En 2024, l’inclusion du handicap grimpe sur la première marche du podium

Inclusion handicap
Disabled athletes prepare their bodies on amphitheater in a sports arena on a sunny day before entering a short-distance running competition

Selon une l’enquête Ipsos publiée en 2022, 80 % des DRH et dirigeants considèrent l’impact sociétal (diversité et l’inclusion notamment) comme le premier facteur permettant d’évaluer la réussite et la performance d’une organisation. Ils y voient d’ailleurs de véritables avantages compétitifs. 83 % des managers ayant recruté dans leur équipe une personne en situation de handicap se déclarent prêt à renouveler l’expérience. Par ailleurs, cette étude révèle que 50 % des salariés estiment que l’expérience est concluante et que leur entreprise devrait accroître l’inclusion de personnes en situation de handicap. Ils pensent également que la présence d’un collaborateur en situation de handicap dans l’équipe a contribué à changer le regard sur le handicap et sur les singularités au sens large. De fait, l’inclusion du handicap est vue de manière positive par les recruteurs : 62 % estiment qu’elle a pour effet de renforcer la solidarité entre les collaborateurs, mais aussi entre les managers et les équipes, et 43 % qu’elle a pour effet de renforcer la diversité dans l’entreprise.

Et pourtant, le taux moyen d’emploi des personnes en situation de handicap stagne à 3.2 % alors que depuis 1987, la loi a instauré une obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) de 6 % pour tous les employeurs, y compris publics, ayant vingt salariés ou plus. Et pourtant, 37 ans après sa mise en place, 76 % des employeurs continuent de penser que l’emploi d’un collaborateur en situation de handicap est une difficulté objective.

La société doit aller plus vite, plus haut, plus fort en matière d’inclusion

Dans ce cadre, comment agir vite et fort ? Il faudrait d’abord d’établir un constat objectif sur la façon dont les entreprises appréhendent cette inclusion du handicap. « Beaucoup d’entreprises ne recrutent pas à proprement parler de personne en situation de handicap, mais incitent leurs propres collaborateurs atteint d’une situation de handicap à se faire reconnaitre comme travailleur handicapé. Si cela ne participe pas à l’inclusion des personnes en situation de handicap en termes de recherche d’emploi, cela permet cependant de maintenir ses collaborateurs ayant une situation de handicap dans l’entreprise » explique Christian Grapin, Directeur de l’association nationale d’intérêt général TREMPLIN Handicap. Alors même que 80 % des handicaps sont invisibles, que 85 % des situations de handicap surviennent après l’âge de 15 ans et qu’une personne sur deux sera confrontée à une situation de handicap temporaire ou durable durant sa vie, les entreprises peuvent et doivent faire mieux pour atteindre cette obligation légale de 6 %.

Un effort nécessaire de la part des entreprises

Mais à cela, nombreuses sont à opposer la question du sourcing. « Les entreprises cherchent de plus en plus un haut niveau de compétences, dont tous les jeunes en situation de handicap ne disposent pas. Cela s’explique par une faible proportion de personnes handicapées dans les études supérieures, même si les évolutions sont notables : en 2005, on ne comptait que 8 000 étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur, ils étaient 51 000 en 2021, notables mais encore insuffisantes. Mais la question du temps pour atteindre le niveau d’études requis pour occuper des postes à responsabilité reste importante. Second facteur : la massification des études. De plus en plus de jeunes atteignent le niveau master et les entreprises ont tendance à préférer recruter une excellente personne valide plutôt qu’un très bon profil de candidat en situation de handicap. Troisième facteur à prendre en compte : la peur de l’inconnu. Etant mal renseigné sur ce que recouvrent le.s handicap.s, les aménagements de poste et le management des collaborateurs en situation de handicap, beaucoup – par ignorance ou manque de sensibilisation – estiment qu’il n’est pas possible d’accueillir ce type de profil au sein de l’entreprise. D’autant que le sujet du handicap n’est que peu mentionné dans les fonctions RH. » précise le Directeur de TREMPLIN Handicap.

Une peur à surmonter du côté des jeunes

Une peur de l’inconnu qui touche aussi les candidats, souvent touchés par le syndrome de l’auto-élimination, comme l’explique le directeur de TREMPLIN Handicap « En raison d’idées reçues, par peur de ne pas y arriver ou par pression familiale, beaucoup de jeunes en situation de handicap s’auto-censurent et s’interdisent de poursuivre leurs études. Les ambitions des familles sont généralement trop basses, il faut donc accompagner ce jeunes (et aussi leur famille) et les guider pour élever leur ambition scolaire et professionnelle ; opposer au champ des impossibles que la société dresse devant eux, un champ des possibles tant scolaires que professionnel pour optimiser leurs chances d’insertion. Chez TREMPLIN Handicap nous mettons en relation les entreprises avec les jeunes afin qu’elles leur fassent découvrir leurs métiers mais qu’elles les guident aussi vers les études qui maximiseront leur chance d’être par la suite embauchés. »

