Répression armée des protestations chinoises à Singapour en 1964
Répression armée des protestations chinoises à Singapour en 1964

Les Chinois sur la péninsule malaise : entre exclusion et pouvoir économique

DOSSIER SPECIAL CROSSWORLDS

 

Dans un pays où les Chinois représentent a minima un quart de la population malaisienne, la question de l’influence chinoise en Malaisie se pose facilement.

Répression armée des protestations chinoises à Singapour en 1964
Répression armée des protestations chinoises à Singapour en 1964

Les quatre Tigres Asiatiques – Indonésie, Vietnam, Thaïlande et Malaisie – sont pour la Chine des pays où investir est facile et sûr. Ces pays sont en plein développement économique, et affichent chacun une croissance annuelle moyenne de 5 %. Mais le cas de la Malaisie est particulier dans le sens où les relations entre Chinois et Malais remontent à la colonisation anglaise.

 

Une opposition historique
L’arrivée des Chinois est datée au début du XXe siècle sous l’occupation anglaise. Disposant de ressources financières, la communauté devient vite le partenaire économique privilégié des colons et met ainsi vite la main sur l’économie malaisienne. Les Chinois malaisiens se divisent en deux groupes : les ruraux pauvres et les citadins entrepreneurs. Durant l’occupation japonaise (1941-45), alors que les riches se réfugient derrière leurs capitaux, les Chinois ruraux prennent le maquis et forment l’Armée malaisienne antijaponaise, qui deviendra, après la défaite de ces derniers, le Parti Communiste Malais. La rupture se forme alors entre les maquisards et les citadins; ceux-ci ne voulant pas mettre en danger leurs privilèges économiques accordés par les Anglais. En 1948, l’État d’urgence est déclaré – il restera en vigueur jusqu’en 1960. Ainsi, alors que la Malaisie contemporaine n’a pas encore vu le jour – la fédération sera officialisée en 1963 – la présence chinoise sur le territoire est déjà contestée car d’une part génératrice de violences avec l’insurrection communiste et d’autre part propriétaire de la majorité de l’économie nationale.

 

Singapour, indépendante grâce à la communauté chinoise
Aujourd’hui respectivement première et troisième puissances économiques de la région en PIB par habitant, Singapour et la Malaisie auraient pu être une seule entité politique. En 1963 en effet, Singapour rejoint la nouvelle fédération de Malaisie aux côtés des Etats de Bornéo. Quelques mois plus tard, la majorité chinoise vivant dans la Cité-État descend dans la rue pour protester contre les politiques de discrimination positive exercée par le gouvernement malaisien, visant à favoriser les Malais. Suite à ces protestations incessantes durant l’année 1964, le Premier Ministre malaisien Abdul Rahman décide en 1965 d’exclure Singapour de la fédération. Quand on connaît la puissance économique qu’a acquit l’État dans les années 1980, la Malaisie ne peut que s’en mordre les doigts.

 

Après 1970, un seul but : rendre aux Malais leurs richesses
Fidèle à son idéologie pro-Malais, le gouvernement lance en 1970 la Nouvelle Politique Economique, avec comme objectif que les Bumiputra – Fils du Sol malais – possèdent non plus 2,4 % mais 30 % de la richesse économique nationale en 1990, alors que la part des étrangers passerait de 60 à 30 %. Cette discrimination positive est depuis une politique ouvertement assumée par l’Etat, ce qui fait de la Malaisie le seul pays où elle est utilisée pour protéger une majorité et non une minorité. Aujourd’hui encore, les étapes de l’ascenseur social ne sont pas les mêmes pour Malais chinois et les Malais de souche. Les premiers paieront plus cher un logement, devront avoir de meilleures notes pour accéder à l’université, et ne pourront accéder au plus haut rang de l’État. La Malaisie propose une configuration originale, où la cohabitation entres les ethnies semble impossible alors que seulement la moitié de la population se réclame malaise. Ajouter à cela les problèmes de religions que cela induit – Malais musulmans, Indiens hindous et Chinois taoconfusionnistes, et l’équation des conflits sociaux sur la péninsule est complète.

 

Amaury Hauchard
(promo 2016)