L’impact de la culture générale dans l’exercice des responsabilités

Laurent Bibard
Laurent Bibard

La fonction publique, les associations, les ONG, sont désormais aussi soumises aux exigences économiques que le secteur privé. Toutes les organisations doivent rendre des comptes dans l’immédiat à leur parties prenantes, actionnaires pour les entreprises, parents d’élèves pour les écoles, patients pour les hôpitaux, administrés pour les collectivités locales, etc.  – Par Laurent Bibard, Professeur à l’ESSEC Business School, Titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité 

 

Du besoin de prendre de la distance

De manière générale, on peut dire que le court terme consiste à être le meilleur dans l’activité que l’on exerce, pour produire des résultats immédiats, de manière continue et de manière visible. Dans ce contexte, la culture générale – l’histoire, la philosophie, la littérature – ne sert apparemment pas à grand-chose. Ce qui est immédiatement utile, ce sont les connaissances techniques. Des connaissances en gestion, en médecine, dans la réglementation des collectivités locales, etc. On sait malgré tout que si les hommes ou les institutions se focalisent exclusivement sur des résultats visibles sur le court-terme, c’est dangereux pour leur environnement et pour eux-mêmes. Nestlé se souvient encore du boycottage de ses produits suite aux morts provoquées par sa politique de vente de lait en poudre dans des pays d’eau non potable par exemple.

© REA
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Avoir une vision sur le long terme

Les hommes, les entreprises, les institutions doivent toujours, malgré les exigences économiques, en même temps que satisfaire un minimum ces dernières, se départir de la pression du court-terme. Il est tout aussi essentiel de savoir prendre distance avec les objectifs d’une efficacité immédiate que de savoir s’y consacrer. Les organisations ont besoin d’autant de capacité de vision à moyen et long terme, de capacités à considérer leur environnement dans son ensemble, et d’adaptation à une réalité multiforme, foisonnante et imprévisible que de capacité à produire des résultats visibles et immédiatement satisfaisants. Pour revenir à cet exemple, la politique de vente de lait en poudre de la part de Nestlé dans les années 70 aurait requis une étude préalable des conditions d’utilisation du lait en poudre dans des pays où l’eau potable est excessivement rare.

Une formation essentielle

L’on a tous besoin d’être formés à prendre distance avec les attentes du court-terme autant qu’à les satisfaire, en considérant la réalité de nos actions dans leur ensemble et pas seulement à court terme. Contre nos attentes de certitude, de cohérence, de visibilité des situations (ou de leur transparence) et de connaissance certaine, il est essentiel de reconnaître les contradictions de la réalité, son incertitude essentielle, les phénomènes émergents, et la nécessité d’interpréter les événements qui ne font d’abord que se signaler. Il est ainsi indispensable de savoir :
• Considérer les problèmes que nous devons résoudre dans leur contexte global,
• Nous adapter à une évolution imprévisible de la réalité, au sein de laquelle il faut vivre et décider,
• Etre capables d’identifier les vrais problèmes sans perdre de temps à de fausses solutions.

La culture générale pour aiguiser son regard

Ces trois capacités de prise de distance, d’adaptation, et de problématisation sont par excellence cultivées grâce ce qu’on appelle la « culture générale », à la philosophie, à l’histoire, aux arts, etc. Ces disciplines sont essentielles pour aiguiser notre regard sur le long terme, pour apprendre à évoluer en milieu inconnu – dont par excellence tout ce qui concerne les émotions et les sentiments humains dans leur complexité -, ou pour apprendre à problématiser et à prioriser parmi nos décisions et nos actions possibles.

Il est indispensable de continuer d’enseigner la culture générale, qui non seulement sert « encore » mais « toujours » à exercer des « responsabilités » au meilleur sens du terme. En particulier lorsqu’il s’agit – pour suivre l’origine étymologique du terme –, de « répondre » de ce que l’on fait, et de le faire dans le contexte d’une prise en compte de ce qu’on appelle désormais la « responsabilité sociale des entreprises ».

 

Contact :
http://knowledge.essec.edu/fr/authors/laurent-bibard/

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