Pierre Lamblin, Directeur du département études et recherche de l’Apec
Pierre Lamblin, Directeur du département études et recherche de l’Apec

Une belle année 2011 pour l’emploi cadres. Quelles probabilités pour 2012 ?

Dossier recrutement

 

Si les marchés financiers dévissent, après un bon premier semestre, le niveau des embauches cadres reste soutenu fin 2011. Amorcée en 2010, la reprise des embauches se maintient. Elle est même marquée dans certains secteurs comme l’industrie dans l’aéronautique et l’automobile. Dans la banque et l’assurance, 82 % des entreprises indiquent souhaiter embaucher au moins un cadre au dernier trimestre ; tandis que l’ingénierie, la recherche et développement et l’informatique sont tout aussi optimistes.

 

 

Pierre Lamblin, Directeur du département études et recherche de l’Apec
Pierre Lamblin, Directeur du département études et recherche de l’Apec

Avec une croissance moins forte ces derniers mois et toujours revue à la baisse par les autorités, et face à une conjoncture incertaine, les recruteurs pourraient se montrer prudents. « Il est délicat de se projeter, confirme Pierre Lamblin, directeur du département études et recherche de l’Apec. Le marché de l’emploi est flexible et réactif. Si la conjoncture se détériore, que les entreprises éprouvent des difficultés à trouver les financements pour leurs investissements, elles bloqueront leurs recrutements. Cela dit, début octobre 2011 elles continuent à diffuser des offres et à recruter. En outre, 1 offre sur 3 est ouverte aux jeunes diplômés. Il y a un an, c’était 1 sur 4. Nous avons d’ailleurs revu nos projections à la hausse à 195 000 recrutements cadres en 2011. »

« Je ne parlerais pas tant d’incertitude du marché que de manque de repères, analyse la directrice du cabinet Mercuri Urval, Marie-Claire Lemaître, tant pour les entreprises que les candidats. Les entreprises souhaitent à la fois fidéliser leurs collaborateurs, se préparer à mener de nouveaux projets en associant leurs compétences actuelles et en attirant de nouveaux talents. Or, dans la conjoncture actuelle, elles ont du mal à se projeter. Toutefois, au coeur du 2e trimestre 2011, le volume d’offres reste constant. C’est une différence notable avec le 2e semestre 2008 en pleine crise. Que l’on connaisse une crise ou que l’on soit déjà dedans, elle sera différente. » Les entreprises avaient en effet cessé la recherche de nouveaux collaborateurs. Aujourd’hui, elles n’attaqueraient pas une crise, si elle doit avoir lieu, dans les mêmes conditions. « Elles ont réduit la voilure, fait du « cost killing ». Lorsque la reprise s’est présentée, elles sont restées attentives à une bonne gestion. Elles sont plus fortes, ont renoué avec les projets, savent qu’elles doivent aller de l’avant sur un marché concurrentiel. »

Si les formations sont un passeport essentiel, les entreprises recherchent une valeur ajoutée. « Le jeune diplômé doit savoir exposer ses expériences et réalisations, les compétences et qualités qu’il a développées, prévient Mme Lemaître. C’est cela qui nous permet de faire la différence entre deux profils similaires, de saisir qui sera rapidement opérationnel, apportera une valeur dans le poste. L’entreprise déteste l’approche livresque. Toute expérience est donc intéressante à mettre en avant, afin de témoigner de son ouverture, de sa capacité à prendre des risques, à intégrer de nouveaux univers, etc. »

Dans son étude jeunes diplômés parue fin septembre, l’Apec souligne que les taux d’emploi les plus élevés concernent les diplômés issus des écoles d’ingénieurs, qui reprennent la tête (78 %), et ceux issus des écoles de commerce et de gestion (76 %). « L’année 2011 a été un bon cru, insiste M. Lamblin. Avec notamment de nombreuses opportunités pour les jeunes diplômés. Encore faut-il bien se préparer pour sa recherche d’emploi et son entrée sur le marché du travail. » Car si les recruteurs s’intéressent aux diplômés de master et plus, un recrutement est toujours une décision et un engagement réciproque. L’intérêt doit donc être mutuel : le candidat doit se projeter dans l’emploi et l’entreprise, briguer un poste en fonction de ses compétences et qualités. « Il doit traduire ses connaissances et compétences en emploi. Dans notre dernière enquête, l’expérience en entreprise – stages, alternance – se confirme plus que jamais un excellent tremplin vers l’emploi. »

