D’après la sociologie, la philosophie ou la psychologie, les rôles de chacun – homme et femme – sont construits en grande partie par l’éducation, les manuels scolaires, la télévision, la publicité… S’il est admis que ces éléments ont certes une influence, qu’en est-il d’un point de vue biologique ? Les hommes et les femmes sont-ils fondamentalement égaux ou au contraire, la génétique peut-elle justifier nos différences ?
Et dans la nature elle-même, comment cela se passe-t-il ? Existe-t-il aussi une certaine inégalité entre les animaux et quelles peuvent en être les conséquences ?
Explications de Thomas Heams, enseignant à AgroParisTech :
« Il est crucial de distinguer le sexe et le genre. Il existe bien sûr des sexes biologiques chez les animaux et les végétaux. Mais il n’est pas figé : certains animaux changent de sexe selon les températures ou sont hermaphrodites… Sans parler de la créativité sexuelle des végétaux ! Toutes les possibilités existent. Il existe des cadres mais certaines espèces ont inventé de multiples variations autour de ces cadres. De plus, attention à l’amalgame entre le biologique et le génétique. Nous sommes certes constitués par des gènes, mais en interaction avec notre environnement. Le biologique est donc une rencontre entre la génétique et les circonstances de la vie. Ce constat vaut pour l’espèce humaine : il n’y a pas toujours d’équivalence entre le sexe et le genre. Le genre résulte d’une histoire personnelle, où le biologique croise le culturel, le social, le psychologique. Si la nature nous a donné un sexe, nous n’avons pas à le subir non plus et les biologistes n’ont pas d’autorité particulière pour nous assigner un genre : nous sommes libres de nous inventer si notre équilibre personnel et notre bonheur le commandent. »
L’égalité : un concept moral qui ne s’applique qu’aux humains
« Dans la nature, il existe des rapports de domination entre animaux mâles et femelles, souvent au bénéfice des mâles. Mais la sélection sexuelle fonctionne dans les deux sens… Plus généralement, bien que des formes rudimentaires de choix collectifs existent dans des sociétés animales, le concept d’égalité, qui est moral et politique, concerne avant tout l’espèce humaine. Cela ne légitime cependant aucun sentiment de supériorité. L’’’égalité’’ trouve certainement ses fondements naturels dans une organisation efficace car pacifiée des rapports sociaux. »
La nature fait-elle bien les choses ?
Pour Thomas Heams, « Non : la nature n’a ni but ni volonté consciente. Les espèces présentes ont survécu car elles étaient mieux adaptées à un environnement donné ou ont été épargnées par des cataclysmes. La nature bricole, et la sélection naturelle trie, parfois de manière très « cruelle » et produit des écosystèmes dynamiques. Refusons toute idée de progrès linéaire et toute illusion d’optique ! Le vivant foisonnant sous nos yeux résulte d’un enchaînement de circonstances improbables et n’est pas gravé dans le marbre : toutes les espèces évolueront à terme. C’est ce qui le rend passionnant : non pas son illusoire ‘‘perfection’’, mais sa capacité d’invention. Il faut se garder d’une idée d’une nature figée. »
Pour Thierry Spataro, enseignant-chercheur à AgroParisTech, spécialiste de la modélisation de la dynamique des populations, « il peut même exister un certain dysmorphisme dans la nature. Chez la plupart des espèces, les différentiations femelles – mâles sont maintenues, et ce quel que soit l’environnement dans lequel ils évoluent. Dans le monde animal, la notion de dominance se définit en général par rapport à l’accès à la reproduction chez les mâles. Par conséquent, on parle rarement de la dominance d’un sexe par rapport à l’autre car ils ne se construisent pas l’un contre l’autre. Si dominance il y a, elle intervient plutôt au sein d’un même sexe. »
Quid des femmes et des hommes alors ?
« Une des caractéristiques de la population humaine par rapport à d’autres est qu’elle a acquis la possibilité de s’affranchir au moins partiellement de la sélection naturelle. C’est pourquoi, il peut sembler ‘’légitime’’ de vouloir réduire autant que possible la différenciation entre sexes au sein de la
société humaine. »
VC