?
Notre système éducatif est l’un des meilleurs, sinon le meilleur, au monde. Je n’en démords pas. Un ingénieur français, par exemple, disposera d’une bande passante bien plus large qu’un confrère américain. Il faudrait simplement insuffler davantage de pratique dans ce système, lequel se cantonne trop encore dans la théorie et – on en parlait – ne vous pousse pas suffisamment à essayer, tester, entreprendre, dans le but de comprendre concrètement les processus, de l’intérieur ; toutes choses qu’il faut ensuite découvrir sur le tas.
Quels métiers propose Ingram Micro ?
Arrive-t-il que des collaborateurs de Micro Ingram France soit appelés à exercer dans d’autres pays et, à poursuivre, à votre manière, une carrière absolument internationale ? Grand distributeur se développant de plus ne plus ingénieurs ayant la compréhension des produits, des commerciaux s’adressant du petit client au plus gros, des informaticiens pour optimiser les process de vente, des acheteurs (fonction essentielle), des financiers d’autant plus pointus que nos marges sont faibles. Quant à la mobilité, ayant constaté durant mon parcours combien elle était pertinente, j’en ai fait une règle : les patrons de région ont tous bougé ces deux dernières années. On fait tourner les équipes et on cultive le multiculturalisme ( 5 non americains sur 11 au Comex). Donc, oui, Ingram Micro représente une réelle opportunité d’ouvrir son parcours sur l’international.
Des chiffres et des êtres Ingram Micro
42 milliards de CA en 2013
23 500 collaborateurs dans le monde, 4 500 en Europe
Présent dans 40 pays, distribué dans 170
250 000 clients – 7 millions de références
90 000 unités vendues chaque heure
Conseils aux jeunes diplômés souhaitant prendre le monde pour terrain de jeu
« Savoir prendre des risques est essentiel et, d’abord, sortir de sa zone de confort : nouvelles géographies, nouvelles langues et nouvelles cultures. Il ne faut pas hésiter à aller là où se trouvent les opportunités car on risque sinon de les attendre longtemps. Toujours chercher à apprendre. En sortant de l’école, contrairement à ce que l’on pense parfois, on ne sait pas grand-chose, mais on détient en revanche tous les outils nécessaires pour combler ses lacunes. Si l’on souhaite évoluer vers des postes de direction globale, alors il faut manager des équipes le plus tôt possible, le capital humain constituant le facteur clé de la réussite d’une entreprise. Et passer également par l’opérationnel, durant quelques années, car lui seul permet d’appréhender la réalité du métier. Enfin, il faut parfois savoir faire marche arrière, apprendre à se tromper, l’accepter et repartir. Un jour pdg, je me suis retrouvé vendeur le lendemain !… Une progression n’est jamais purement verticale, elle comprend aussi des pas de côté et en arrière ».
Contact : alain.monie@ingrammicro.com