Le marketing est en train de nouer une relation de plus en plus importante avec le design. Si les deux termes ont longtemps pu paraître aux antipodes, aujourd’hui, les lignes bougent. Décryptage de Nicolas Minvielle, Responsable Mastère Spécialisé Marketing Design et Création d’Audencia Nantes.
Par Nicolas Minvielle, Responsable Mastère Spécialisé Marketing Design et Création d’Audencia Nantes
Le marketing est actuellement dans une situation extrêmement intéressante, notamment au regard de sa relation avec une fonction de l’entreprise qui commence à prendre une ampleur considérable : le design. Ces deux termes ont longtemps pu paraître opposés, notamment culturellement dans la mesure où leurs praticiens avaient tendance à se regarder avec fort peu de considération. D’un côté, de nombreux designers estiment que les approches quantitatives et d’analyse marché mises en avant par le marketing ne fournissent que peu de résultats probants et sont souvent inutilisables pour le développement d’un produit ou d’un service. De l’autre côté, les marketeurs sont souvent dubitatifs quant aux outils de création des designers et sont dans l’incapacité (fort inquiétante pour eux) de prévoir et quantifier l’impact de la pratique design. Pour autant, le design et le marketing partagent un certain nombre d’objectifs, tels que la cible finale de leur travail (le client) ou encore le fait de vouloir capturer de la valeur sur des marchés saturés. D’un point de vue plus académique, cette coopération plus ou moins forcée a déjà donné lieu à de nouvelles approches pédagogiques extrêmement riches. Stanford a ainsi ouvert une D-School ou Design School dans laquelle les méthodologies du design viennent nourrir de nouvelles méthodologies de réflexion autour des produits, de la marque et de l’expérience. De nombreuses écoles ont depuis suivi une démarche proche, soulignant ainsi l’intérêt de ce type de collaborations. Ces évolutions se sont évidemment répercutées au niveau des entreprises et de certaines fonctions du marketing, avec l’apparition de nouvelles demandes et expertises. A titre d’exemple, il est de plus en plus courant que les offres d’emploi ou de stages du type « chefs de produits » impliquent d’avoir une connaissance de Photoshop ou d’Illustrator. Cette exigence nouvelle souligne le fait que les relations entre les responsables des marques et les créatifs au sein des agences sont en train d’évoluer, les notions d’interface communes jouant un rôle de plus en plus important.
Le développement de nouveaux territoires de marque…
Ceci se traduit notamment au niveau des problématiques de territoires de marque. Le marketing sensoriel a connu un essor important dans les dernières décennies, et de nombreuses marques se sont engouffrées dans le développement d’une présence sur tous les supports sensoriels disponibles. Ceci soulève cependant de nombreuses questions dans la mesure où les étudiants diplômés d’écoles de commerce ne sont quasiment jamais sensibilisés à ces aspects et sont donc dans la réelle incapacité de briefer correctement des agences, et pire, d’évaluer la qualité de leur travail. Si l’on prend l’exemple d’une école de commerce, combien d’élèves seraient capables de réellement définir ce que devrait la marque sonore de leur école pour une publicité radio ? Et sur quelles bases l’évaluation seraitelle menée ? Dans le cas de la présence visuelle (logos, packaging etc.), un certain nombre d’outils tels que la sémiotique, l’analyse de couleurs ou de l’univers de marque sont enseignés et se révèlent pertinents lors de la prise de poste en entreprise. C’est encore loin d’être le cas pour les autres attributs, et les cours de création de parfum visant à solliciter l’odorat et expliquer le principe des marques olfactive sont aussi rares que ceux portant sur le design sonore.
…qui ont pour conséquence l’apparition de nouvelles expertises
De manière intéressante, c’est au niveau des agences de création et de branding que l’innovation métier a débuté. Ayant conscience de la difficulté à présenter leur travail et à le légitimer, les plus importantes d’entre elles ont mis en place un système dans lequel des étudiants d’écoles de commerce servent d’interfaces entre les cellules de création de l’agence et les responsables marketing du client. Les termes pour ces postes varient de « brand managers » à « responsable client ». Les typologies sont encore assez floues mais elles commencent à essaimer chez certains annonceurs qui créent des postes visant à être au plus proche des cellules de création. Dans le cadre du MS marketing design et création, de nombreux étudiants de la dernière promotion sont ainsi en charge du développement de la marque de leur employeur, mais sur un nombre de supports beaucoup plus important que ce qui était courant avant leur arrivée. Par ailleurs, ces postes sont maintenant beaucoup plus ouverts à des ingénieurs ou designers dans la mesure où leur proximité à la notion de produit et de développement est une réelle plus value. On voit donc doucement apparaître dans le secteur du marketing de nouvelles typologies de postes où les employeurs cherchent des profils beaucoup plus proches des activités créatives ou de développement, tout en s’assurant que la personne en charge dispose d’une réelle compréhension des questions de marché.
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