Adapter à tous les étages

Mais pour encourager un mouvement plus massif en termes d’inclusion, il faudrait aussi sans doute jouer la carte de la flexibilité législative, estime Christian Grapin. « Si l’objectif d’atteindre les 6 % est louable, cela force les entreprises à élaborer des solutions à court terme. Aujourd’hui de nombreuses entreprises investissent dans les quartiers sensibles ou en milieu rural en espérant avoir des résultats à moyen et long terme, mais elles ne le font pas pour les personnes handicapées. La loi oblige à produire des résultats instantanés en matière d’emploi ce qui empêche les entreprises d’envisager un accompagnement bien en amont et sur le long terme des collégiens ou des lycéens. Si les entreprises attendent que le jeune se forme, elles s’exposent pendant ce temps à ne pas voir leur contribution Agefiph baisser car le pourcentage de 6% n’est pas atteint à l’instant T. Pourtant, il faut leur faire comprendre qu’elles ont tout intérêt à aiguiller les jeunes d’aujourd’hui puisqu’ils seront leurs collaborateurs de demain. Il faut donc trouver un compromis entre le soutien à la formation des étudiants et le respect de l’obligation d’emploi. L’état devrait encourager les employeurs à se mobiliser et à investir tant dans la première que dans la deuxième. »

Tous HanScene : changer le regard sur le handicap passe aussi par le cinéma et par les jeunes !


Tous les ans, l’association TREMPLIN Handicap organise avec l’aide de l’agence EPOKA le Concours Vidéo Handicap Étudiant Tous HanScène®. L’objectif : donner de la visibilité aux dispositifs, actions, innovations en faveur du handicap déployés dans les établissements de l’enseignement supérieur français, et mobiliser les jeunes. Car aussi étrange que cela puisse paraitre se sont les jeunes (18-35 ans) qui qui portent un regard plus fermé que leurs ainés sur les personnes en situation de handicap : 35 % sont plutôt d’avis que les personnes en situation de handicap ne sont pas capables de travailler, alors qu’ils sont seulement 7 % pour le groupe des 50 ans et plus. Depuis sa création de ce challenge unique, ce sont près de 10 000 étudiants mobilisés, 450 établissements engagés et 1 200 films réalisés. Rendez-vous le 20 juin prochain pour le palmarès de la 12e édition, en partenariat avec Monde des Grandes Ecoles et Universités.

Les Jeux Paralympiques, médaille d’or pour l’inclusion ?

Action et sensibilisation sont donc les maître-mots de l’inclusion du handicap. Et en la matière, les Jeux Paralympiques qui auront lieu dans quelques semaines représentent une force de frappe sans pareil. 4 400 athlètes, 22 sports représentés, 549 épreuves, 3.4 millions de spectateurs : les Jeux Paralympiques de Paris 2024 s’illustrent comme une occasion unique de mettre le handicap à la Une. A la Une des médias (avec les nombreux espoirs de médailles des para-athlètes français), mais aussi à la Une de la société. Alors que près de 350 000 visiteurs en situation de handicap sont attendus à Paris à l’occasion des Jeux, la Ville de Paris entend renforcer son accessibilité, à travers le déploiement des Quartiers à accessibilité augmentée notamment. Mais au-delà de ces chiffres, les athlètes paralympiques, et plus globalement les personnes concernées par une situation de handicap, attendent beaucoup de ces Jeux, comme le confirme le para-nageur Alex Portal, double médaillé paralympique et quadruple champion du monde. « Je suis malvoyant de naissance et je n’ai pas pu bénéficier d’une scolarité adaptée, j’ai dû attendre d’arriver en études supérieures pour trouver un cadre de vie, des entrainements et des études compatibles avec mon handicap. En France, la formation scolaire n’est que trop peu tournée vers le sport, mais j’ai eu la chance que l’ESILV prenne un autre chemin pour me permettre de concilier sport, études et handicap. Même si je regrette que le handisport ne soit pas autant considéré que le sport valide. » Un constat partagé par Brahim Balk, président du comité handisport des Hauts-de-Seine. « Si la communication est forte autour des Jeux et que des actions se mettent en place, je doute que les choses soient conçues pour être durables au-delà. » Pour aller plus loin, le comité handisport a donc mis en place le Top 92, un tour des communes du département pour sensibiliser à l’inclusion et inciter les villes à faire plus, comme l’explique son président. « Grâce à cet événement, nous avons pu organiser de nombreux séminaires et avons mis en place une charte pour que les communes s’emparent du sujet. Nous avons aussi été en contact avec beaucoup d’acteurs institutionnels, auxquels nous avons expliqué l’importance d’aller au-delà des Jeux Paralympiques. Car la réalité est qu’aujourd’hui de nombreux jeunes en situation de handicap n’ont pas accès au sport, soit par manque d’infrastructures ou d’encadrants, soit par peur de ne pas être bien accueillis. Aujourd’hui, notre rôle est de dire : faites-en sorte que tout le monde, personne en situation de handicap ou non, puisse faire du sport ! »

