Le secteur du luxe et de l’art de vivre fait toujours autant rêver et la jeune génération Z qui se l’approprie à coup de post sur Instagram[1] encourage largement la promotion de ces marques auprès de candidats à la recherche de réassurance professionnelle. Cependant, si ce secteur est attrayant et ne connaît pas la crise, il n’en reste pas moins inaccessible pour tout jeune candidat n’ayant pas compris les codes de cet univers complexe et paradoxal.
Pour en savoir plus sur l’auteur : Elodie de Boissieu, Directrice de l’EIML-Paris (Réseau GES) et co-auteur de Comprendre et séduire la génération Z, Ellipses, 2017 – www.eimlp.fr
Le plein emploi dans le luxe pour les jeunes
Eternellement en croissance malgré un léger ralentissement ces dernières années, le secteur du luxe et de l’art de vivre représente un chiffre d’affaires d’environ 275 Mds d’euros en 2017. Si les clients du luxe sont issus des pays émergents (le client chinois est le premier client du luxe par exemple), les marques de luxe restent en majorité françaises (mode, maroquinerie, parfums et beauté, vins et spiritueux, haute gastronomie), italiennes (mode et maroquinerie) ou suisses (joaillerie et horlogerie) et le berceau du luxe se trouve immanquablement à Paris. Dès lors, le domaine suscite passion et engouement pour les jeunes comme pour les parents qui cherchent à les placer sur des métiers qui ne connaissent pas la crise.
Des codes du luxe en parfaite contradiction avec ceux du Z
Le marché du luxe est omnipotent et les jeunes diplômés sont nombreux à souhaiter intégrer ce secteur. Pour autant, les codes de ce domaine sont très éloignés de ceux qui définissent cette jeune génération. Alors que les jeunes accordent une prime absolue à l’immédiateté, à l’instantanéité de leurs expériences partagées, et zappent d’un lieu, d’un produit, d’une marque ou d’une envie à l’autre, les maisons de luxe prêchent au contraire les temps longs, la transmission et la pérennité attachés à leurs produits, gage d’une qualité inégalée. Quand le jeune Z aime porter et mettre en spectacle ses marques favorites sur les réseaux sociaux, la maison de luxe souligne la nécessité pour ses employés de rester dans l’ombre de ses clients, ses créateurs et faiseurs d’excellence qui façonnent leurs objets. Enfin, le Z se plait à jouer avec les codes des marques et détournent des objets sans aucune limites ni frontières même celles des valeurs et du genre, tandis que le luxe ne parle que de cohérence, d’excellence et d’exigence.
Des « loves brands » existent pourtant aussi dans l’univers du luxe
Certaines marques de luxe qui se prennent peut-être moins au sérieux, ont réussi à parler à ces jeunes digital natives plus ou moins naturellement. Les Z se sont ainsi spontanément appropriés la Petite Robe Noire de Guerlain, les stilettos de Christian Louboutin, le personnage d’Olivier Rousteing (directeur artistique de Balmain) ou bien la nouvelle égérie du joaillier Messika (Gigi Hadid) à coup de like et de share auprès de leur communauté. Mais c’est d’avantage l’expérience émotionnelle attachée aux marques de luxe qu’ils valorisent, au détriment des produits associés. Vivre une expérience de luxe plutôt que de posséder du luxe, tel est le crédo du jeune Z qui est régulièrement abonné aux sites collaboratifs de partage de biens immobiliers (le Collectionnist), de vente de produits vintage (Vestiaire Collective, Instantluxe) et de location de pièces de robes de marque (L’Habibliothèque). Habitué à se mettre en scène auprès de sa communauté, celui-ci devient célèbre le temps de quelques likes et n’utilise la marque de luxe que pour promouvoir sa propre identité auprès de ses pairs.
Dès lors, comment confier aux candidats issus de cette génération aux caractéristiques et aux codes si particuliers les clés d’entrée de ce secteur réputé comme impénétrable ? C’est tout l’enjeu des formations spécialisées sur les métiers du luxe qui doivent à la fois animer leur pédagogie autour de l’expérience pour gagner l’appropriation du jeune Z mais également enseigner les trois savoirs du luxe[2] : le savoir (la gestion des marques de luxe, la culture générale), le savoir-être (savoir incarner les codes du luxe comme l’humilité ou le sens du service), et le savoir-faire (les métiers des faiseurs d’excellence).
(1) L’alimentaire (4 millions d’images partagées par mois à travers le monde en 2016, selon Linkfluence) et le luxe (2,6 millions d’images) sont les deux premiers secteurs les plus échangés sur Instagram. Nos conseils aux passionnés par ces métiers du luxe
(2) Source : Expérience et luxe, W. Batat, Dunod, 2017