Un travail pour s’accomplir ; une carrière pour s’épanouir ; être utile dans son métier : la quête de sens est-elle une affaire de génération ou d’époque ? Par Ariane Despierres-Féry
Dans l’entreprise, la quête de sens innée à l’être humain est renforcée par l’idée que chacun est maître de sa carrière. « Cela implique de se demander pour quoi on est fait, ce que l’on peut attendre d’un travail : légitimité, satisfaction, bonheur, réalisation de soi ? », explique Jean Pralong, enseignant-chercheur titulaire de la Chaire Nouvelles carrières de Neoma Business School. Autre conséquence plus étonnante : les individus investissent le travail tel une relation amoureuse ! « Ils veulent être satisfaits et se sentir heureux dans une perspective romantique. »
Difficulté à se projeter
L’entrée sur le marché du travail génère de nombreuses questions. « Le marché du travail est plus complexe et changeant, explique Isabelle Chevalier, directrice du Talent & Career Development Unit de Neoma Business School. Nos étudiants appréhendent bien cette non-linéarité mais n’ont pas tous la même réaction face à cela. »
Certains privilégient la sécurité incarnée par les grands groupes ; d’autre s’inscrivent dans la flexibilité en multipliant les expériences, en saisissant des opportunités. « Le contexte les interroge mais ils ne se projettent pas forcement, insiste Isabelle Chevalier. Ils ne parlent plus de plan de carrière. C’est pourquoi il est si important de les accompagner dans la construction leurs projets. »
Ouvrir les possible
Explorer ses envies, c’est ouvrir les possibles. « Nos étudiants arrivés post-prépa n’ont pas opéré de réel choix. Les accompagner dans leurs questionnements permet de rouvrir leurs aspirations, de se découvrir. In fine certains ne seront pas dans le compromis et choisiront une entreprise en cohérence avec leurs valeurs. D’autres seront plus pragmatiques. »
« Il ne faut pas négliger le fait qu’à la sortie de l’école la comparaison sociale et la pression normative du salaire, du statut, du nom de l’entreprise, sont encore fortes » ajoute Jean Pralong.
Exigeants
Cependant, si les jeunes dip cherchent le défi et à progresser, ce n’est pas à n’importe quel prix. « Ils sont très exigeants, posent beaucoup de questions en entretien sur l’ambiance, les valeurs et les conditions de travail, observe Christine Naschberger, professeure associée de management et de RH à Audencia Business School. C’est une génération décomplexée par rapport à ce que l’entreprise peut leur apporter. »
Équilibre des temps de vie
Les jeunes générations expriment leur souhait d’un équilibre entre les temps de vie et disent ouvertement ne pas souhaiter consacrer toute leur vie au travail. Christine Naschberger constate que les jeunes sont plus « enclins à s’exprimer ouvertement de par leur éducation et leur mode de vie collaboratif. »
Cette attente pose des défis en matière d’organisation du travail et de management. « Cela suppose que les entreprises fassent confiance aux jeunes dip et leur donnent de l’autonomie » souligne Isabelle Chevalier.
Le manager donne sens
Dans une étude menée par sa chaire, Jean Pralong a identifié une forme de défiance des jeunes vis-à-vis de l’entreprise dans sa capacité à répondre à leurs aspirations. « Elle relève aussi que ce sentiment se résorbe quand le manager est bon. La relation avec le manager, sa façon de vous parler, de vous respecter et valoriser, contribuent à donner du sens au travail. »
Être utile
Les plus jeunes sont aussi préoccupés par les problématiques qui irriguent la société « comme la RSE, l’environnement, les considérations géopolitiques, l’équité : des questions qui correspondent à une quête de sens », note Isabelle Chevalier. Ils ont une forte conscience du monde réel et sont très informés. « Cela les amène à se demander quelle sera leur place et leur utilité dans le monde professionnel. »