A partir du 8 novembre à 16h48, les femmes ont commencé à travailler gratuitement, et ce jusqu’à la fin de l’année, selon le décompte réalisé par le collectif Les Glorieuses. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en moyenne en France, un homme gagne 2 898 euros nets par mois contre 2 508 pour une femme. Année après année, l’écart ne se réduit que très lentement. Raison pour laquelle Élise Bordet, ingénieur agronome de formation, a créé l’association 2082 en avril 2023 pour former les femmes à la négociation salariale. Elle nous explique quels sont les freins à la négociation et les stratégies à adopter.
Quelle a été la genèse de l’association 2082 et pourquoi est-il si difficile pour une femme de négocier son salaire ?
Élise Bordet : A 28 ans, j’ai obtenu un poste en tant que directrice stratégie et innovation dans l’industrie pharmaceutique. J’avais à ma charge des équipes mixtes et j’ai clairement vu les différences de comportements entre les deux sexes. Les hommes ont été éduqués à gagner, à conquérir le monde. A l’inverse, les femmes ont grandi avec l’idée de se faire petites, de s’excuser et de se faire bien voir de tout le monde. On a le syndrome de la bonne élève, c’est-à-dire qu’on travaille énormément pour obtenir une bonne note. Mais ce système ne fonctionne pas dans l’entreprise. On a beau être productives, on n’aura pas d’augmentation de salaire si on ne la demande pas. Je tiens à rappeler que le monde de l’entreprise a été créé par les hommes. Les femmes sont brillantes dans un cadre universitaire, mais quand elles arrivent dans une entreprise, elles ne sont pas formées aux règles du jeu et ne peuvent donc pas gagner. Faire la bonne élève ne fonctionne nullement au bureau. C’est pourquoi, avec l’association 2082, on aide les femmes à négocier leur salaire à travers des vidéos, des témoignages et des conseils de femmes qui ont réussi. On a même créé un chatbot pour s’entraîner et qui mime votre manager lors du rendez-vous de négociation.
Quels sont les codes que les femmes doivent apprendre pour réussir en entreprise ?
Il faut se dépêtrer de la culture de la naïveté. Cela passe par ne plus dire oui à chaque projet sans réfléchir si c’est pour au final crouler sous les dossiers. Les femmes passent également des heures et des heures à créer du lien, de la cohésion, alors que les hommes le font beaucoup moins. Un avocat masculin m’a dit un jour que les femmes avocates travaillaient tellement dur que pour, garder leur place, les hommes prennaient du temps pour déjeuner avec le patron. On devrait suivre cet exemple.
En parallèle de l’association 2082, vous avez également créé le Club de Pouvoir. Quel est sa vocation ?
Aujourd’hui, il y a trois fois plus d’hommes que de femmes qui siègent dans les COMEX (comités exécutifs). Et les quelques femmes qui parviennent à s’y frayer un chemin sont le plus souvent cloisonnées aux fonctions non-régaliennes (RSE, RH, communication). Le Club de Pouvoir a donc pour mission d’accompagner et de maintenir les femmes aux plus hautes responsabilités. L’idée est de leur faire comprendre le mécanisme du plafond de verre et de l’exploser. Il y a à la fois des cours théoriques et des exercices pratiques comme prendre la parole au micro ou aller à la boulangerie et changer sa commande trois fois. Elles apprennent à avoir une empathie plus dosée, ne pas être dans la position du sauveur, se mettre en avant, assumer leur leadership, prendre leur place et accepter de ne pas plaire. Ce dernier point est peut-être l’un des plus difficiles car on nous a toujours appris à être la petite fille qui veut et doit plaire à tout le monde. Mais c’est impossible, surtout lorsqu’on exerce des responsabilités.
Quels seraient vos trois conseils en or pour réussir une négociation salariale ?
Il faut se préparer impeccablement en amont en allant chercher un maximum d’informations pour assumer le nouveau salaire que l’on veut demander. Pendant le rendez-vous, on instaure une atmosphère positive et on reste leader tout au long de ce moment d’échange. Enfin, votre employeur va probablement vous refuser votre premier tarif, mais on n’abandonne pas et on revient à la charge. Des chefs d’entreprise m’ont confirmé qu’ils donnaient toujours plus d’argent à ceux qui sont pénibles. Alors on ne se laisse pas déboulonner par un non et on retourne négocier, encore et encore.
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