 

Entre stabilité et dynamisme du recrutement selon les secteurs
Le secteur des services reste le premier recruteur de cadres. Dans le public, restriction des budgets oblige, les opportunités ont été moins nombreuses pour les diplômés de la promotion 2010 dans les métiers de l’enseignement, de l’action sociale et du secteur associatif. Dans le privé, les secteurs de l’informatique, ingénierie et recherche, audit et conseil forment toujours le trio de tête. « 2 jeunes diplômés sur 3 sont en emploi dans les services, devant l’industrie qui emploie 1 jeunes sur 4. L’industrie que l’on disait en déclin, se hisse en second recruteur de jeunes de la promotion 2010. Elle se redresse dans les secteurs porteurs comme l’énergie, la mécanique, la métallurgie ou encore l’automobile et l’aéronautique. » « Il est totalement faux de dire que l’industrie française est morte, insiste Mme Lemaître. Elle est productive et possède un savoir-faire reconnu et apprécié. Les recrutements d’ingénieurs y restent dynamiques. Dans la finance pure en revanche les embauches stagnent. Il est donc intéressant de postuler sur des territoires annexes et dynamiques comme les sociétés de crédit bail. » Les emplois ont repris avec vigueur dans l’informatique, qui frôle la pénurie. « On observe même un début de surenchère sur les salaires. » Dans la santé, les offres restent stables dans les métiers de la R&D et du marketing. C’est également le cas dans le commerce de détail et la grande distribution, ainsi que dans l’assurance qui avait beaucoup recruté ces dernières années. Les métiers exercés en premier emploi restent traditionnels avec en tête les fonctions études/ recherche, informatique et commercial. Au premier semestre 2011, sur les 90 000 offres ouvertes aux jeunes diplômés (soit + 133 % par rapport au premier semestre 2010), 24 000 concernaient la fonction commercial/marketing, 30 000 l’informatique, 15 000 études/recherche.

 

« Il est totalement faux de dire que l’industrie française est morte »

Marie-Claire Lemaître, directrice générale du cabinet de recrutement Mercuri Urval

 

 

1/ Apec : de nouveaux services en ligne pour les jeunes diplômés
Sur son site www.apec.fr, l’Apec propose gratuitement aux jeunes diplômés de toucher du doigt la réalité des métiers, et découvrir tous les champs du possible qui leur sont ouverts.
« Le jeune s’inscrit sur le site, explique M. Lamblin, qualifie son profil et remplit un questionnaire. Un consultant le contacte par téléphone pour décrypter avec lui le type d’offres qu’il peut cibler, les entreprises et postes qui lui correspondent, les expériences qu’il peut valoriser. »

Une offre multiple
« Votre potentiel marché » fournit l’analyse du marché, permettant de cibler ou élargir sa recherche
« Flash conseil » répond à toutes les questions sur l’insertion professionnelle, le CV, la lettre de motivation, l’entretien
« Clés d’emploi » est un programme personnalisé de recherche d’emploi afin d’identifier les facteurs clés de succès, faciliter l’insertion professionnelle et préparer la période d’essai.