L’inclusion, l’héritage des Jeux Paralympiques

C’est donc au travers de l’héritage qu’ils laisseront que ces Jeux Olympiques et Paralympiques seront jugés. Preuve en est avec les progrès réalisés depuis les Jeux Paralympiques de Londres en 2012 puis ceux de Rio en 2016 et Tokyo en 2020, où le nombre de licenciés a considérablement augmenté. Paris 2024 s’illustre donc comme l’occasion unique de créer un déclic et de permettre au parasport (terme désignant le handisport pratiqué par les personnes atteintes d’un handicap moteur et le sport adapté pratiqué par les personnes atteintes d’un handicap mental) de passer à l’étape supérieure. Mais pour Brahim Balk, cela doit se faire en lien avec les clubs sportifs. « Dans la tête des gens, parasport est synonyme de monde spécialisé et c’est cette mentalité qu’il faut faire évoluer. Aujourd’hui, l’Etat finance de très nombreuses formations pour permettre aux clubs d’accueillir tous les publics et, s’ils ne peuvent pas les accueillir, ils devraient au moins savoir où les réorienter, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Dans les Hauts-de-Seine par exemple, nous disposons de 43 sections handisport, mais seules 18 sont créés au sein des structures valides. Notre objectif est de gommer cette différence et d’avoir plus de sections handisport en milieu ordinaire, gérées par les clubs sportifs. L’idée n’est pas forcément de permettre à tout prix aux personnes en situation de handicap de pratiquer avec les valides (parce que c’est parfois impossible), mais de créer des sections pour accueillir les personnes handicapées : c’est ça aussi l’inclusion. A ce titre, nous proposons que chaque commune se spécialise dans une discipline et qu’elle puisse réorienter les pratiquants vers la commune adéquate en fonction du sport que chacun veut pratiquer. C’est ce qu’a fait le club professionnel de basket de Nanterre avec sa section handi-basket notamment. »

Paris 2024 va faire bouger les choses

Même si tout ce qui avait été promis dans le dossier de candidature ne sera pas réalisé et que l’offre globale de transports en commun ne sera pas accessible dans la capitale française comme l’a regretté Emmanuel Macron, Paris 2024 va faire bouger les choses sur bien des aspects. Tout d’abord, avec le Fonds de dotation Paris 2024 créé en 2019. Paris 2024 et ses co-financeurs ont en effet soutenu plus de 1100 projets sociaux à hauteur de 47,8 millions d’euros au profit de 4,5 millions de bénéficiaires pour favoriser la pratique sportive des femmes, des personnes en situation de handicap, mais aussi pour valoriser le rôle du sport en matière d’éducation, d’égalité, d’inclusion, d’insertion professionnelle. Le programme renommé aujourd’hui Club inclusif a été expérimenté dans 30 clubs pour développer une offre de pratique sportive de proximité pour les personnes en situation de handicap. Signe de cette mobilisation, le Conseil de Paris s’est engagé pour la signature de 8 conventions qui vont enclencher cette dynamique, en collaboration avec Paris 2024, le Comité paralympique sportif français, l’APF France Handicap, les Comités départementaux Handisport et sport adapté ainsi que l’association ASEI, qui accompagnent enfants et adultes dans leur parcours d’insertion. Cette stratégie s’articule autour de trois ambitions fortes : accélérer l’accessibilité de la Ville, permettre l’accès à une pratique sportive régulière et améliorer la participation des personnes en situation de handicap. Autre projet visible, en Seine-Saint-Denis, le Village olympique, la piscine olympique et le Village des médias seront transformés en deux éco-quartiers innovants avec de nouveaux services publics accueillant 4 000 logements, dont près de 40 % seront des logements sociaux totalement accessible aux personnes en situation de handicap. Par ailleurs, de nombreux site auparavant inaccessibles ou peu accessibles ont été réaménagés. C’est notamment le cas du Stade de France ou du Stade Pierre de Coubertin.

Paris, ne pas suivre l’exemple de Londres 2012

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Londres en 2012 ont marqué les esprits grâce à l’engouement extraordinaire dont ils ont fait l’objet (plus de 2,7 millions de tickets vendus pour les Paralympiques et de nombreux records d’audience). Mais 12 ans après, la réalité a rattrapé le terrain. Alors que la création de plusieurs quartiers à destination des populations défavorisées étaient promis, un phénomène de gentrification s’est produit et les populations aux revenus les plus faibles sont en train de quitter la zone, au profit de nouveaux habitants, majoritairement des jeunes actifs attirés par un bon réseau de transport et des prix relativement raisonnables par rapport à d’autres zones de Londres.

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