HEC Paris : les doers en action ! – L’interview du Dean Eloïc Peyrache

Interview Eloic Peyrache
© Magali Delporte

La cérémonie de remise des diplômes 2022 à HEC a été marquée par un plaidoyer appelant les étudiants et alumni de l’institution à s’interroger sur leur impact sur la société et l’environnement. Eloïc Peyrache, directeur d’HEC Paris détaille la façon avec laquelle l’école répond concrètement à cet appel.

Pourquoi avez-vous apprécié cet « appel à l’engagement » des étudiants d’HEC ?

On parle souvent de l’éco-anxiété de la jeunesse, mais on évoque généralement plus les problèmes que les solutions. Or, HEC est une école orientée solution qui valorise l’esprit entrepreneur au service de la société. Et ce discours de nos étudiants est un appel à mettre en œuvre cet esprit et à travailler aux solutions. J’ai aussi apprécié qu’il appelle au partage de la charge mentale sur le changement climatique qui, il faut le rappeler, ne revient pas uniquement à la jeunesse ! Nous faisons tous partie du problème environnemental et nous devons, collectivement, être au cœur de la solution.

Mais comment passer à l’action justement ?

Pour agir il faut d’abord comprendre. Un étudiant de business school est ancré dans une dynamique de « rendre les choses possibles », d’être dans la mise en œuvre : il n’est pas juste un penseur, il a un côté très doer dans sa capacité à connecter une diversité de profils et à les mettre en action. Mais pour cela, il doit parler plusieurs langage (Python, IA, data, climat etc.) et comprendre en quoi les sujets dont on parle ont un impact sur notre monde et sur l’entreprise. Si nous formons nos étudiants au business, notre formation est résolument orientée solution et, point important, sur la pluralité des solutions. Car HEC est un lieu où on est dans le débat et où on confronte les points de vue en permanence !

Cela nécessite aussi de changer ceux qui font le monde. Concrètement comment favorisez-vous la diversité à HEC ?

Convaincus que l’éducation est au centre de l’ascenseur social, nous multiplions les actions en ce sens depuis plusieurs années : tutorat de lycéens pour nourrir leur réflexion sur leur orientation, renforcer leurs connaissances, les aider à prendre confiance en leur potentiel et leurs capacités, lancement d’Eloquentia@HEC (premier concours national de prise de parole en public dédié aux lycéens lancé en 2018), accompagnement d’élèves de prépas pour renforcer leurs chances de réussite au concours etc. Parallèlement, la modification de notre concours d’entrée a déjà eu des effets significatifs. Pour preuve, nous avons eu 13 % d’admis boursiers supplémentaires cette année. Car oui, l’excellence va avec la diversité. La bonification a fait débat certes. Mais il est établi que les boursiers « carrés » ont deux fois de chance de réussir que les « carrés » non boursiers. Or, lorsque les boursiers cubent cet écart se réduit : ils n’ont pas forcément eu les mêmes chances au départ mais il leur faut juste une année de plus pour exprimer tout leur potentiel. Nous n’avons donc voulu ni les pénaliser ni les avantager, mais les mettre sur la même ligne de départ que les autres.

Quelles actions ciblez-vous à l’attention de celles et ceux qui se sentent géographiquement éloignés d’HEC et qui pensent que cette école leur est inaccessible ?

50 % de nos étudiants viennent de province et il est important que les prépas régionales soient performances et attractives pour attirer les très bons étudiants. Les internats d’excellence sont d’ailleurs une des clés pour y parvenir. Car il ne faut pas oublier qu’une fois qu’on est admis en prépa, on est sûr d’avoir une école, des perspectives et un super job à la clé. Sans oublier que faire une prépa c’est passionnant ! Le bashing c’est facile, encourager les jeunes à l’effort, à l’envie, à la découverte de choses extraordinaires un peu moins, mais tellement plus porteur. Nous travaillons tous ensemble avec la CDEFM sur ce sujet car la prépa c’est notre joyau commun à tous : il faut le chérir et l’accompagner.

Fort de ces succès, vous souhaitez aujourd’hui aller plus loin et promouvoir la diversité à l’international.

Engagés depuis de nombreuses années sur la diversité sociale en France, nous sommes en effet mûrs aujourd’hui pour développer notre ambition de diversité sociale au-delà de nos frontières. Pour changer des destins à l’international, nous avons déjà lancé trois grandes initiatives :

Le programme Imagine, au travers duquel nous allouons des bourses à des talents issus de pays en guerre. Ce programme répond à une transformation massive pour nous. HEC est une marque connue dans le monde : généralement, on postule pour y entrer et on est sélectionné ou pas. Dans les pays en guerre, ce processus de sélection ne marche pas : c’est à nous d’aller chercher les talents. Pour ce faire, nous travaillons avec les institutions locales, des ONG, des services militaires et diplomatiques sur place pour les trouver. Nous avons lancé ce programme au lendemain du retour au pouvoir des talibans en Afghanistan et nous tenions à ce que la première bénéficiaire de ce programme soit une jeune femme afghane. Elles ont finalement été deux : l’une était dans un camp de réfugiés en Allemagne mais la seconde était toujours en Afghanistan et il a fallu l’extrader. Aujourd’hui, ce programme concerne aussi des étudiants syriens, ukrainiens… des profils d’excellence très forts qui ne seraient jamais venus ici et dont les destins peuvent être transformés demain parce qu’ils seront passés par HEC. Parmi les autres dimensions de ce programme : l’accompagnement à distance des startups de pays en guerre, la création de cursus académiques dédiés comme Business & Peace dans la Grande Ecole, et le développement d’une association Imagine pour animer le campus autour de toutes ces initiatives.

Le Programme Pact Afrique, au travers duquel nous accompagnons des élèves d’institutions de référence en Afrique dans le but de leur permettre de nous rejoindre en admission parallèle. Et dans l’espoir, bien sûr, qu’ils mettent ensuite leurs compétences au service du développement de leur pays d’origine.

Les bourses. La Fondation et de nombreux particuliers et grands patrons s’engagent à nos côtés, même s’ils ne sont pas alumni d’HEC. A l’image de Rodolphe Saadé, PDG du Groupe CGE-CGM qui s’est engagé sur 10 ans à financer 20 bourses par an pour des étudiants libanais. Nous avons pour ambition d’atteindre les 25 % d’étudiants boursiers sur critères sociaux en France et à l’international.

Pour changer le monde, il faut aussi changer la façon d’enseigner : quelques indices sur votre prochaine curriculum review ?

Nous souhaitons multiplier les allers-retours et les alliances entre la salle de cours et terrain et ce, dès le début de la formation. Nous allons développer pas mal d’actions autour de l’introspection et faire monter en puissance le volet « compréhension du monde au-delà du business ». Nous voulons aussi travailler autour de la rencontre. Notre campus rassemble des étudiants issus de 133 nationalités, des étudiants qui seront amenés à avoir des responsabilités dans le monde. En créant aujourd’hui sur nos campus une communauté soudée, consciente de la richesse de l’altérité, nous avons espoir que nos diplômés soient, demain, engagés à œuvrer à plus de paix dans le monde.

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