 

 

2/ Et pourquoi pas les métiers du commerce ?
Le commerce n’est pas la première voie envisagée par les jeunes diplômés d’écoles de management qui lui préfèrent souvent le marketing. Pourtant en 2011 selon l’Apec, les fonctions commerciales et marketing (10 % des offres) représenteront plus d’un quart des embauches de cadres. « Les offres les plus nombreuses concernent des postes de vendeurs, technico-commerciaux, responsables de ventes ou de magasins, précise M. Lamblin. Au premier semestre 2011, 24 000 offres dans le commercial étaient ouvertes aux jeunes diplômés. »
62 % des entreprises ont recruté des débutants sur les deux dernières années

Selon le baromètre 2011 de l’Observatoire permanent de la fonction commerciale de l’association des Dirigeants commerciaux de France, les indicateurs sont au beau fixe. « Nos métiers sont en tension, constate Francis Petel, délégué national à l’Observatoire et professeur à ESCP Europe. Les cadres qui étaient 32 % en 1990 sont 65 % en 2010. Jamais le niveau de diplôme des débutants n’a été aussi élevé. On considère que les ¾ desresponsables commerciaux de 30 ans sont diplômés Bac+3 et au-delà. » Un jeune diplômé peut viser un premier poste de manager commercial avec en responsabilité un portefeuille ou un territoire de clientèle ; ou de key account manager en charge d’un important client ; ou encore de channel management à la gestion d’un réseau de distribution. « Ces postes complets et sophistiqués sont réservés à des profils de haut niveau, avec des rémunérations très attractives. »

 

Vers une progression des salaires en 2012 ?
Selon l’enquête jeunes diplômés de l’Apec, le salaire médian des jeunes embauchés de la promotion 2010 se situent à 32 400 € bruts annuels pour les ingénieurs et 33 000 € pour les diplômés d’écoles de management. Selon le cabinet AON-Hewitt, les entreprises prévoient une progression de 2,7 % de leurs budgets alloués aux augmentations individuelles en 2012, contre 2,3 % en 2011.

 

 

3/ Café de l’avenir fête ses 5 ans
« L’objectif de Café de l’avenir est de mettre en relation des jeunes diplômés à la recherche d’un emploi avec des professionnels de l’entreprise », explique sa fondatrice Françoise Lefèvre. Créée en septembre 2005, l’association a mis en relation 2 500 jeunes avec plus de 150 accompagnateurs volontaires issus de tous les secteurs et pour 60 % des fonctions RH. Les rencontres se déroulent chaque dernier lundi du mois dans un café. « L’objectif de ces échanges est double : donner confiance à ces diplômés sur leur visibilité professionnelle, et leur donner les codes de l’entreprise, pour organiser leur recherche d’emploi, clarifier leur projet professionnel, savoir s’exprimer sur leur parcours de vie et leurs expériences, dévoiler leurs talents. Se voir dans un café permet de développer un lien informel, de se dire des choses qu’on ne peut aborder en entretien d’embauche. Le jeune et le professionnel restent ensuite en contact, ou non, à leur convenance. » Le point fort de Café de l’avenir est de faire entrer le jeune dans la réalité de l’entreprise et de ses modes de recrutement dont les étudiants sont souvent éloignés. Il est toujours important de se faire conseiller par des professionnels du recrutement comme de l’entreprise.

 

Alfonso Castro, collaborateur de Microsoft, accompagne des jeunes en recherche d’emploi depuis 4 ans avec l’association Café de l’avenir
Alfonso Castro

Alfonso Castro, collaborateur de Microsoft, est accompagnateur depuis 4 ans.
Il a suivi une cinquantaine de jeunes. « La première démarche consiste à écouter le jeune pour comprendre sa problématique, son ambition. Mon objectif est d’expliquer comment fonctionne un recrutement en entreprise. Car une embauche est une rencontre. Durant l’entretien, le courant doit passer, le jeune doit savoir tirer plus de chaque ligne de son CV, « vendre » ses compétences. Je l’aide donc à identifier des pistes de recherche ou confirmer des envies, à étayer pourquoi il postule. Mon rôle est de conseiller et de donner confiance. Lorsqu’un jeune commence sa phrase en me disant « Est-ce que je peux » je l’arrête, car oui il peut tout essayer pour décrocher un emploi, en restant poli et en se positionnant bien vis-à-vis du recruteur. »

 

Café de l’avenir a mené une enquête de satisfaction en juin 2011, et recueilli des témoignages de jeunes sur ce que ces rencontres leur ont apporté :

