« Those that can’t do, teach » dit-on en anglais. Une traduction de la langue de Shakespeare à celle de Molière donnerait quelque chose comme « ceux qui peuvent, le font ; ceux qui ne peuvent pas, enseignent ». Et si cette logique plutôt réductrice par rapport aux professeurs était tout simplement fausse et que ceux qui peuvent s’orientaient également vers l’enseignement ?
Chaque salarié ne souhaite pas devenir formateur, mais pour ceux qui possèdent une connaissance précieuse du terrain et visent de nouveaux horizons, l’enseignement peut ouvrir une autre voie. Cela est le cas surtout pour certaines formations sur un métier spécifique ou pour des modules de formation continue avec un but précis en termes d’acquisition de compétences. Dans ces cadres, l’apport d’un homme ou d’une femme de terrain serait un vrai plus.
Une ressource complémentaire
En tant qu’intervenant auprès des écoles de commerce, de communication, d’ingénieurs, de design, d’architecture, d’hôtellerie… quelqu’un qui a vécu le monde en question de l’intérieur représente une ressource complémentaire aux professeurs dont les profils se dessinent d’une façon plus académique. Résultat : les étudiants abordent l’aspect théorétique du sujet, puis constatent comment ces théories s’appliquent au monde réel du travail.
En tant que professionnel de la communication et plus précisément des relations presse, j’ai passé une quinzaine d’années à gérer le contact entre une grande école de management et les journalistes en France et à l’étranger. Ne souhaitant pas quitter un employeur et un environnement que j’apprécie mais désireux d’évoluer, je suis devenu hybride : à la fois cadre et professeur.
Partager son expérience
Alors qu’une organisation sensible au bien-être de ses salariés doit forcément chercher à les accompagner dans une évolution de carrière, de perdre complètement les connaissances et compétences de quelqu’un d’expérimenté peut également avoir un effet négatif pour l’employeur. Pour cette raison, la voie du compromis est peut-être à privilégier. Ainsi, le collaborateur partage son expérience à travers des cours tout en restant disponible pour d’autres missions qui bénéficieraient de son profil.
Un tel changement de culture qui apporte de la richesse à une vie professionnelle n’est pas toujours chose simple pour la personne concernée. Premier défi, effectuer soi-même son propre bilan de compétences. Ainsi, on doit prendre du recul par rapport à son activité afin d’identifier ce que l’on pourrait communiquer en cours. Plus on a de l’expérience et plus on a développé des habitudes et automatismes, plus un bilan de ce type s’avère délicat. Pourtant, une fois faite, une telle gymnastique mentale permet d’allier deux aspects essentiels : la connaissance du terrain et l’esprit critique.
Épanouissement personnel
Ensuite, il faut négocier un accord avec son employeur afin que tout le monde y trouve bien son compte. Quand on travaille pour une école, ce qui est mon cas, l’enseignement est la première pierre de l’établissement. Naturellement, une telle situation facilite la reconversion en ‘professeur volant’. Espérons que d’autres employeurs seront sensibles à de telles demandes d’évolution vers la formation ou l’enseignement, à une époque où la quête de sens et l’épanouissement personnel prennent une place importante dans la gestion des ressources humaines.
Une fois cette étape RH négociée avec succès, il ne reste qu’à trouver le bon cadre pour ses interventions et le petit détail de la préparation de ses cours. On joue presque le rôle d’entrepreneur des connaissances. Le sentiment de travailler sans filet devient donc parfois fort, surtout quand le nouveau professeur debout devant sa classe doit maîtriser le même trac qu’un acteur montant sur scène. Heureusement, dans les deux cas, le sentiment personnel d’avoir réalisé une bonne performance donne la même sensation d’euphorie.
Pour en savoir plus sur Andrew Taylor, responsable des missions transverses et chargé de cours, Audencia Business School