© Laure Bernard / Espace de travail collaboratif à Paris 10e / http://www.remixcoworking.com/
© Laure Bernard Espace de travail collaboratif à Paris 10e http://www.remixcoworking.com

Les startupers nouvelle génération inventent un monde qui leur ressemble

ECONOMIE COLLABORATIVE, DÉSINTERMÉDIATION, IMPRESSION 3D, BUSINESS MODELS DISRUPTIFS, INGÉNIERIE DU VIVANT, BIG DATA, INTERNET DES OBJETS… LE RYTHME DES TRANSFORMATIONS EN COURS DONNE D’AUTANT PLUS LE TOURNIS QU’IL S’ACCOMPAGNE D’UNE RÉVOLUTION DE L’EMPLOI SALARIÉ. LES « SLASHERS » DE LA JEUNE GÉNÉRATION CUMULENT PLUSIEURS JOBS ET PRATIQUENT ALLÈGREMENT LE ZAPPING PROFESSIONNEL. ILS NE RÊVENT NULLEMENT DE SE FONDRE DANS LES MODES D’ORGANISATION TRADITIONNELS ET S’EFFORCENT PLUTÔT D’INVENTER UN MONDE QUI LEUR RESSEMBLE. LE PRIVILÈGE D’UN ENSEIGNANT EST DE CÔTOYER DES ÉTUDIANTS QUI ONT TOUJOURS VINGT ANS : CELA MAINTIENT JEUNE ET OBLIGE À SE REMETTRE EN CAUSE AUSSI SÛREMENT QUE LORSQU’UN TRAVAIL DE RECHERCHE FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRE-INTUITIFS !

LES STARTUPS SONT DANS LE SENS DE L’HISTOIRE

Cela fait 25 ans que j’enseigne l’entrepreneuriat et l’innovation et que je participe à la création et au développement de diverses startups technologiques. Même s’il y a toujours eu un intérêt marqué de la part des étudiants et des jeunes diplômés pour la création d’entreprise, l’entrepreneuriat est réellement devenu “ tendance “ à partir de la fin des années 90, avec le développement d’Internet. Depuis lors, l’intérêt pour l’entrepreneuriat et l’innovation est allé crescendo. Dans une école comme HEC, plus de 20 % des jeunes diplômés créent désormais leur entreprise pendant ou directement après leurs études. Cette proportion était deux fois plus faible il y a encore dix ans. C’est un lieu commun de parler de la transformation numérique de l’économie. A l’instar des fondateurs d’Uber, d’Airbnb ou de Lending Club, les nouveaux entrepreneurs prennent un malin plaisir à pulvériser des rentes de situation qui ont fait le bonheur d’entreprises dans lesquelles travaillent leurs ainés !

L’ARGENT EST RAREMENT LA MOTIVATION PREMIÈRE

La croissance exponentielle des connaissances est amplifiée par l’accélération de la circulation des idées. Face à ce phénomène, les grandes entreprises sont souvent prises au dépourvu car leur taille nécessite un mode de gestion relativement rigide. Or, “ trop de process tue le business “ et il est souvent difficile pour ces grandes organisations de composer avec une réalité de plus en plus fluctuante. On a rarement vu un super tanker se mouvoir comme un hors-bord… Enquête après enquête, on découvre que la principale motivation des entrepreneurs n’est presque jamais l’argent, qui davantage considéré comme un moyen plutôt qu’une fin. Les études de l’APCE, devenue « Agence France Entrepreneur », montrent en effet que la création d’entreprise est avant tout associée à une volonté d’épanouissement personnel et d’autonomie. Chez les jeunes entrepreneurs, ces motivations s’accompagnent souvent de préoccupations sociales ou environnementales. On crée sa boîte pour avoir un impact sur le monde, pour “ faire sens “.

DÉSIR DE LIBERTÉ ET RISQUE ASSUMÉ

Ce qui est fascinant avec cette nouvelle génération d’entrepreneurs, c’est sa capacité à mettre en pratique la devise anglo-saxonne « Think big. Start small. Move fast. »… Voir grand dès le départ tout en démarrant avec des moyens réduits et avec une grande vitesse d’exécution : il y a effectivement de quoi donner le vertige à des entreprises traditionnelles, qui procrastinent là où des startups acceptent de faire des erreurs, de rebondir et, in fine, d’identifier de créer de la valeur pour leurs clients et pour elles-mêmes. Les “ startupers “ arrivent ainsi clairement à imposer une vision renouvelée des affaires à leurs aînés qui redoutent à raison des business models disruptifs… mais la création d’une entreprise innovante reste, aujourd’hui comme hier, une aventure à haut risque, ou` le succès n’est pas toujours au rendez-vous. C’est d’ailleurs le risque inhérent à la création et au développement d’une entreprise innovante qui fait le sel de cette aventure à nulle autre pareille. Une étudiante concluait ainsi récemment une note de réflexion sur le financement des entreprises de croissance par l’adage selon lequel « le plus beau voyage est de prouver sa liberté ».

* Photo en Une : © Laure Bernard / Espace de travail collaboratif à Paris 10e / http://www.remixcoworking.com/

GEUM 71
© HEC Paris

Par Étienne Krieger,
professeur et directeur scientifique du Centre d’Entrepreneuriat d’HEC Paris