« J’ai trouvé auprès de vous le coup de pouce nécessaire pour trouver un emploi qui me convenait. »

« Chercher du travail est bien plus dur que ce que l’on peut imaginer et votre soutien a été d’une grande aide. Tous les mois, cela me permettait de faire le bilan de ce que j’avais accompli et de me redonner des objectifs pour le mois suivant. »

« Avec du travail, de la confiance et de bons conseils stratégiques tout n’est pas facile, mais beaucoup plus simple. »

« Jeune docteur en recherche d’emploi dans le secteur privé, je n’étais pas préparé à affronter l’épreuve du recrutementdans ce milieu. Grâce à mon accompagnateur, qui a fait preuve d’une grande disponibilité et d’un investissement incroyable, j’ai rapidement trouvé un emploi qui correspond entièrement à mes aspirations. »

 

 

4/ deux questions à Manuelle Malot, directrice carrières et prospectives de l’EDHEC et auteur du Guide du recrutement international

Comment décrocher un premier job à l’international ?
Une exposition internationale en stage ou échange académique, voire en VIE, est essentielle pour envisager un premier poste hors de France. Les entreprises ne peuvent plus se contenter de recruter localement pour répondre à leurs enjeux. Elles viennent donc en France sur nos forums. Le diplômé doit aussi se rendre aux forums spécialisés à Bruxelles, Londres, Berlin, Luxembourg. Il se pré-inscrit en ligne et doit être sélectionné pour s’y rendre. Ces entreprises fonctionnent aussi par cooptation, demandant à leurs collaborateurs de proposer des jeunes de leurs formations. Il faut donc prendre des contacts ciblés et motivés auprès des anciens pour leur demander conseil. Les entreprises ciblent des profils de haut niveau, ouverts, maîtrisant plusieurs langues, ayant obtenu de bons résultats durant leurs études. Mais le plus important est une forte motivation, une vraie envie de partir, avoir le goût du changement, d’une vie en mouvement.

 

« Il ne s’agit pas d’éliminer son voisin, mais d’apparaître
sous son meilleur jour, de montrer ses qualités, de convaincre que l’on saura être efficace, capable de donner
le meilleur et faire donner aux autres
leur maximum »

Qu’en est-il des procédures des graduate program ?
Exigeantes et spécifiques, elles demandent une réelle préparation. Les entreprises multiplient les tests afin d’être sûres de leur choix, et départager sur des bases objectives des jeunes venus des grands établissements mondiaux. Car les lauréats auront une progression de carrière rapide. Les processus de sélection durent de 10 à 8 mois, il faut donc postuler en début de 3e année. Dans la finance et la banque, il faut postuler à l’automne, dans la pharmacie, la distribution ou la grande consommation en janvier.
La première étape est le dépôt de candidature en ligne. La préparation du dossier prend en moyenne 15 heures la première fois ! C’est un mélange de CV et lettre de motivation, avec des éléments factuels et des questions ouvertes comme « Quand avez-vous eu l’occasion de travailler en équipe sur un projet réussi ? » ou « Comment avez-vous relevé une difficulté à titre personnel dans un cadre professionnel ? » ; tout cela dans un anglais impeccable.
Si le candidat est sélectionné, il est affecté pour un premier contact par téléphone. Cet entretien élimine ceux qui ne sont pas à l’aise à l’oral, pas sûrs de leur fait et pas aussi clairs que dans leur candidature. Suit un test en ligne dans un temps limité, sur les aptitudes logiques, verbales, d’abstraction, numériques. Si le candidat est convoqué à l’assessment center, il repasse des tests avant des entretiens successifs en face à face, face à un jury, collectif sur une étude de cas. Il ne s’agit pas d’éliminer son voisin, mais d’apparaître sous son meilleur jour, de montrer ses qualités, de convaincre que l’on saura être efficace, capable de donner le meilleur et faire donner aux autres leur maximum. Il s’est déjà vu que les 8 candidats convoqués soient recrutés, ou aucun s’ils n’avaient pas le niveau attendu!

 

 

A. D-F