[Université / Grandes Écoles]
Centrale Lyon s’engage en faveur de l’égalité femmes – hommes ! Le 9 juillet 2013, Frank Debouck, directeur de l’École Centrale de Lyon, signait la Charte pour l’égalité Femmes Hommes dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Un engagement fort qui depuis 2 ans se concrétise par l’organisation le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, d’une journée spéciale baptisée CENTR’L consacrée à la question de la mixité. Un événement orchestré par Isabelle Trébinjac, professeure à l’École Centrale de Lyon, a été nommée référente pour l’établissement.
Quelle est la place de la femme à l’École Centrale Lyon en 2017 ?
L’école ne comptait qu’une seule femme en 1961. Même constat en 1963 et en 1967. Mais depuis, leur nombre n’a cessé de progresser pour atteindre environ 20 % des effectifs au milieu des années 90 puis 26 % au début des années 2000. Depuis, le chiffre reste stable.
Toutefois, il est intéressant de noter que la part des jeunes femmes parmi les admis par concours stagne autour de 24 % tandis que la proportion de celles au sein des admis sur titre s’élève aux alentours de 30 %. Et cette tendance est à la hausse ! Les doctorantes représentent également 33 % de nos effectifs.
Le saviez-vous ?
Près de 30 % des ingénieurs français diplômés en 2015 étaient des ingénieures selon l’enquête 2016 de l’association Ingénieurs et scientifiques de France. 28,4 % de femmes étaient inscrites en écoles d’ingénieurs en 2015-2016.
De bons chiffres mais on reste loin de la parité
Les jeunes femmes connaissent le pourcentage de femmes dans les écoles avant leur intégration. Et certaines d’entre elles ne choisissent pas une école parce que celle-ci a un effectif féminin trop faible.
C’est un effet spiral difficile à contrôler. Moins il y a de femmes, moins elles veulent venir et donc moins les chiffres sont élevés. En 2015, elles n’étaient ainsi que 20 % admises à CentraleSupélec, 15 % à Polytechnique et 14 % aux Arts et métiers.
Une situation différente selon les pays
Certains pays affichent un pourcentage de femmes dans les écoles plus élevé que la moyenne : le Brésil, la Chine, le Maroc, la Tunisie. Pourquoi ? Parce que les études y sont une réelle voie d’émancipation !
Quelles initiatives ont été prises à l’école en faveur de l’égalité entre Femmes et Hommes ?
Plusieurs mesures concrètes ont vu le jour émanant d’initiatives personnelles des cadres administratifs, du corps professoral, de chercheurs ou des élèves eux-mêmes.
- Une vigilance accrue sur le caractère non sexiste des documents internes et externes :
Désormais, nos offres d’emploi, nos formulaires… utilisent tous le féminin et le masculin. Nous avons fait beaucoup de progrès sur ce point.
- Nos actions de sensibilisation à l’égalité
Ces actions sont inscrites dans notre maquette pédagogique :
* Un paragraphe sur l’analyse des divisions sexuelles du travail est demandé à tous les étudiants / étudiantes dans le rapport de stage de 1re année
* Un cours de sciences humaines obligatoire en tronc commun intégrant des modules tels que « déconstruction des représentations sociales », « la construction des normes », « la coexistence d’une société égalitaire et d’inégalités sociales »
Nous organisons également des conférences, des projets d’élèves…
… et CENTR’L, la journée du 8 mars consacrée à la mixité ?
Absolument. La 1re édition a eu lieu en 2016. La conférence était animée par avec Catherine Vidal et portait sur « Le cerveau a-t-il un sexe ? », suivie de débats autour du thème du féminisme et de la séduction.
Cette année, pour la 2nde édition, le thème retenu est : « Le masculin l’emporte-t-il sur le féminin ? Résistances de la société et exemple de la langue française », suivi également d’un débat sur les avantages de la mixité.
La table-ronde est suivie d’un cocktail et d’un speed networking pour les étudiant-e-s de l’école. En 180 secondes, ils doivent présenter leur projet à des manageuses. Et nous avons même eu droit à une intervention personnalisée vidéo de Najat Vallaud-Belkacem.
La question de l’égalité Femmes – Hommes est trop souvent (voire systématiquement) reléguée à un plan secondaire. Soit parce que les personnes nient l’inégalité, soit parce que l’inégalité les arrange… Cette journée du 8 mars est donc une belle occasion – légitimée dans le cadre de la Charte signée par l’école – de traiter d’un sujet relatif à l’égalité Femmes – Hommes. C’est donc une action de sensibilisation autant pour les personnels que pour les étudiants.
Et le succès est au rendez-vous ?
L’an dernier, l’amphi de 350 personnes était plein à ras bord ! Cette journée a aussi pour objectif de dénoncer les stéréotypes encore trop présents même au sein de notre établissement. C’est une vraie action collective.
Sortir des rôles stéréotypés, c’est une libération pour les femmes comme pour les hommes qui subissent toutes et tous l’injonction à un rôle particulier et qui ne s’y sentent pas toujours bien.
Une grande difficulté actuelle, notamment dans le milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche (mais ce n’est pas le seul) est que l’inégalité est insidieuse. Du coup, elle est plus difficile à reconnaitre et à dénoncer. Des journées comme le 8 mars sont des « piqûres de rappel » à l’égalité !
Même au sein des grandes écoles, les inégalités sont donc difficilement visibles ou conscientes ?
