Le grand entretien
« La question n’est pas tant un problème de transformation numérique de l’entreprise qu’une adaptation de l’entreprise à la transformation numérique de l’économie » François Bourdoncle
Par Patrick Simon
Comprendre la révolution numérique
Le Big Data ?
C’est une manière de nommer un système qui recouvre la révolution numérique à laquelle nous assistons car l’ensemble de l’économie, notamment l’industrie, est en train de changer. Les systèmes d’information placés au cœur du numérique sont des systèmes de production qui effectuent à la fois des transactions et des analyses autour des bases de données de type « NoSQL ». Il serait dangereux de croire que la révolution numérique se limite pour une entreprise à numériser des produits existants ou à inventer de nouveaux produits à la marge de ceux qui existent déjà.
Un nouveau modèle économique ?
Le nouveau modèle industriel que l’on voit émerger ne repose pas sur des silos verticaux comprenant un oligopole de leaders et quelques entreprises faisant des affaires à leur interface, mais sur des silos horizontaux bâtis autour d’un usage particulier et d’un monopole de fait : Google pour la recherche d’information et la publicité, Facebook pour l’interaction sociale, Uber pour la mobilité en milieu urbain, Amazon pour le e-commerce, etc. Chaque usage se déploie mondialement de manière extrêmement rapide et conduit à l’apparition de quasi-monopoles qui capturent la majorité du marché. Aujourd’hui, cette révolution industrielle est soutenue par une abondance de liquidités privées, dans un contexte de taux d’intérêts réels négatifs qui encourage la prise de risque fort et à long terme. Un changement de paradigme Si l’industrie traditionnelle ne va pas disparaître du jour au lendemain, son marché risque de basculer progressivement sur cette nouvelle économie de services. Alors que la plupart des industries actuelles produisent des biens manufacturés que les gens achètent, les entreprises du numérique proposent des services où l’on ne se situe plus dans une logique d’achat mais dans une logique d’utilisation de services. Le Big Data se trouve placé au cœur du système parce que la relation avec le client devient centrale dans cette révolution numérique dont les données permettent à la fois de comprendre ce qu’il désire tout en lui permettant de fournir le service attendu.
Questions clés
Comment mettre en place la nouvelle filière de formation : « data scientists » ?
Dans le cadre du plan Big Data et de la Nouvelle France Industrielle (NFI), nous avons travaillé avec la Société Informatique de France (SIF) pour essayer d’aider les instituts d’Enseignement supérieur à se saisir du sujet. La data science est sensiblement différente de ce qu’on appelle la statistique car elle contient l’analyse de données fondée sur des modèles, mais également l’apprentissage automatique où les modèles explicatifs ne sont pas spécialement nécessaires, seule comptant l’efficacité du résultat de l’apprentissage. Les cursus de Big Data sont différents des cursus traditionnels car ils nécessitent une chaîne allant du technicien spécialisé à l’ingénieur de haut niveau, les formations devant s’adapter à l’ensemble des parcours de l’Enseignement supérieur.
Quels types de leviers l’Etat peut-il actionner pour favoriser le marché du Big Data ?
L’État aurait intérêt à se préoccuper de la révolution numérique dans différents domaines qu’il gère (emploi, par exemple) en faisant appel à des services privés d’une qualité supérieure à ceux qu’il propose. Il devrait faire évoluer progressivement sa manière de subventionner l’innovation par des aides diverses et variées vers une modernisation des solutions innovantes des sociétés françaises ou européennes afin de mettre le pied à l’étrier à des startups en leur donnant une assise européenne. Il pourrait également utiliser ces logiciels pour remettre en cause son mode de fonctionnement.
Big Data et créativité
La créativité qui s’effectue au niveau de l’usage, se situe avant tout dans :
• l’imagination de nouveaux services
• la manière de fournir des services que les clients attendent
• l’amélioration de services mal rendus par des entreprises classiques