L’inégalité est niée dans notre milieu. L’inégalité est insidieuse : il est difficile de la reconnaître, de l’identifier. Nombreux sont ceux qui disent : « Non, il n’y a pas de problème ». Est-ce en toute conscience ou parce que ça les arrange ?
Dans les comités de direction, le ministère a imposé l’alternance. Malheureusement, nous sommes trop peu nombreuses pour l’alternance mais je pense que les hommes ont également un peu peur de partager le peu de pouvoir qu’ils ont.
La Charte Égalité
Centrale Lyon s’engage à prendre position sur les principes de l’égalité Femmes – Hommes, à les faire connaître et à les mettre en œuvre, aussi bien auprès des étudiant-e-s que des personnels, qu’il s’agisse de personnel administratif ou de personnel dédié aux activités d’enseignement et de recherche par le biais de nombreuses actions de sensibilisation.
Ces actions sont destinées aux étudiant-e-s. Mais quid des élèves avant leur intégration ?
Nous menons aussi des actions d’attractivité pour intéresser les jeunes filles aux études d’ingénieur et plus particulièrement à notre école. Parmi nos actions :
- Parcours Découverte de l’École Centrale de Lyon : des collégien-ne-s en stage de 3e viennent à la découverte de la recherche scientifique et la parité parmi les élèves accueillis est respectée !
- Création originale d’une BD relatant les aventures de Sophie, jeune chercheuse en tribologie à l’ECL en partenariat avec l’école Émile Cohl de Lyon, dans le but d’initier aux sciences les 8-12 ans.
- Développement de projets d’élèves dans le cadre du programme « Ose les sciences » en partenariat avec des collèges.
- Visite et témoignages d’élèves centraliens dans leur prépa d’origine pour discuter avec les élèves.
- Partenariat depuis mars 2013 avec l’association Elles Bougent pour aller à la rencontre des collégiennes et des lycéennes et leur présenter le métier d’ingénieure. Notre objectif : susciter des vocations.
Quel est votre message aux jeunes femmes pour justement les pousser à oser ?
Choisissez un compagnon ou une compagne féministe ! J’entends par féministe, le sens le plus fondamental, à savoir quelqu’un convaincu de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, rien de plus, rien de moins.
Il est en effet clair et reconnu que le frein majeur à l’épanouissement professionnel des femmes réside dans une conciliation difficile de la sphère professionnelle avec la sphère privée. Si TOUT dans la sphère privée est partagé entre les femmes et les hommes, ceux-ci seront alors à égalité au niveau de la sphère professionnelle.
C’est la clé de l’égalité ! Croyez-en mon expérience mais aussi celles de mes amies et celles entendues dans les réseaux féminins.
Aux étudiantes de Centrale
Ne vous autocensurez pas. Je leur dis toujours : « Ne demandez pas un salaire inférieur à celui des hommes », il faut oser. C’est aussi valable au niveau des promotions, des salaires… On a encore du mal à prendre la parole en public.
Isabelle Trébinjac en un mot
- Votre modèle au féminin ?
Les femmes qui revendiquent qu’être féministe, c’est être universaliste au sens où l’entendait Simone de Beauvoir. Sinon, je suis très impressionnée par Élisabeth Badinter et Simone Veil pour leur courage politique.
- Et dans les sciences ?
Je suis aussi très impressionnée et admiratrice des femmes scientifiques, notamment des anciennes qui n’avaient pas leur mot à dire dans le monde professionnel et scientifique. Pour n’en citer qu’une, je citerai la plus connue : Marie Curie.
- Un souhait pour les jeunes femmes à Centrale Lyon dans 10 ans ?
Qu’elles osent sans autocensure : affirmez vos revendications salariales, postulez à un changement de poste, prenez la parole en public… Et qu’elles n’acceptent plus des pratiques sexistes en considérant que ce sont soit des blagues potaches ou bien méchantes….
- Votre devise personnelle ?
Comme le disait Simone de Beauvoir : « Être féministe, c’est être universaliste. Tout doit être possible pour chacun, quels que soient son sexe, sa couleur de peau, sa sexualité ». Avec une vigilance accrue contre les théories essentialistes qui refont surface et dont les femmes sont les premières victimes.
- Un souhait particulier ?
Que le féminisme soit à nouveau porté par un mouvement collectif. L’élection de Trump ou « la revanche de l’homme blanc » a provoqué des mouvements protestataires massifs de femmes. C’est bien mais c’est franchement regrettable qu’il faille attendre que les droits soient mis en péril pour s’organiser ! Il faut avoir conscience que rien n’est définitivement acquis.
- Votre moment École préféré de l’année ?
La journée CENTR’L du 8 mars ! Le seul moment où je me sens légitime de revendiquer mon féminisme.
- L’innovation que vous aimeriez voir réalisée par une Centralienne ?
Joker ! Pas d’innovation mais une réalisation : j’aimerais bien que les Centraliennes réalisent des portraits de femmes ingénieures centraliennes avec des parcours différents pour cesser de montrer aux plus jeunes des figures presque exclusivement masculines… ce qui n’aide pas à l’identification ! Voilà le vecteur sur lequel il faut jouer. En 2e année, les étudiantes commencent à sortir de leur bulle et à réaliser que tout n’est pas si rose. Les choses commencent aussi à changer au sein des assos étudiantes. Elles sont bien investies dans la vie associative.
Le saviez-vous ?
Femmes ici et ailleurs remarque dans son dernier numéro que bien que la population mondiale soit constituée de 50 % de femmes et de 50 % d’hommes, les médias mettent en avant des figures masculines dans 80 % des cas !
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